Je ne suis pas de ceux qui pensent que les élus qui ne sont pas candidats à la Présidence de la République sont exemptés de se regarder dans la glace chaque matin… Ils pourraient parfois se poser des questions sur leur honnêteté intellectuelle ou sur leurs adaptations constantes à l’opinion dominante, pour espérer en tirer un bénéfice électoral. Il est en effet dangereux d’imposer sans convaincre, comme il est tout aussi démagogique d’espérer convaincre sans argumenter. Nicolas Sarkozy avait utilisé à satiété le premier principe en collant à l’actualité et en tentant de devenir populaire en donnant en pâture aux électrices et aux électeurs ce qu’ils souhaitaient, même si c’était inapplicable ou catastrophique à court ou long terme. La France est devenue le pays de la répression alors qu’elle a été durant un siècle celui de l’éducation ! C’est ancré dans le quotidien. Pas une journée sans qu’un mail, un courrier ou une discussion ne se termine par une demande de sanction à l’égard des autres ! Réprimez ceux qui roulent trop vite dans mon lotissement (sous entendu mes voisins), sanctionnez ceux qui ne taillent pas leurs arbres (sous entendu mes voisins) et soyez sans pitié pour celles et ceux qui ne vivent pas d’une manière ou une autre sur les mêmes bases sociales que moi ! Le discours se renforce dès qu’un « fait divers » alimente cette paranoïa répressive de plus en plus répandue. Actuellement, les « gens du voyage » abusivement qualifiés de « Roms » ou les « Roms » qui ne sont pas chez nous des familles en recherche de déplacement mais de lieux fixes de vie, sont dans la collimateur de la vindicte publique ! Alors, bien entendu, l’UMP s’empare de cette opinion dominante pour hurler globalement avec ses élus loups, oubliant devant la glace que s’il y a des problèmes, c’est très souvent parce que les élus n’ont pas réalisé les équipements que la loi les obligent à créer et à faire fonctionner ! Inévitablement la proposition tombe : « sanctionnons toujours plus les gens du voyage », mais ne parlons pas des maires qui ne remplissent pas les conditions pour les aires d’accueil et plus encore des populations qui réclament des expulsions quand elles n’acceptent jamais la présence sur leur ville ou leur commune du moindre espace permettant de les accueillir. Résumons : mettez les où vous voulez mais pas chez nous, surtout si dans ma ville on vote majoritairement UMP ou FN !
L’ancien président de l’Assemblée nationale, le député UMP Bernard Accoyer, a donc sauté sur l’occasion de se distinguer en déposant une proposition de loi visant à renforcer les sanctions prévues contre les occupations illégales de terrains par les gens du voyage… mais pas, par exemple, par d’autres catégories sociales ! Ce texte, cosigné par l’ensemble des six députés UMP de la Haute-Savoie, est proposé opportunément, au moment où le débat fait rage sur le traitement à réserver aux « Roms » venus pour l’essentiel de Roumanie et de Bulgarie, qui ne doivent pas être confondus avec la grande majorité des gens du voyage, de nationalité française. Allez, peu importe, on fait un paquet pour que la haine soit bien orchestrée par un amalgame honteux ! Et bien évidemment on parle… argent car pour l’UMP la sanction est toujours liée au porte-feuille ! Les « grands » savoyards veulent doubler le montant des sanctions réprimant l’installation illicite en réunion sur un terrain appartenant à autrui en vue d’y établir une « habitation », en les portant à douze mois d’emprisonnement et 7.500 euros d’amende… C’est vrai que ceux qui s’installent le long d’une autoroute, d’une voie ferrée, sous un pont ou dans un pré dans des baraques de tôle ondulée, de palettes et des sacs de récupération la sanction est parfaitement adaptée et ça va considérablement modifier les flux migratoires intra-européens ! Il propose en effet de supprimer de la loi sur l’accueil et l’habitat des gens du voyage le paragraphe selon lequel l’expulsion ne peut intervenir que si le camp « est de nature à porter atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques ». Inutile de crier au laxisme, à la résignation, à la compassion malsaine : quand les élus ont accompli leurs obligations, il est légitime de demander à l’État de contraindre les gens du voyage (ce ne sont pas les Roms) à respecter la loi… mais comme c’est extrêmement rare sur le territoire national, il y a encore bien des progrès à effectuer. Alors, l’UMP se déchaine : Christian Estrosi, député-maire UMP de Nice, avait lancé le débat il a plusieurs semaines en mettant en ligne un « guide pratique » dans le but de faciliter les expulsions des gens du voyage occupant illégalement des terrains et Gilles Bourdouleix, député-maire UDI de Cholet, a estimé que « Hitler n’en a peut-être pas tué assez ». Il dément avoir tenu ces propos mais fait l’objet de poursuites judiciaires. Dont on verra les conséquences (relire ci-dessus les sanction proposées par Accoyer!)… on est donc parti pour une nouvelle loi alors que celle qui existe n’a jamais été appliquée… et n’est pas près de l’être. C’est comme pour le logement social, il y aura les « couillons » qui respectent la loi SRU et les « autres » qui louvoient, payent ou trichent pour ne jamais avoir à l’appliquer. Mais bien entendu, il est préférable de hurler avec la masse des loups qui sont des loups pour d’autres, plutôt que d’avoir le courage de faire face à des erreurs (ouverture de l’Europe à des pays non prêts) reposant strictement sur les lois du marché, mais pas sur les Droits de l’Homme !

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