Quand mes oreilles sifflent au restaurant !

Arrivé à Paris avec dix minutes de retard, je file le plus vite possible au siège de l’association des Départements de France pour une réunion très technique de la commission nationale des finances. Peu de nouveautés, mais le sentiment général que 2014 s’annonce comme extrêmement difficile avec un effet ciseau mortel sur les finances des conseils généraux. Une aide minimum de 2,6 milliards devient urgente pour faire simplement face à la montée en puissance des allocations individuelles de solidarité. Documents en poche, je repars au plus vite vers le TGV du retour afin d’être à Créon avant 18 h 30. Une course qui me laisse cependant le temps de me poser au fond d’une brasserie pour avaler le plat du jour, un demi et aller attendre à Montparnasse le train de 14 h 43. C’est fou comme on prend vite des habitudes, car je retourne systématiquement dans cet endroit au pied de la tour. Je m’y sens bien, noyé dans la clientèle. Personne ne me connaît et je peux y pratiquer à loisir ma passion favorite : écouter et regarder ! Rien d’autre ! Je deviens PRISME à moi tout seul.
Tout à côté, une table avec un homme seul avec une valise et des dossiers devant lui. Une allure de VRP disposé à recevoir un client. Visiblement, il attend d’ailleurs quelqu’un, puisqu’il signifie au garçon d’attendre pour prendre sa commande… J’ai une fâcheuse habitude (je l’avoue) lorsque je suis dans un lieu collectif, c’est celle de tenter de comprendre ce que l’on peut se raconter aux tables les plus proches. J’écoute une à deux conversations à la fois, allant de l’une à l’autre pour me bâtir dans la tête des personnages, écouter des répliques à mettre dans un bouquin ou par simple curiosité. Ces échanges sont en effet une mine de scènes de la vie réelle. Je me dis toujours en moi-même que je devrais noter tout ce que je saisis par bribes et qui constitue parfois une somme de moments surprenants.
Mon voisin accueille par une chaleureuse poignée de mains un compagnon plus jeune, élégant, de belle stature. Visiblement, ils se sont donné rendez-vous dans cette brasserie, mais ils ne se connaissent pas, car les présentations sont longues. Ils ne sont pas là pour causer affaires mais pour un sujet bien plus étonnant : ils évoquent une alliance possible entre groupuscules royalistes d’extrême droite ! Le nouvel arrivant aurait été journaliste au sein du journal « l’Action française » dont il a été écarté par la vieille garde, alors qu’il aurait donné une nouvelle impulsion à ce bimensuel royaliste et nationaliste. Le pouvoir économique ne leur appartenait pas, et l’actionnaire principale, une femme, (si j’ai bien entendu) les aurait virés !
Son interlocuteur paraît être, par les évocations qu’il fait sans cesse, l’un des théoriciens de la démocratie royaliste. Un débat s’engage entre ces deux hommes sur les méthodes à employer pour relancer le débat autour de cette idée très ancienne, plus forte que le Front national, il y a un demi-siècle. Je me concentre sur ce débat, car il porte en lui l’explication de bien des phénomènes. Au passage, le VRP balance sur le père de Vals qui aurait « fait fortune comme marchand d’art sous le franquisme » et qui lui parait bien sympathique !
Le plus jeune maîtrise un réseau basé sur Lyon, Paris (une quarantaine de personnes), et dans l’Ouest de la France. « Il est totalement informel, une sorte de nébuleuse non identifiable, pas d’adhésion, mais nous produisons beaucoup d’écrits que nous diffusons sans les signer » explique-t-il. « Nous avons infiltré, avant les municipales, l’UMP et le FN, mais sans nous montrer. Nous comptons des universitaires dans nos rangs… et nous espérons les installer dans des listes. Le danger actuel, ce sont ces groupes identitaires qui donnent un image trop visible et qui repoussent les gens prêts à nous rejoindre ». Ils sont d’accord sur un point, leur alliance doit reposer sur la clandestinité et ne doit pas encore se concrétiser par une présence « électorale ». Je déchire un bout de la nappe en papier pour prendre quelques notes. Je double le café…pour gagner du temps, car le ton monte et les échanges se font plus précis. « Nous avons réussi à attirer dans notre université d’été des marxistes. Nous les écoutons sans leur donner la moindre responsabilité, car nous devons comprendre leur manière de penser et d’agir. Leur concept de révolution reste parfois proche du nôtre ! ». Ils évoquent Gramsci et le «gramscisme » comme doctrine révolutionnaire et lentement se mettent d’accord sur une théorie de mise en œuvre de leurs idéaux. Ils discutent « affaires » et surtout maintiennent que l’infiltration est la vraie solution à l’action politique.
Au hasard des phrases, noyées dans l’ambiance de la Brasserie, je saisis des noms comme « Printemps français »…, « Dextra »…, « Les veilleurs », dont on sait qu’ils ont largement inspiré, manipulé et exploité les manifestations contre le mariage pour tous. « Nous recrutons prudemment chez eux et surtout nous y entrons pour y faire progresser nos idées… » explique l’ex-journaliste. « Excellent mais ne prenez pas de risques » répond son interlocuteur, très prolixe et surtout habitué à ce qu’il appelle la conquête du pouvoir par « la méthode de l’influence »,  portée par des gens formés. « La faiblesse actuelle de l’UMP doit nous permettre de placer des pions utiles pour l’avenir  » lance le plus âgé, « comme à Nice chez Estrosi! ». Tiens donc, ça me rappelle le « Club de l’Horloge »… C’est l’heure. J’ose une photo discrète… que je ne publierai pas mais que je garde. J’ai encore beaucoup appris sur la politique ! vivement que je retourne dans cette brasserie !

