La lumière ne viendra pas des services de l'État !

Dans les locaux rénovés de la Direction Régionale des Affaires culturelles d’Aquitaine se tenait, il y a quelques jours, une réunion anodine mais pourtant significative de la situation réelle de notre pays. Une quinzaine de personnes, réunies au frais dans une salle obscure, devaient délibérer sur l’appel effectué par le propriétaire d’un immeuble bordelais qui s’était vu refuser l’autorisation d’installer des panneaux photovoltaïques sur le toit. Une vingtaine de m² n’ayant pas eu l’heur de plaire à l’Architecte des Bâtiments de France, car susceptibles de perturber l’environnement de l’immense… verrière de la Gare Saint jean. Fonctionnaires, architectes conseils, techniciens et… 2 élus pour trancher cette affaire capitale pour l’esthétique de la gare de Bordeaux, classée au patrimoine mondial de l’UNESCO. Il aura fallu plus d’une heure d’intenses débats pour que l’on arrive à une position raisonnable, désavouant ainsi l’avis émis par l’ABF.
Quand on s’intéresse de plus près à ce très grave sujet, il faut effectuer plusieurs constats tous plus désolants les uns que les autres. Le premier, c’est que le même jour le gouvernement annonçait une augmentation de 5 % des tarifs de l’électricité, avec des radios et des télés « perroquets » qui ressassaient sans cesse que c’était un scandale pénalisant tous les foyers français. Le second tournait autour de l’opportunité de ces panneaux. Le troisième posait la compatibilité réelle entre le souci d’esthétique et l’impact visuel d’une telle installation, seulement repérable… par avion !
Lors de cette « commission » qui devait se prononcer sur une décision d’urbanisme, un argument de poids a été avancé par l’ABF. «  C’est du photovoltaïque, et donc cette installation va rapporter au propriétaire, il faut donc lui refuser l’autorisation ! » Une belle interprétation du droit, puisque depuis le Grenelle de l’environnement aucun dispositif ne peut être interdit par un Plan Local d’urbanisme, et la notion de « rentabilité » n’a rien à faire dans l’application d’un PLU. Il est seulement possible de le refuser quand l’équipement ne s’intègre pas suffisamment dans l’environnement architectural d’un secteur protégé. Alors, plutôt que de définir des prescriptions techniques dans son avis, l’ABF a repoussé intégralement le projet présenté alors. C’est ainsi qu’il devient de plus en plus difficile (tarifs en forte baisse, matériels d’importation peu fiables, techniciens d’installation mal formés…) de penser « énergies renouvelables » dans une France qui accumule le retard dans tous les secteurs mais qui continue à se déchirer sur des sujets importants mais pas impossibles à résoudre.
Dans tous les domaines, les obstacles se multiplient face à ce qui peut être considéré comme un chemin vers le développement économique global. Des filières d’avenir patinent, faute de volonté réelle des pouvoirs publics de prendre en compte leur intérêt. Il faut être dans le spectaculaire, le gigantesque, le profitable, pour être entendu alors que les micros-initiatives sont soumises à des règlements tatillons souffrant des interprétations les plus restrictives. On refuse, on interdit avant même d’avoir cherché une solution acceptable… conforme à l’intérêt général.
C’est ainsi qu’entre 2000 et 2010, la part de l’électricité renouvelable a très peu augmenté en France (de 13,9% à 14,5%), mais beaucoup en Allemagne (de 6,9% à 17,5%), en Espagne (de 16,9% à 33,5%), au Portugal (de 30,3% à 53,2%), en Italie (de 20,9% à 26,4%), au Danemark (de 15,6% à 31,7%) et même en Grande-Bretagne (de 3,4% à 7,5%). Pour l’Europe (EU 27 : 27 pays), la proportion d’électricité renouvelable a augmenté (de 14,7% à 20,8%) alors que celle d’électricité nucléaire a diminué (de 31,2% à 27,4%) et celle des combustibles fossiles a aussi diminué (de 53,7% à 51,1%). Pour une production totale d’électricité augmentant en dix ans de 3.024 à 3.334 TWh (+10,2%) en Europe (27 pays), la production provenant des combustibles fossiles à seulement augmenté de 1.624 à 1.704 TWh (+4,9%) alors que celle du nucléaire diminuait de 945 à 915 TWh (-3,2%). Si l’électricité renouvelable n’existait pas, la production d’électricité par les combustibles fossiles aurait dû être plus importante de 695 TWh en 2010, soit 41% de plus, avec une importante conséquence sur les émissions de gaz à effet de serre (CO2 … ). Et pendant ce temps, on ergote en France pour savoir combien de rangées de tuiles doivent être placées sur le devant de la toiture, sur les côtés, afin de cacher une installation que seuls les pilotes d’avions peuvent réellement percevoir, et qu’absolument aucun voyageur ou passant sortant de la gare, située à 400 m, ne détectera ou même ne remarquera ! Chez nous, pas d’éoliennes, pas de barrages, pas de panneaux solaires, pas de géothermie quand les installations dérangent… pas de compromis possible. Il faut être contre !
Cela me rappelle le conseil municipal de Créon qui, en 1870, avait délibéré contre le passage de la ligne de chemin de fer aux abords du village, car « les escarbilles des locomotives pouvaient générer des incendies et la fumée risquait d’altérer la santé des nouveaux-nés… » Le train a disparu malgré tous les efforts en 1985 pour lui redonner sa place… et maintenant, il se trouve des « consommateurs » prônant la destruction de la piste cyclable pour rétablir un transport collectif en site propre. Il ne faut jamais avoir raison avant les autres car les mentalités résistent partout à toutes les avancées !

