Le vrai scandale des lasagnes peu à cheval sur l'étiquette

Mesure-t-on réellement le poids des médias dans la vie quotidienne des gens réputés ordinaires, ceux qui, loin des apparences, tentent de vivre de leur boulot, et qui du jour au lendemain, à la suite d’une simple information approximative mais amplifiée et surtout démultipliée à l’infini, se retrouvent à la rue ? Pas certain. Nous sommes pourtant les uns et les autres responsables par notre absurde passivité face à ce délire qui peut transformer un fait réputé divers en séisme social. Nous acceptons tout, sans réelle échelle des valeurs, sous l’influence de moralistes réputés immaculés qui condamnent impitoyablement sans mesurer l’impact de leurs prises de positions sur des femmes et des hommes incapables de se défendre. L’exemple le plus terrible est aujourd’hui celui des « lasagnes à la viande de cheval », présenté comme un véritable scandale, un empoisonnement à l’échelle européenne, comme une tromperie honteuse à la fiabilité de la nutrition humaine, comme un événement exceptionnel pouvant attenter à la santé de millions de consommateurs… Dans les faits, parti du lobby anglais du monde du cheval s’appuyant sur une culture de « l’ami de l’homme », la mise en cause de la composition de la viande dans ces plats cuisinés a vite tourné à la mise à mort des employés de l’usine, ignorant dans leur très grande majorité les manigances profitables de leurs dirigeants. Absurde, délirant, désolant, dans ce monde où il n’y a aucune gradation dans l’appréciation des faits.
Il est incontestable qu’il y a eu tromperie sur l’étiquette des lasagnes. C’est anormal et une sanction des responsables de cette tricherie volontaire était inévitable. La faute était cependant très limitée car elle n’avait eu aucune conséquence sanitaire et à aucun moment elle ne mettait en danger la santé des consommateurs de ces produits. Chaque jour sont fabriqués, distribués et avalés des centaines de produits dont la toxicité ne soulève pas la moindre protestation de la part de médias indulgents avec des grands groupes agro-alimentaires qui empoisonnent le monde. Légumes aspergés de tonnes d’insecticides, vignobles gorgés de désherbants, prairies couvertes d’engrais chimiques, viandes avec antibiotiques dévastateurs, conserves bourrées de conservateurs ou de colorants, hormones, sulfites dans le vin, OGM réputés inoffensifs et donc omniprésents…mais là, aucune remise en cause de la chaîne alimentaire. Il est vrai que ce n’est pas dangereux, puisque c’est écrit sur l’étiquette, en caractères minuscules, et que les lasagnes de Spanghero avaient le tort de ne pas avoir une précision microscopique, invisible pour l’acheteur qui aurait évité aux « anti-viande de cheval » de se trouver mal ! Encore une fois, on a transformé en catastrophe ce qui n’était qu’une tromperie banale du monde du profit ! Un effet papillon dont les conséquences sont terribles.
Les 240 salariés de Spanghero redoutaient d’apprendre que leur entreprise fermerait et qu’ils perdraient ainsi leur emploi, en épilogue du terrible « scandale » de la viande de cheval. L’administrateur judiciaire a tranché de la manière la plus claire : ils sont tous virés ! Le site est fermé et ils se retrouvent, à cause d’une psychose injustifiée car totalement artificielle, avec une issue qu’ils n’auraient pas imaginée il y a trois mois, et qu’ils n’envisageaient pas aussi brutale il y encore quelques semaines. Pas moins de 240 emplois ont été sacrifiés par des consommateurs qui ont été façonnés par des propos hystériques sur un mélange de viandes saines n’ayant provoqué absolument aucune maladie, aucun malaise, aucun désastre sanitaire comme par exemple les désherbants! C’est débile!
Avec Spanghero, c’est l’entreprise au coeur du « scandale » qui disparaît pour l’exemple, car jugée responsable primordial du scandale européen de la viande de cheval. Spanghero est surtout spécialisée dans la transformation de viande et la fabrication de plats préparés. Mais c’est dans le cadre de son activité mineure de négoce de viande qu’elle est accusée d’avoir sciemment revendu du cheval à la place de boeuf à des entreprises produisant elles-mêmes des plats cuisinés comme des lasagnes pour de grandes marques ou de grands distributeurs. Les ouvriers n’y sont pour rien : leurs fabrications n’étaient même pas en cause, mais ils paieront l’addition, dans un département durement touché par le chômage. Personne ne bougera le petit doigt pour les sauver… Personne n’osera expliquer que ces braves gens seront les vraies victimes d’une exagération médiatique déconnectée de la réalité ! Et ils ne sont pas les seuls : le tribunal de commerce d’Arras a prononcé le 22 mai la liquidation judiciaire du fabricant de lasagnes Fraisnor, qui employait une centaine de personnes. L’entreprise de Feuchy (Pas-de-Calais) n’était pas impliquée dans la fraude. Mais elle a payé la désaffection massive des consommateurs, qui se sont détournés des lasagnes fraîches.
Chez Spanghero, on a cependant quelques doutes. Certains se demandent ouvertement si des industriels n’attendent pas la liquidation complète de l’entreprise avant de se manifester… pour récupérer à bas prix ce qui a toujours bien fonctionné et qui pourrait simplement changer de « marque » et d’étiquette !

