Valls n'est ni dormeur, ni poète, car réaliste.

Vais-je faire hurler les gardiens de l’orthodoxie de ce que l’on appelle la « gauche » dans l’histoire de la République ? C’est quasiment une certitude. Mais dans le fond, c’est peut-être aussi bien d’être rangé chez les « sociaux-traitres » quand on pratique uniquement le parler vrai. En effet, si ce n’était pas le cas, cette attitude n’aurait aucun intérêt et c’est pourquoi je n’y renoncerai jamais. Ainsi, je suis prêt à avouer une entorse grave à la « normalitude » (mot emprunté à Ségolène Royal) de la Gauche se parant dans des grands principes. Oui j’apprécie certains propos et certaines décisions de… Manuel Valls ! Je l’affirme haut et fort. En quelques mots, il a résumé ma vision de la nouvelle République à mettre en œuvre : celle qui redonnera à la citoyenneté son vrai sens. Rien ne pourra en effet évoluer dans le bon sens, sans que l’on reparle des droits acquis ou à conquérir, mais aussi et surtout des devoirs à exercer et à respecter.
De tous temps, une démocratie qui fait passer les droits avant les devoirs se suicide ! Or le mal est profond, très profond… Chaque jour, chaque heure, le constat est le même, les droits sont consommés au-delà du raisonnable, alors que les devoirs sont abandonnés au bord du chemin, comme des principes vieillots portés par de vieux grincheux, pour ne pas écrire de vieux em……….. à mépriser. Or voici que Manuel Valls fait une déclaration qui me réconcilie avec lui. Il a estimé, dans un entretien à Aujourd’hui en France/Le Parisien que « la sécurité n’est ni de droite ni de gauche. C’est une valeur de la République. » Une déclaration qui me convient particulièrement. Ce qui peut être débattu, c’est la manière dont on met en place le droit à la sécurité, mais avec en corollaire les devoirs que cette valeur implique pour tout le monde. Il n’y aura jamais de sécurité réelle sans retour de la responsabilité individuelle et sans l’abandon du recours systématique au service public pour pallier les carences éducatives, morales ou matérielles..
« Nous vivons une crise de l’autorité. La voix des parents, de l’enseignant, du juge, du policier, de l’élu est trop souvent contestée », a affirmé l’ancien député-maire d’Évry, martelant qu' »il faut restaurer pleinement l’autorité » et ajoutant que « les relations entre les forces de l’ordre et la population doivent être des relations de confiance ». Qui peut nier que ces propos sont d’une importance particulière pour la Gauche ? La restauration du principe même d’autorité n’est pas valable que pour… les autres, mais aussi pour chacune et chacun d’entre nous. Et actuellement, deux générations nient absolument toute acceptation d’une autorité découlant de ce qu’ils pensent être dirigé contre ce qu’ils croient être leur liberté. Il ne peut exister dans une société aucune liberté qui se fonde sur le refus de l’autorité.
Le seul problème c’est de s’accorder sur, encore une fois, les principes d’une autorité défendant l’intérêt collectif avec, comme limite, de ne pas être néfaste à l’épanouissement de l’individu. Elle doit être exercée de manière simple puisque basée sur des lois ou des références élaborées de manière républicaine. Et c’est un fait indiscutable : plus personne ne peut afficher l’autorité que lui a confié la volonté collective, car il est aussitôt accusé d’être un « dictateur », un « facho », par les gens de gauche, et s’il n’y parvient pas, un « laxiste », un « complice », un « incapable ». Pour une fois, un Ministre de l’Intérieur parle de restauration de l’autorité morale, mais pas de ce que la Droite porte en bandoulière depuis des décennies, la répression ! Il peut en effet facilement y avoir une vraie sécurité, un vrai dialogue, si l’on sait être droit dans ses bottes et ne pas fléchir sur des valeurs indispensables à la qualité du vivre ensemble. Trop souvent par lâcheté morale, parfois par peur physique, souvent par indifférence vis à vis de ce qui ne nous concerne pas individuellement, nous renonçons au combat. L’enseignant a été dévalorisé par de multiples réformes, les élus voient des recours systématiques contre la moindre de leurs décisions, les gendarmes font plus de social que de sécurité, les juges sont responsables des délits et crimes qu’ils ne sanctionnent pas assez sévèrement d’après l’opinion dominante. Les députés sont pourris et fainéants. Le président de la République est un incapable et le gouvernement soutient les délinquants. Autant de faits qui favorisent… l’exercice de leur autorité morale.
La semaine dernière, au cours de la nuit, j’ai du intervenir pour tenter de calmer une demi-douzaine d’excités, installés dans une rue, et hurlant bouteilles de bière en mains, autour d’une table de jardin. Les gendarmes appelés par des voisins ont été accueillis par des regards ironiques et une indifférence malsaine, vers 3 h du matin. Dès qu’ils ont eu le dos tourné, le tintamarre a repris ! Cette fois, c’est le Maire qui se présente et essuie un « t’» es qui, toi ? Tu te prends pour le maire ! T’es qu’un guignol !… » et j’en passe par pudeur. On n’est pas à Trappes ou aux Minguettes, mais à Créon, ville de 4 000 habitants, sans quartiers sensibles. Je me retire, poursuivi par une jeune femme qui m’accuse de ne pas avoir la même attitude vis à vis des jeunes qui font eux aussi du tapage sans que j’intervienne. Insultes, cris racistes. Je suis seul. Aucun respect. Aucune autorité n’a de prise. Les gendarmes reviennent. Il est 7 h 30, et toute la nuit, tout un quartier excédé n’a pas fermé l’œil. Ils acceptent de se disperser vers 8 h et le Front national a gagné une poignée de voix supplémentaires. Et pourtant, je suis là, sur le terrain, avec eux ! Imaginez que je fasse le coup de poing… Imaginez que je dresse contravention (pas de police municipale la nuit!). Imaginez que j’aie une parole excédée plus haute que les autres ! Une catastrophe médiatique, reprise par tous les journaux !
J’écris cependant le lendemain à la personne organisatrice concernée, pour ne pas renoncer, et laisser une trace, en lui rappelant la loi et ses devoirs. Elle débarque à la mairie, lettre à la main, et vient à nouveau provoquer, insulter, vociférer devant témoins. Elle repart dans ses délires de persécution et dans le fond, c’est moi qui suis allé les provoquer à 4 h 50 du matin. « Si on n’a plus le DROIT de faire une fête entre amis, il faut le dire ! Vous êtes un facho ! ». Les témoins sont sous le choc : « C’est incroyable qu’elle parle ainsi au maire ! »
Oui Manuel Valls, il faut « restaurer l’autorité », mais pourquoi, quand, comment et avec qui ?

