Maires qui doutent de leur utilité sociale

Les maires de Gironde se retrouvent chaque année dans l’enceinte de la Foire exposition de Bordeaux. C’est devenu une sorte de baromètre de la vie démocratique du département car il se dégage de ces retrouvailles une ambiance chaque année différente. On sent quel est l’état d’esprit de ces sentinelles de la République sur le plus vaste territoire de France. La diversité des positions, des responsabilités, des tailles de leurs communes reflète l’état d’esprit de ces élus locaux plongés au cœur de la crise.
D’abord le premier constat qui frappe, c’est l’éloignement de plus en plus évident des représentants des grandes agglomérations du… Conseil général. Ils n’ont guère besoin de solidarité territoriale et donc ils boudent largement ce type de retrouvailles. Très peu d’entre eux avaient en effet, cette année, répondu à l’invitation au partage des espérances et des soucis de leurs collègues. Ces absences sont significatives du non-dit actuel sur la disparition sournoise des instances départementales, là où vont naître les fameuses métropoles. Cumulant les richesses liées à la population et à l’économie, ces communautés « nouvelle formule » vont de fait assécher le financement du reste des territoires, devenant incapables de faire face aux besoins de leur population. Le risque existait, il devient réel ! Il est palpable par le silence ou l’absence.
Malgré son optimisme naturel et sa volonté opiniâtre de ne pas céder à la pression nationale sur l’acte III de la décentralisation, le discours du Président du Conseil général n’a pas rassuré les troupes rurales présentes, car elles sentent inconsciemment qu’elles ne pèsent plus dans les enjeux territoriaux si le département ne peut plus les soutenir. Délesté de l’immense fardeau du social (56 % des dépenses de fonctionnement du CG 33 en 2012), les grandes entités intercommunales surfent sur des ressources ajustables et plus encore sur un autofinancement encore très confortable. Elles peuvent construire, innover à coups de centaines de millions d’euros (tram, grand stade, cité de la civilisation du vin, port, infrastructures urbaines…) quand le Conseil général cherche 100 euros par ci par là ! Inexorablement, cette « Gironde à deux vitesses » que Philippe Madrelle n’a jamais voulu se profile, puisqu’il y aura nettement en 2015 les collectivités pouvant investir et celles qui ne pourront plus espérer créer le moindre équipement, car fragilisées par l’absence contrainte de soutiens du fameux « conseil départemental », réduit à un CCAS géant. Ce fait ne reposera pas sur un choix politique du CG mais sur un constat : en 2013, les marges de manœuvre pour assumer une compétence générale qui leur sera maintenue ne permettront plus de l’assumer !
Il fallait ensuite recevoir ce découragement qui perçait dans les débats autour des tables. Près de 40 % des maires actuels, souvent accrochés à leur fonction de proximité, sur des communes où ils vivent parfois depuis longtemps, vont rendre leur belle écharpe tricolore. Le Président du Conseil général a rendu hommage à leur investissement, leur dévouement au service de l’intérêt général en soulignant combien leur rôle était décisif en cette période de crise, mais ça ne changera rien à leur décision. Victimes de la généralisation des dénigrements colportés sur les élus de haut niveau, ils renoncent à se représenter, expliquant qu’ils sont lassés de vivre sous la pression de tâches ignorées de leurs concitoyens et souvent exposés à toutes les critiques imputables aux fautes de quelques-uns. « Nous étions en fin de cortège, m’expliquait l’un d’eux lors de la visite de la Foire, et nous entendons les quolibets des exposants et des visiteurs : « ils n’ont pas du payer très cher leurs entrées… regarde les parader avec notre pognon !  Tiens, nos impôts qui passent !  Et beaucoup d’autres amabilités du même genre . Pour moi c’est devenu insupportable… ». Il en avait gros sur le coeur !
Philippe Madrelle a bien senti cette gangrène et il y a fait allusion dans ses propos, mais le mal est très profond et très inquiétant pour la survie d’un état d’esprit dans les cellules de base communales. Il aurait pu également insister sur la loyauté républicaine de la très, très grande majorité d’entre eux, pour laquelle le débat sur le « mariage pour tous » est une affaire classée. Ils feront ce que la loi à prévu, même si parfois il leur en coûte. C’est rassurant pour la vie démocratique et cela met à sa vraie place la manifestation extrémiste de dimanche ! Il est vrai que rares seront, en milieu rural, celles et ceux qui seront confrontés à cette modernité de la vie sociale. « Pour moi, il aurait fallu simplement rayer le mot mariage des textes réglementaires et le remplacer par union civile laïque pour tous… et si les religions voulaient se garder le mot mariage, libres à elles d’en fixer les règles ! on en a marre d’être les otages de débats parisiens entretenus par les vedettes des médias  ». Cette prise de position d’un maire réputé « apolitique » est vite admise par toute une tablée…, mais elle n’est pas parvenue jusqu’à Paris !
Quand Philippe Madrelle parle « amitié , « solidarité », «  respect », « parité », ce n’est désormais que dans la perspective de sauver ce qui peut l’être encore. On entre dans les « abats » pré électoraux et tous les coups vont être permis dans ce monde politique qu’il qualifie lui-même « d’impitoyable », car il le parcourt depuis des décennies.
« ça nous fait du bien de nous retrouver dans un contexte non institutionnel et sans jeu de rôles » expliquait un maire qui retrouvait des collègues lancés, avec lui, dans une fusion de communauté de communes. Une réaction significative de femmes et d’hommes modestes, qui échappent souvent à la tutelle de leur parti, ou de personnalités se prenant pour des roitelets, peu concernés par ce type de rendez-vous !
Cette manifestation ne respirait pas l’optimisme débordant. Il régnait même une certaine résignation…un certain dépit et surtout une vraie inquiétude sur la ruralité.

