Les fusibles, les porte-flingues, les porteurs d'eau et les favori(te)s

On reconnaît la capacité qu’une femme ou un homme politique à durer dans un monde impitoyable, à la manière dont il se comporte avec son entourage. C’est le révélateur de ses ambitions et de sa valeur humaine. Dans le premier cercle, on trouve inévitablement plusieurs catégories : les « fusibles », « les porte-flingues », les « porteurs d’eau », les « souffre-douleurs » ou les « favori(te)s provisoires ou durables »… et c’est de ce dosage que dépend souvent la réalité du fonctionnement qui transparaît publiquement. Pour survivre dans ce milieu, il faut absolument avoir son « Petit Futé du bien vivre en politique » permettant de décoder et d’éviter de confondre une spécialité avec une autre ! D’ailleurs, plus le « grade » est élevé et plus le niveau des « collaborateurs » (attention à ce terme!) dans ce jeu de rôle doit être élevé. On ne va pas chercher n’importe où les un(e)s et les autres. Il y a des lieux où l’on détecte et l’on repère cet entourage indispensable pour arriver à ses fins.
Bien évidemment on va aller chercher le « fusible » à l’ENA, au plus haut niveau des responsables ou dans un corps constitué permettant d’espérer une couverture maximum. Il est devenu courant, depuis quelques jours, de voir le danger du poste de « directeur de cabinet ». Une bien vilaine appellation pour une fonction qui se retourne tôt ou trad contre celui qui l’occupe. En général, il lui faut mettre les mains dans le cambouis, en sachant que si un jour le « moteur » cale, ce sera forcément de sa faute puisque le pilote ne veut rien savoir (mais sait tout!), ne souhaite rien voir (mais a tout vu!) ; ne se prononce pas (mais veut que la décision soit conforme à ses souhaits). En général, ces gens taillables et corvéables à merci arrivent à se prendre pour le patron lui-même… et finissent mal ou au contraire terminent leur parcours encore plus haut que celui qu’ils ont servi. Ils possèdent tant de secrets qu’ils sont intouchables, sauf si les faits peuvent mettre en cause celui qu’ils ont servi au-delà de l’entendement. Un « fusible » qui ignore qu’il peut sauter à toute secousse ou toute sur-tension n’a pas le profil de la fonction.
Chaque jour, on voit bien les facettes du « métier » ingrat et incertain avec le « cas Guéant ! » il a probablement servi loyalement son mentor, mais désormais il doit assumer seul… et en plus, il ne va tarder à être piétiné par la meute des suivants. Nicolas Sarkozy serait « ulcéré » de la remise en cause de l’arbitrage Tapie-Crédit Lyonnais. Selon Europe n°1, qui cite un des proches de l’ex-président, Nicolas Sarkozy aurait « chargé » son ex-secrétaire général de l’Élysée de l’époque, qu’il juge seul responsable des déboires actuels de ce dossier. Ce dernier lui aurait expliqué que l’arbitrage permettrait d’en finir avec une affaire qui avait déjà coûté 20 millions d’euros aux contribuables. Nicolas Sarkozy « s’en serait alors remis à la sagesse de son bras droit sans poser de question »… C’est l’exemple typique de la tendance du monde politique : la faute descend en cascade mais ne touche jamais le « chat perché ». Guéant, comme tant d’autres avant lui, n’a pas le choix : se taire et encaisser tout, ou se mettre à table et tuer celui qui l’a fait général d’empire ! J’en connais qui n’ont pas pu supporter cette situation et ont claqué la porte ! J’en connais qui s’y trouvent bien !
Les « porte-flingues » appartiennent à un tout autre monde. Ils sont envoyés en mission pour tirer à vue sur tout ce qui bouge. Ils dégainent quand le « boss » peut être mis en danger. Ils font en permanence dans l’exagération, afin de démontrer leur capacité à combattre. Récompensés comme les grognards par une tape sur l’épaule ou une pichenette sur la joue, ils viennent des champs de bataille où ils ont su faire leurs preuves. Il leur faut une solide expérience des corps à corps électoraux pour assumer l’impopularité de ces moments où il faut tirer à vue ! S’ils échouent plusieurs fois, ils sont vite laissés sur la touche, et s’ils sont trop efficaces, le « parrain » fera semblant de ne pas les connaître. Le boulot de « porte-flingues » ne saurait être éternel, car il est usant et peu glorieux !
Il faut aussi trouver des personnes alimentant le « patron » en idées, en initiatives, en propositions. Souvent entouré d’administratifs stérilisateurs, il a besoin de la fraîcheur de bidons vitaminés pour exister et surtout paraître. Le boulot de « porteur d’eau » suppose un renoncement à exister et repose sur une volonté d’abnégation constante. Entendre un(e) autre porter ses projets et les revendiquer ; accepter d’être laissé au bord des chemins du pouvoir, alors que le char du vainqueur passe sous l’arc de triomphe, n’est pas si facile que cela. On trouve ces perles rares dans des débats, des discussions, des confrontations. L’anonymat leur sied, et leur habileté consiste à faire croire au mentor que c’est lui qui a eu l’idée que ses admirateurs trouvent géniale. On leur donne souvent le rôle « d’assistant ». ils finissent parfois par devenir « fusibles », mais il n’est pas souvent profitable de passer de l’ombre à la lumière. Les « favorit(e)s temporaires servent à réguler les rivalités. Un geste en faveur de l’un aiguise la « loyauté » de l’autre au bon moment. Il ne faut surtout pas aller trop loin, afin de respecter cet équilibre permanent qui rassure ou inquiète, mais qui maintient l’espoir des prétendants à une « prébende ». Quand il devient « durable » un(e) favori (te) est en danger, car il devient la cible de tout le reste de l’équipage. Il ne gagnera son salut qu’en s’émancipant avec prudence, et surtout en profitant de son statut pour obtenir une nomination qui lui permettra d’attendre patiemment sa récompense. Il ne devra jamais se considérer comme sauvé car son passé lui reviendra souvent en boomerang car il sera considéré comme un « héritier » alors que pour tenir, il vaut mieux avoir été conquérant. En suivant l’actualité, vous devez faire référence à mon lexique… sinon vous ne comprendrez pas grand chose à des événements très éloignés de la démocratie rêvée !