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Cet article a 6 commentaires

  1. FOURNY

    Trop tard tu vas être répète avec tout tes lecteurs

  2. Eric Batistin

    À l’ignorance des esclaves et aux rêves perdus des hommes libres, ou comment l’argent circule de la base au sommet.

    Par un bel après-midi ensoleillé la fanfare claironnait.
    À la commémoration des vieilles guerres, défilaient bien alignés, dressés pour tuer, les hommes de la horde, domptés.
    Un chien noir muselé tendait juste ce qu’il faut sa laisse, marchant d’un pas mesuré en rythme avec le maître.
    À la grande foire aux promotions, de l’autre coté de la rue, à contre sens de la horde, une femme courbée tirait péniblement un panier à roulettes. Un chien jaune minuscule accroché au panier arborait son manteau rouge en plastique vernis. Sautillant sans avancer vraiment, il tentait en vain de ne pas dépasser la vieille.
    Il fit un bond terrible, suivit d’une toux roque, un aboiement sans doute, quand un chien gris crasseux, d’un coup, lui fourra la truffe dans le derrière.
    À la gloire perdue le maître du gris vociférait, assis par terre un peu plus loin à coté de son vin de misère.
    À l’amour de la peine et du travail bien fait, le banquier qui passait pris un air dégoûté.
    Son chien blanc et aux longs poils rebondissait d’une patte sur l’autre, démarche sportive, allure élancée, l’air très occupé.
    Il devait faire les comptes du costumé.
    À la haine, qui court dans les rues de traverse, la horde des domptés, fanfare et drapeaux, n’attacha aucune importance.
    Elle y aurait pourtant trouvé un vieux loup échappé, tout pelé, fatigué. Debout à ses cotés, repoussant du pied les rats d’égout, un homme fier se tenait là. C’était le chef de meute.
    À la faveur de la nuit tombée il lâchera femelles et louveteaux, offrant ripailles aux encanaillés de la rue de traverse, les délestant du superflu.
    À la lumière blafarde du petit jour, toutes et tous, déchus, trompés, volés, blessés, affamés ou repus rejoindrons leurs tanières.
    Et, juste avant que le banquier ait fini de voir pisser son blanc chien, juste avant qu’il n’ouvre l’officine, un grand vent de terreur soufflera.
    À l’heure trouble, dans la jungle des fêtards attardés croisant les lève-tôt, furtif, invisible, gris jaune ou blanc, confondu dans la couleur des murs, vous croiserez un jour ce regard terrifiant.
    Le regard du tigre !
    À la course nocturne il préfère le matin blême.
    A cette heure le vice prédateur a le ventre tendu de rapines et alourdi ne sait plus courir.
    Voici la proie du tigre.
    À la grâce que seuls les messieurs bien mis savent exprimer, il laisse passer poliment la vieille au panier qui revient, et entre dans la banque déposer sa chasse.
    À l’amour de la patrie, ressortant de ses coffres, il sait ralentir son pas et marquer déférence au drapeau, laissé là hier soir par la horde.
    À la fin, buvant un café, par deux fois ce jour là au hasard des rencontres, je me trouvais assis juste à coté de cet homme.
    Son regard m’a laissé, je le sais, une chance.
    Sauf le sourire dans ma mémoire, où brillent encore, redoutables, les crocs du tigre.

    Un jour, vous me croirez ou pas, je l’ai revu. Ou plutôt son portrait. Immense et magnifique il trônait photographié à coté d’un président.
    De la république, bien sûr.

  3. david

    royalisme ah ah ! Encore des pauvres crétins qui compensent leur médiocrité en tentant des stratégies d’entrisme. Ce ne sont que de ridicules pantins à la fleur de lys qui essaient de se donner de l’importance. Des bidochons il y en a toujours en temps de crise qui essaient d’étendre leur délires régressistes. Mais ils ne sortiront jamais de l’anonymat. Direction la poubelle des utopies fascisantes.

  4. Laurent

    Bonne investigation, demain matin vers 6 hrs les services secrets passerons chez vous pour prendre livraison de la photo des deux personnes. 😉

  5. J.J.

    Hors sujet, mais limite… : Le pape relance la guerre des religions en France !

    Le sinistre squatter du Vatican a en effet été entendu : des manifestants contre le « Mariage pour Tous « ont arraché la semaine dernière l’Arbre de la Laïcité que nous avions planté en 2008.

    A l’heure où des Britanniques et des Espagnols envisagent très sérieusement (même si la majorité ne « suit « pas encore, d’abolir cette vieillerie incongrue qu’est un régime monarchique, ces néo-royalistes font un peu poussiéreux, mais ils peuvent se révéler dangereux quand même, ils ont jadis affirmé leur capacités de nuire.

  6. david

    ils nuisent un peu mais ils dépensent beaucoup d’énergie pour rien. Ils n’arriveront pas à leurs fins car tout le monde s’en fout de ces rois des cons.

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