Le doute légitime contamine durablement toute la société.

Depuis des semaines, le pire mal qui ronge toutes le strates de la société française s’appelle le doute. Pas un secteur de celle-ci qui ne soit pas victime de ce que l’on peut considérer comme la véritable cause de la crise sociale qui découle de celle provoquée par les milieux financiers. Plus aucune parole n’est admise et plus aucune déclaration n’est considérée comme fiable. Tout est suspect : une loi, une procédure, une fonction, une information, une performance, un prix… et forcément plus aucune décision qui ne suscite pas davantage d’effets négatifs que positifs. Derrière chaque parti on trouve des femmes et des hommes non-crédibles, malgré toutes les preuves de sincérité qu’ils peuvent donner. Plus personne n’a confiance en autrui… Les médias sont à leur tour victime de cette méfiance généralisée. Lentement, un fossé se creuse et partage le pays en deux grands groupes : les croyants et les crédules !
En politique l’écueil principal du gouvernement, c’est l’image qu’il ne parvient pas à effacer de manque de clarté et de franchise. Malgré des réformes courageuses, il ne franchit jamais le mur de la méfiance incrustée dans les esprits. Jérôme Cahuzac, pour avoir voulu jouer au plus malin, a totalement discrédité son propre camp, mais il n’est pas le seul responsable de cette situation marécageuse. Toutes les commissions d’enquête ne changeront rien à cette réalité, si ce n’est que chaque séance accentue le syndrome du secret mal gardé. Il n’y a que les fans inconditionnels pour admettre la vérité officielle sur cette affaire, comme il faut une sacrée dose de parti pris pour faire confiance aux versions déclinées par Sarkozy sur les passages amicaux chez Bettencourt, la vente de gadgets et de tee-shirts pour la campagne de Balladur, l’absence d’accord entre celui qui fut garant des deniers publics avec Tapie, une procédure transparente de marchés publics pour les sondages élyséens… Le doute n’est pas spontané, mais il a été créé par la montée en puissance des carambouillages divers et variés, par les fausses promesses, par les magouilles des banquiers ou des financiers, par la distance entre les préoccupations quotidiennes et la retranscription médiatique ou politique de celles des détenteurs du moindre pouvoir. Strictement basée sur la communication quand c’est le meilleur des cas, mais davantage la propagande superficielle, le discours politique actuel n’a plus de prise sur l’opinion. C’est une triste réalité, et d’ailleurs il ne faut plus s’exprimer, parler vrai, dire ce que l’on fait et faire ce que l’on dit, car c’est immédiatement suspecté d’arrivisme ou d’ambition par celles et ceux qui basent leur action sur des principes contraires.
Autre exemple frappant, celui de la performance sportive. Rares sont ceux qui, tels les fidèles d’une secte, croient dans les Dieux du stade. On regarde le Tour de France pour les paysages et pour un spectacle sur lequel plus personne n’a d’illusions… Froome, après 240 kilomètres, a placé une énorme accélération sans se mettre en danseuse dans une pente de 8% pour surclasser tous ses rivaux dans le Mont Ventoux. Dopé ? Pas dopé ? Le débat reste de croire ou de pas croire en un exploit inégalé. Et on trouve dans son entourage un bouc-émissaire potentiel avec un ancien de chez Festina… On prépare toujours une porte de sortie qui peut être le médecin, le soigneur, le…boucher, le spectateur distribuant des bidons, les compléments alimentaires… Bref tout sauf une bonne transfusion au bon moment ou une potion magique administrée à l’insu du plein gré de celui qui l’avale. Contrôlés positifs, Asafa Powell et Sherone Simpson ne seraient ainsi pas responsables, assure leur agent, percepteur de pourcentages sur les meetings. Il a trouvé la parade : tout ça, c’est la faute du préparateur physique. Si les tests ont révélé la présence d’oxilofrine, c’est qu’il a triché en dopant ses protégés. Peu importe qu’il n’ait été recruté que pour fournir des conseils en nutrition et prodiguer des massages thérapeutiques… Qui croire ? Quelle valeur accorder à ces performances ? Qui garantit la « pureté » de la victoire ? Quel que soit le coureur, le doute persistera et il est devenu indélébile.
Partout, en filigrane, le fric… le fric… toujours le fric… Plus rien qui ne dépende pas de cette référence suprême. Le doute n’existe plus quand on aligne les zéros sur des comptes en banque, car tout n’a plus que la valeur que lui donne le « marché ». Pourtant, on sait bien avant les braderies que le cocu c’est celui qui trouve sur un étal la marchandise qu’il aurait pu payer 3 fois plus cher un mois avant. Qu’est-ce que le vrai prix ? Qu’est-ce qu’une vraie scène de film ? Qu’est-ce qu’un vrai fruit ? Qu’est qu’un vrai salaire ? Qu’est-ce qu’un vrai diplôme ? Qu’est-ce qu’un vrai discours ? Qu’est-ce qu’une vraie information ? Bien malin celui qui peut se pencher sur ces interrogations. Et douter de la validité de ses réponses !