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Cet article a 3 commentaires

  1. batistin

    La nature comble les vides.
    Chaque maire qui renonce laissera sa place à l’extrême droite, voilà le programme.

  2. J.J.

    …… » « Pour moi il aurait fallu simplement rayer le mot mariage des textes réglementaires et le remplacer par union civile laïque pour tous… et si les religions voulaient se garder le mot mariage libres à elles d’en fixer les règles ! on en a marre d’être les otages de débats parisiens entretenus par les vedettes des médias ». …..

    C’est exactement ce que je déclarais il y a quelque temps à ce sujet…..

    Quant à la manifestation fascisante prévue dimanche, elle m’évoque plus que jamais un certain 6 février 1936 et ses sinistres cohortes.
    Le Mariage pour Tous a bon dos, si ce n’avait été ce sujet, ces trublions auraient trouvé autre chose, mais certainement pas la sauvegarde du pouvoir d’achat des ménages….

    Je ne suis et n’ai jamais été élu, ni local, ni autre, mais je m’insurge contre ces jugements hâtifs d’individus dont le comportement les fait assimiler à une vile populace. Ils s’en prennent, en généralisant, à des élus politique ou syndicaux qui, dans leur grande majorité, sont d’honnêtes gens, dévoués à leurs administrés.

    Je trouve intolérable cette attitude, reflet de leur bêtise.

  3. BAQUE Christian

    Bonjour JMarie. « Le risque existait, il devient réel ». Je comprends ton amertume. Non seulement ce gvt n’a pas abrogé la loi Sarkozy (à l’exception des conseillers territoriaux), mais l’Acte III de la décentralisation prolonge et aggrave cette loi. Les métropoles scelleront le sort des communes, des CdC et des départements. A nous de l’empêcher, de nous mobiliser. Philippe Madrelle l’a fait en 2010 (réunion élus à St Loubès). Allons nous accepter de ce gvt ce que nous avons refusé du précédent ?
    Cordialement

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