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Cet article a 4 commentaires

  1. Eric Batistin

    Bouger sans l’aval de ceux qui veulent encaisser sans rien faire est toujours bien compliqué !
    J’ai connu dans mon enfance des vilains bonhommes qui peuplaient le quartier Mériadeck à Bordeaux, quartier pas encore refait à neuf à l’époque, et qui portaient le doux sobriquet de « maquereaux ».
    Ces beaux messieurs avaient au moins un avantage, en comparaison de toutes les formalités imbéciles que l’on impose à celles et ceux qui tentent de réaliser quelque chose en France: au moins on pouvait leur foutre une baffe de temps en temps !
    Si la comparaison entre des proxénètes et le fonctionnement des institutions vous semble un peu osée, tentez donc l’aventure de devenir entrepreneur, vous nous en direz des nouvelles.
    En effet, il suffit d’oser simplement dire, en France, « je compte travailler à mon compte », pour qu’il vous soit immédiatement envoyé, en guise d’encouragement, d’aide et de soutien, la liste sans fin des taxes, impôts et cotisations que vous serez bien aimable de payer si possible par avance.
    Ceci n’ayant à la fin d’autre but que de décourager toute tentative de fonctionner hors du moule imposé par les multinationales en tous genre qui n’ont d’autre besoin que d’avoir à leur bottes des consommateurs et travailleurs esclaves.

    Un moyen pour lutter contre cet état de fait est de développer une forme d’autonomie, pour ne pas dire autarcie, notamment avec les « circuits courts ».
    Ou fabriquer son électricité avec le vent de la colère qui monte.

  2. Vanmeulebroucke Guy

    Bonjour,

    Devant certaines décisions,on ne pense qu’à une chose:il y a parfois des coups de pieds aux c..s qui se perdent….Bonne journée!

  3. J.J.

    L’avis des Architectes des Bâtiments de France ont longtemps compté pour du beurre et ce manque d’autorité a permis la destructions de bâtiments de grande valeur et la construction de certaines aberrations environnementales.

    Retour du bâton : on ne peut plus bouger une tuile à proximité d’un édifice souvent d’une valeur très discutable sans être soumis aux ukases de ces personnages maintenant tout puissants et parfois un peu tordus.

    On fait toute une affaire de la destruction programmée d’une école des années cinquante à Gond Pontouvre, près d’Angoulême, paraît-il signée d’un grand architecte de l’époque, mais qui est un concentré de la laideur que l’on fut obligés de supporter pour construire des bâtiments scolaires dans l’urgence.
    Même Jack Lang y est allé de son avis.

    A côté de cela on envisage de détruire très prochainement les Serres d’Auteuil, à l’architecture métallique typique du XXIX ème, genre Balthar, et de mettre à la rue d’importantes collections botaniques pour construire un stade qui pourrait trouver sa place en un autre lieu.

    Malgré les pétitions pour sauvegarder cet ensemble d’un grand interêt architectural et scientifique, le projet a tout l’air de se concrétiser.

    Cherchez l’erreur !

  4. Christian Coulais

    Il ne faut pas acheter à Saint-Emilion; aussi, cette jolie ville restera dans le XXème siècle, car l’ABF refuse tout panneau photovoltaïque ! Le locataire n’a qu’à être fortuné pour payer son chauffage électrique dans des immeubles d’un autre siècle car vétustes. Alors, les cités comme Créon se videront de leurs habitants, tandis que l’on construira sur des terres arables des petites maisons RT2012 entourées de hauts murs pour protéger les petits terrains et leurs petites piscines.

    Et pourtant, au lieu de produire à des centaines de kms, produire local pour consommer local est bien LA solution, en fonction de ce que nous offre la nature, du vent, du soleil, un ruisseau…

    http://www.enercoop.fr/images/sites/cp%20-%20enercoop%20maintient%20ses%20prix.pdf

    Ce matin vu, devant la mairie de Lège, un lampadaire LED avec éolienne de +/- 20cm de haut + photovoltaïque, pour être entièrement indépendant de tout réseau ! En DEUX ans, il serait amorti !

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