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Cet article a 4 commentaires

  1. Michel d'auvergne

    1129 morts près de Dacca au Bangladesh dans une usine dont les clients s’appellent Carrefour, benetton Auchan… Le « commerce équitable » tue beaucoup plus que les lasagnes. Mais on en parle moins. Quelles drôles de valeurs !

  2. batistin

    Taper sur ce que l’on peut attraper rassure du désespoir de voir s’enfuir tout le reste.
    Ceci est une attitude commune à tous les faibles, les pleutres, les aigris, les petits, les sans esprit…
    Pour preuve, essayez donc d’envoyer quelque message publicitaires à mille adresses mails que vous aurez patiemment recopiées en visitant des sites, ou des blogs.
    Vous recevrez en retour des messages écrits en lettres rouges et énormes vous intimant l’ordre de cesser immédiatement de pourrir la boite aux mails de quelques énervés…
    Enervés trop content, malgré votre numéro CNIL et le lien de désinscription en bas de mail, de tenir enfin un vilain spammeur.
    Normal, les deux milles autres mails qu’il aura reçu, et ce chaque jour, viennent tous des Etats Unis…
    Un autre exemple est celui du mec en colère contre sa femme, ses gosses et son patron qui ne trouve rien de mieux pour exercer son pouvoir perdu que de défoncer à coup de poings son chien…
    Sans parler de quelque petit chef de bureau ou d’atelier qui ne trouve jamais assez de complications pour exercer sa haine de n’être…rien !

    Ce qui n’a finalement que peu à voir avec une quelconque responsabilité des médias dans le triste dénouement d’une affaire judiciaire, eux n’ayant eu peut-être d’autre vue que, comme d’habitude, vendre du papier.
    Une affaire franchouillarde, quoi de mieux finalement pour fidéliser un lectorat…
    Les conséquences disproportionnées incombent aux juges.

    Ou alors, il faut s’accorder pour mettre en cause une journaliste chaque fois qu’un homosexuel se fera bastonner, qu’un arabe sera pris pour un terroriste, un noir pour une hombre de lui-même, un homme politique pour un affabulateur, et ce à chaque article relatant en boucle un évènement…

    Pour ma part je dirais que les juges de l’affaire de la viande de cheval ont quelque rancœur inavouable coincée dans l’estomac.
    Surement la perte de leur prérogatives au profit de l’exécutif.
    Alors, forts de la vindicte populaire, encensée certes par les médias, ils se sont vengés.

  3. Paul Agius

    plusieurs points:
    il est clair que les salariés sont en permanence soumis à l’action positive ou négative de leur patron. Spanghero bien avant cette affaire de cheval avait une réputation peu flatteuse dans le monde des affaires.
    Pour la qualité de notre alimentation les pratiques dérivent jusqu’ au point où la loi les limite.
    enfin, nos dirigeants ont accepté depuis belle lurette la dictature des grands groupes. les indices de cela c’est le niveau comparé d’imposition des très grandes entreprises par rapport aux autres, c’est l’efficacité spectaculaire pour elles du recours à la sous traitance (et à l’intérim). C’est aussi leur niveau record de profitabilité.
    C’est le type de structure qui profite à plein du maintien du niveau élevé de chômage en ne distribuant pas les gains de productivité et en nous condamnant à la recherche d’une improbable croissance.

  4. J.J.

    … Personne n’osera expliquer que ces braves gens seront les vraies victimes d’une exagération médiatique déconnectée de la réalité ! Et ils ne sont pas les seuls

    Si, toi tu le fais, et c’est tout à ton honneur, mais c’est malheureusement un prêche dans le désert.

    Par contre l’affaire du Médiator ne bénéficie pas d’une aussi grande indignation, il est vrai que ça ne touche pas de « vraies valeurs », comme l’adoration du cheval, ça touche seulement de pauvres humains, et malades de surcroît.

    Dans le chapitre des catastrophes annoncées, notons également la fermeture probable de centaines de station services rurales qui ne sont pas à la norme (plus ou moins fantaisistes) imposée par les lobbies du pétrole et de la grande distribution.
    Résultat : des petits exploitants de stations services vont perdre leur gagne pain et des usagers seront contraints de parcourir des kilomètres pour s’approvisionner en carburant.

    Mais ce n’est pas grave, ça ne touche qu’une population rurale, donc négligeable.

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