Le joli mois de mai s’efface lentement, poussé vers la sortie par l’inexorable avancée du temps. Contrairement à bien de ses prédécesseurs il restera dans les annales puisqu’il échappe à la règle commune. Il en est ainsi de bien des moments de la vie collective qui, pour retenir l’attention dans l’Histoire, doivent sortir des limites de l’ordinaire. Chaque jour d’ailleurs, l’actualité ne retient dans sa course à la concurrence que, justement, ce qui peut étonner par son caractère inhabituel, provoquant polémique ou étonnement. En définitive, la période écoulée aura permis, cette année, d’améliorer indiscutablement le lien social. Quand on n’a rien à dire, quand on ne sait pas comment aborder la première idée qui vient à l’esprit, c’est celle de parler de la pluie et du beau temps. Et là justement, en mai, tout aura été parfait pour l’amélioration des échanges. Ciel bas et noir, froid humide, averses violentes, manifestations gâchées, « ponts » effondrés : au bureau, devant la machine à eau chaude colorée, au comptoir du bistrot, sur les chantiers, dans les salles des profs, à l’usine, dans les transports en commun, au cours des repas de famille, dans l’arène politique… il y avait matière à dialoguer sur un sujet différent du mariage pour tous ou pour les « pédés » selon l’endroit où l’on se trouve. Mieux, pour les crédules de tous bords, on avait un motif de prier pour autre chose que contre les lois de la République, en se laissant aller à implorer le roi soleil ! Pas besoin de mot d’excuses pour feinter le cour de gym, pas la peine de se chercher un bobo pour s’autodispenser de son footing ou de sa sortie vélo, pas de chance pour le pauvre toutou à sa mémère aux promenades écourtées, bonheur de diminuer son paquet de cigarettes en raison de l’impossibilité d’aller en griller une dehors, refus recevable pour ne pas sortir la tondeuse… Bref le bonheur parfait. Les canapés en ont pris un coup et l’audimat a grimpé chaque jour et chaque soir. TF1 a augmenté ses recettes publicitaires et M6 a engrangé des bénéfices supérieurs. Quel joli mois de mai !
Vous me direz qu’il n’y a donc que les grincheux pour se plaindre devant les caméras ou les micros. Les mêmes, toujours les mêmes que l’on va interroger quand il neige trop, quand il pleut trop, quand il fait trop chaud ou quand il gèle à pierre fendre. Pour certains, qui ont appris dans leur prime jeunesse, quand les programmes scolaires le permettaient, que la « France a un climat tempéré », un temps comme celui de ce mois de mai pourri relève de la tromperie sur la consommation. Pour d’autres, pour qui le cancer est une maladie et le capricorne une bête jamais vue , les pôles ou l’équateur, de vagues repères pour esquimaux ou « blacks », la météo constitue une approximation quotidienne dont le gouvernement, pas assez à gauche ou trop à gauche, est responsable ! C’est pour ça que ce pauvre mois de mai a si mauvaise réputation. La Droite a toujours rêvé de le rayer du calendrier, avec ses défilés plus ou moins revendicatifs, ses anniversaires des victoires de Mitterrand et maintenant de Hollande, ses références à cette année 68 de triste mémoire, puisque le peuple s’était mis dans l’idée d’exister, ses références à la Commune de Paris, et tant d’autres soubresauts de l’histoire.
Les catholiques d’un autre temps, beaucoup moins intégristes que durant ces dernières semaines, lui avaient en effet donné une toute autre image, en en faisant le « mois de Marie », celui des jeunes filles en fleurs. Les messes se succédaient dans les églises de campagne comme autant d’opportunités de bavarder, d’échanger sur…le temps et, avant la période bénie des premières communions, permettaient, dans les douces soirées, de vérifier que le bonheur de la découverte amoureuse pouvait se construire dans les champs, sur le chemin du retour. « Le joli mois de mai » était celui de la pureté et des amours naissantes. On était loin, très loin de cette acrimonie générale contre un calendrier décalé avec le rythme des saisons.
Dans les jardins on plantait le soir, au chant du loriot revenu, les espoirs de récoltes familiales automnales. Patiemment, on alignait, dans les sillons faits au sarcle, les pommes de terre ayant « muri » dans l’obscurité des caves. La famille appréciait cette œuvre collective…qui dispensait des courses froides et rapides dans les temples aseptisés de la consommation. Ah ! où sont-ils les jolis mois de mai… qui ne sont jamais entrés dans l’histoire, tout simplement parce qu’ils étaient le reflet d’une vie ordinaire pour ne pas écrire normale !
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Qui connaît cette belle chanson ?
Joli mois de mai, quand reviendras-tu ?
Faire pousser les feuilles,
Faire pousser les feuilles.
Joli mois de mai, quand reviendras-tu ?
Faire pousser les feuilles…
Pour le p’tit Jésus(version chrétienne)
Pour torcher…..(version impie et scatologique…)
CLAUDE NOUGARO chante PARIS MAI
http://youtu.be/MVvY-3Ofrek
J’aime beaucoup le mois de mai : c’est celui où je suis né ;
Et c’est également celui d’un de mes meilleurs souvenirs de jeunesse, en 1968.