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Cet article a 6 commentaires

  1. redkobold

    On trouve une certaine correspondance avec la commission Charbonneau( en ce moment au QC). L’ex maire de Montréal ne savait rien ( mais savait tout) ne souhaitait rien voir (mais a tout vu)… à grands pouvoirs ! grandes responsabilités ! certains s’arrête au premier point d’exclamation…

  2. Eric Batistin

    Le pas de menuet

    Le menuet a une métrique ternaire et se joue en mesure 3/4. Un pas de menuet s’accomplit en deux mesures et les quatre appuis sont répartis sur les six temps de manière variable, par exemple, selon Rameau :

    1 2 : demi-coupé du pied droit
    3 4 : demi-coupé du pied gauche
    5 : pas élevé du pied droit
    6 : pas élevé du pied gauche

    Ou comment le bal se joue tel qu’en la Cour, quand la République se meurt, oubliée, démodée, impropre à flatter la Reine Finance.

  3. J.J.

    Le blog de ce matin , c’est Jean Marie Darmian ou Jean de La Bruyère ?

  4. delouede

    alors quoi de neuf? commentaire des pratiques politiques par un expert qui se fustige lui mème

    1. Jean-Marie Darmian

      Cher delouede (trop proche de Déroulède?)
      Merci de ce commentaire mais je ne me « fustige » pas car je n’ai de près ou de loin jamais été dans un cabinet ! Ce qui est neuf c’est que j’ai le courage de l’écrire…

  5. Lauren Horn

    Si sa parole a aujourd’hui de l’écho, c’est que l’ancien « porte-flingue » de Laurent Fabius au Parti socialiste a réussi à devenir un acteur fort de la gauche au pouvoir . Conseiller général en 1979, député en 1981, ministre en 1998, président du conseil général de Seine-Saint-Denis en 2008, et désormais au perchoir ; son parcours est un quasi-sans-faute. « Un petit ministre cynique qui est devenu un grand », résume un ancien ministre de droite. « Un très bon manoeuvrier qui n’a jamais eu ni idée ni ligne politique », tacle un jeune député PS.

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