Ce champ est nécessaire.

En savoir plus sur Roue Libre - Le blog de Jean-Marie Darmian

Subscribe to get the latest posts sent to your email.

Cet article a 7 commentaires

  1. Bernard Gilleron

    « Oui Manuel Valls il faut « restaurer l’autorité » mais pourquoi, quand, comment et avec qui ? »
    Tout est là: avec les repris de justice du gouvernement ou qui y ont été? avec les tricheurs à la Dallongeville ou à la Kucheida?
    Avec les menteurs de type Hollande qui renie une à une toute ses promesses?
    Le maire de Créon n’a pas tort, mais il n’a pas besoin de l’onction de Valls pour cela

  2. Marie-France

    Rien à rajouter à ce constat désolant hélas!
    Respect est un mot que plus personne ne connait!

  3. Marae

    Ah! Le « respect »..
    Que nous a-t-on appris à respecter les « anciens », les « parents », les « adultes », les « notables »… Autant de personnes qu’en grandissant, en les connaissant de mieux en mieux, on trouve de moins en moins « respectables »!
    Non! Non! le « respect » ne se doit pas, il se reconnaît!
    Quant à l' »autorité »? Que d’abus en son nom… Que d’injustice(s)…
    « « Nous vivons une crise de l’autorité. La voix des parents, de l’enseignant, du juge, du policier, de l’élu est trop souvent contestée » »: il faut préciser si cela est « à tort » ou « à raison » (pour autant que cela puisse se définir!)…
    Je reste entièrement d’accord sur un « lien sociétal » qui permettrait à chacun d’avoir conscience de son appartenance à un groupe dont des « droits » et des « devoirs » régissent le modus vivendi, ce qui serait à l’encontre de l’atomisation (voulue?) de notre société dans laquelle chacun vit sur soi…
    « …la sécurité n’est ni de droite ni de gauche. C’est une valeur de la République. »: cela ne mange pas de pain, et peut autoriser n’importe quoi: en quoi Valls nous donne-t-il le moindre espoir de voir cette « valeur de la République » être « restaurée » autrement qu’avec… des bâtons et des amendes?