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Cet article a 3 commentaires

  1. Marae

    Question: ce « doute » n’est-il pas dû en partie à ce que l’Information, aujourd’hui, circule en dépit de son « cadenassage »?
    Comme il l’est cité en référence, le « fric » n’a-t-il pas gangrené, à l’insu de leur plein gré, les tenants de leurs clés? Que ce soir la radio, la télé, le journal… (« lémédias », comme les regroupe Schneidermann d’@si), tous ne sont devenus que des rabâcheurs d’éléments de langage, ou des vecteurs sans recul d’une idéologie mortifère, qui ne font que tourner sur eux-mêmes ou dans le Monde qui les laissent vivre!
    Nous, en-bas, nous avons maintenant d’autres sources d’information – comme ce blog, par exemple! -, qui, lentement mais sûrement, jour après jour, nous donnent d’autres grilles de lecture de ce Monde dans lequel nous vivons, chaque jour, de plus en plus difficilement (enfin, « nous »!! :-D)…
    Et il est vrai que nous pouvons être enclins au Doute; surtout lorsqu’on nous parle « dans les yeux »…

  2. Eric Batistin

    Qu’est-ce qui fait la vérité, la véracité d’un être ?
    Et bien ce furent pendant de nombreux siècles le temps et l’espace.
    Temps et espace appréhendés d’après une unité de mesure commune à toutes et tous: la main humaine.
    Le Temps, mesuré par la main, ne peut se défaire de l’enseignement du savoir faire.
    L’espace, où la pensée trouve son temps (!), était lui mesurable par la préhension du monde matériel qui nous entoure.
    Si quelques variations notables entre les habitudes des habitants des différents points du globe terrestre faisaient ce que nous nommerions aujourd’hui l’exception culturelle, tous les humains avaient pris comme habitude d’échanger entre eux les biens conçus d’après leurs propres temps et leurs espaces.
    C’est ce que nous nommions le commerce.
    Aujourd’hui, le temps et l’espace n’ont aucune valeur quantifiable humainement comme unité de mesure.
    Il est possible d’échanger en quelques secondes et ce depuis n’importe où sur le globe terrestre uniquement la valeur marchande des biens.
    C’est ce que nous nommons la finance.

    La finance a ceci de destructeur: elle influe sans vergogne sur les valeurs communément admises par les êtres humains.
    La variation imposée à notre temps et à notre espace est totalement dénuée de sens.

    Pour exemple:
    Il faut trois années pour faire grandir une huitre convenable et conforme aux standards communément admis par la main l’esprit et le palais humain.
    C’est le temps.
    Il faut aussi un environnement particulier: une eau à 18 degré pour l’éclosion naturelle, un ensoleillement raisonnable, des marées d’eau salée, un esprit agricole, une main ne rechignant pas au travail en toute saison.
    C’est l’espace.
    Ensuite échanger cette huitre contre un autre bien, de valeur équivalente en temps et en espace, par le truchement de l’argent
    C’est du commerce.

    Mais il faut un dix-millième de seconde à un ordinateur pour acheter ou vendre des milliards de tonnes d’huitres, qu’elles existent véritablement ou pas d’ailleurs, tout le monde s’en fout, ne compte plus que la valeur… de la valeur !!

    Qui peut bien alors se targuer d’être, politique ou simple citoyen, encore capable de défendre … nos valeurs.!
    A moins de retrouver, en supprimant la finance,
    notre temps, notre espace, et nos mains !

    Je vous la serre.

  3. François

    Bonjour !
    @ Batistin,
    Allons, Batistin ! Un peu de courage pour coiffer un nom sur cette « Finance » source de nos malheurs actuels: il s’agit du Monopoly, ce vieux jeu d’enfant que le Père Noël ( Tiens! Le revoilà, Lui ! ) nous apportait « pour nous entraîner au commerce » nous disait-on ! Voyons Wikipédia et sa savoureuse définition !
    Un jeu pour lequel, la partie terminée, il faut avoir la sagesse de fermer la boîte SANS SORTIR LES (FAUX-) BILLETS GAGNES pour une mise en circulation, manœuvre punissable, fait que les traders ont COMPLÈTEMENT OUBLIE car ils y sont plutôt encouragés …par la Finance ! ! ! !
    Cordialement

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