Imaginez un instant la surprise ! Imaginez les milliers de gens qui descendraient dans les rues ! Imaginez les qualificatifs attribués au gouvernement ! Imaginez un instant le désespoir d’un peuple privé de télévision. Ce serait apocalyptique que Derrick, le SS reconverti en policier pépère traquant le criminel, que Julien Lepers ne puisse plus poser la moindre question à un champion, pire, que Pujadas disparaisse totalement des écrans, que l’on soit obligé d’aller se coucher le samedi soir sans avoir l’humour de Ruquier ou, catastrophe plus insondable, sans la retransmission de la course des mobylettes du Tour de France… Un abîme terrible, un précipice dans les emplois du temps quotidien, pouvant générer à terme, dépressions et suicides. Les étranges lucarnes réputées être du service public, fermées pour cause de crise budgétaire. Mais où irions-nous ? Des gens obligés de revenir au temps des veillées de voisinage, de discuter sur le pas des portes. Des familles entières contraintes à jouer au mikado ou au Monopoly. Des millions de livres oubliés sur les étagères, sortis de leur virginité « lectorale » pour meubler les heures de rêve disparues. Une société entière s’effondrerait, et la famine culturelle s’installerait dans un monde habitué à son Jour du Seigneur, le dimanche matin, et surtout au canapé rouge de Drucker, pour mesurer le fait que les invités qui y posent avec fierté leurs fesses, vieillissent au moins aussi vite que ceux qui les regardent. Mais où entendrait-on, l’après midi, la douce mélopée des joueurs de tennis mués en bucherons, ou le samedi soir les rires gras de Patrick Sébastien, l’ami corrézien de notre bon Président ? Nulle part : le silence perpétuel, avec une privation de ces images qui envahissent les esprits pour leur fournir le « prêt à porter » idéologique dont ils ont besoin. Il est vrai que depuis quelques jours, on sent venir l’écran noir pour des nuits blanches avec des suppressions d’émissions qui succèdent à des suppressions d’émissions. Rien de bien méchant, puisque ce sont celles que peu de monde regarde. Alors, une de plus ou une de moins.
Le drame !
Plus un seul crime à se mettre sous les yeux, le dimanche soir, après la tisane réparatrice d’un repas familial arrosé. Barnaby, son collègue allemand ou canadien aux abonnés absents, et la vie manque de sel. Le sang américain ne coulerait plus, dans les rues de San Francisco, de cadavres scrutés à la loupe par des experts techniquement irréprochables. Le plus odieux, c’est que l’on obligerait Louis la Brocante à s’installer sur les places des villages pour de banals vide-greniers. Comment va-t-on faire la sieste s’il n’y a pas « Amour, gloire et beauté ».
Par pitié, éliminez les enseignants, les infirmières, les juges, les élus locaux, les militaires, les inspecteurs chargés de la fraude fiscale, les percepteurs, les fonctionnaires de toutes tailles, de tous rangs, de tous niveaux mais, pour faire des économies, ne nous supprimez pas, messieurs de Bruxelles, de la BCE ou du FMI… les descendants de feu l’ORTF ! Ce n’est plus de la rigueur, c’est de l’assassinat culturel ! Or, nous avons tout à craindre, et on nous dit déjà que les plus fins limiers de l’enquête journalistique sont partis en mission, puisque la Grèce, berceau de la démocratie, a osé détruire sa télévision publique.
A la clôture des programmes, les écrans resteront noirs au pied de l’Acropole : le gouvernement grec a annoncé la fermeture immédiate des chaînes de télévision publiques grecques ERT, engageant par surprise une épreuve de force inédite avec les syndicats, sous la pression de ses bailleurs de fonds internationaux. « La diffusion d’ERT s’arrêtera après la fin des programmes ce soir », a déclaré à la presse le porte-parole du gouvernement, soulignant qu’ERT, qui est composée de trois chaînes, constitue «un cas d’absence exceptionnel de transparence et de dépenses incroyables. Et tout ceci prend fin maintenant» a-t-il dit. Il a ajouté que ce service public, où les grèves se multipliaient ces derniers mois pour s’opposer aux plans de restructuration, rouvrirait sous une autre forme, avec un nombre réduit de salariés. Tous les salariés actuels d’ERT, au nombre de 2 656, recevront une compensation, et seront autorisés à postuler de nouveau pour un emploi dans la nouvelle structure. Un séisme. Un coup à vous ramener les colonels au pouvoir. Cette mesure radicale et sans précédent a été annoncée sans préavis? au moment où les chefs de file de la troïka des créanciers de la Grèce (UE-BCE-FMI) sont à Athènes. ERT appartient aux multiples organismes d’État qui devaient être restructurés ou fusionnés, en vertu du protocole d’accord signé entre la Grèce et ses bailleurs de fonds. Le gouvernement avait rendu public dans la journée un texte législatif autorisant l’arrêt du fonctionnement d’un organisme public en cas de fusion ou de restructuration. C’est donc fait et vite fait ! La cure sera-t-elle mortelle ? Les Grecs s’en remettront-ils ? Résisteront-ils à des doses massives de télé du style « berlusconien » ou TF1 ? Se révolteront-ils contre ces écrans porteurs de publicités pour des produits qu’ils ne peuvent plus acheter ? Nul ne le sait… voire !
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moi la télé je ne la regarde pratiquement plus qu’en différé, en téléchargeant des documentaires de la 5 et d’arte ( fierté de la qualité des chaînes publiques). Tout ce qui est films, séries, feuilletons sur les chaînes publiques ça ne m’intéresse pas . De toute façon, les chaînes de télé publiques sont médiocres à part certaines émisssions excellentes d’arte ou de la 5 ou de France 2. Toutes les autres chaînes peuvent crever, c’est des cons qui attirent des cons -ommateurs pour que ces derniers en regardant des émissions abrutissantes puissent s’entendre rabacher des pub minables. Je méprise autant la télé que notre démocratie.
Bonjour,
JMD vous oubliez me semble t-il les joutes oratoires du mardi,mercredi et jeudi de tous ces Athéniens et Spartiates qui voudraient s’assoir au sommet du mont Olympe?
Au fait,question subsidiaire:Avez-vous signez et fait signer la pétition du CNIID???
Cordiales salutations.
Pauvres grecs !
On leur supprime déjà en partie le pain, si on leur supprime également les jeux, où va-t-on ?
Plus sérieusement, je vais encore (!) citer Daniel Schneidermann, dont je partage entièrement l’inquiétude:
« (…)il faut appeler les choses par leur nom : c’est un coup de force, auquel on a assisté hier. Un coup de force qui fait basculer la Grèce dans la catégorie des régimes autoritaires.Ce n’est pas aux Grecs de régler seuls l’affaire. La Troïka, cette machine folle qui exige de la Grèce ces milliers de suppressions d’emplois, c’est nous. C’est le gouvernement français, le président français, qui doivent condamner le décret grec, et exiger de la Troïka qu’elle exige du gouvernement grec son annulation immédiate.