  4. Eric Batistin

    La vulgarité, la violence, les produits modifiant le comportement, la provocation, le bruit, la nuit, la lune qui n’en finit pas de tirer la marée descendante, et quelques êtres affamés de sang, l’écume de la rage aux lèvres, voici résumé ce que laisse aux grèves une mer démontée, ou aux cités paisibles toutes les tempêtes du monde.
    Les vagues ne se forment pas toutes aux pieds de dunes, ni en heurtant les falaises de nos remparts réconfortants, les vagues naissent parfois au large, loin des cotes, loin de nous.
    Enfants échoués, jetés au sol à chaque tentative de reprendre pied, repoussé à la berge quand ils tentent de s’enfuir, destinés à vivre sur la frange entre l’amer et le suave, ce sont les frères de la cote .
    Des pirates urbains n’ayant pour île que des refuges oubliés de tous, ils vont parfois à l’assaut de ce qu’ils croient être le vaisseau amiral.
    Mais ils n’atteignent de leurs sabres d’abordage que les cales pourrissantes d’une galère d’esclaves.
    Nous sommes des esclaves. Nos vies sont en remparts, protégeant le lucre, le stupre, l’abus et la laideur d’esprit de nos chefs, contre tous ceux qui n’ont pas pour vivre quelque rêve d’avenir.
    Nous, nos rêves sont en boite, distillés chaque soir, pizza surgelé, couscous de là-bas, cassoulet froid et choucroute ou paella, le tout en brandade devant la télévision, nous sommes heureux, c’est terrifiant comme nous sommes heureux !

  5. Mathurin

    Excellente chronique, tout à fait dans l’air du temps. Et M. Gilleron, comme la jeune femme qui tente de justifier son incivilité, se trompe de cible.

  6. morland

    Votre texte a beaucoup de sens car il est fondé sur votre action de terrain, et nous connaissons tous ici votre incroyable dévouement. Votre témoignage m’atteint tout particulièrement, et je suis totalement d’accord avec vous sur les notions de « devoirs et de droits ». La scène que vous avez vécue est bien évidemment lamentable…
    « Tout fout le camp », en haut (affaires en cours : Sarkozy, Cahuzac, Tapie, Guéant, Balladur), en bas… L’individualisme prime sur tout!

    A l’inverse de vous, concernant Vals, par rapport aux propos que vous citez, je trouve « qu’il a raison », néanmoins à mon modeste niveau, je ne lui pardonnerai jamais d’avoir oeuvrer contre l’amnistie à l’égard de salariés qui avaient manifesté leur désespoir vis-à-vis des pouvoirs publics en commettant des actes de violences. Certes ils ont eu tort mais à leur place, qu’aurions-nous fait si nous avions été ignorés de la sorte? Ce n’étaient pas des récidivistes au passé judiciaire lourd mais simplement des personnes atteintes socialement et pour qui l’injustice étaient insupportable!

    La Gauche dans l’opposition les aurait soutenu, la gauche au pouvoir les laisse tomber… Cela aussi me semble une faillite morale, lourde, très lourde…

    Là aussi, je crains que le front national n’est engrangé sur ce genre d’événements…

  7. José Ruiz

    L’ « orthodoxie de gauche » ne serait- elle pas simplement la fidélité à des principes? Comme dit Bernard Guilleron plus haut: « « Oui Manuel Valls il faut « restaurer l’autorité » mais pourquoi, quand, comment et avec qui ? »
    Tout est là: avec les repris de justice du gouvernement ou qui y ont été? avec les tricheurs à la Dallongeville ou à la Kucheida?
    Avec les menteurs de type Hollande qui renie une à une toute ses promesses?
    Le maire de Créon n’a pas tort, mais il n’a pas besoin de l’onction de Valls pour cela »

Laisser un commentaire