La perte volontaire de la conscience laïque et républicaine !

Le maire UMP de Vienne (Isère) Jacques Remiller, opposé au mariage homosexuel, vient d’écrire à François Hollande pour lui rappeler ses propos « sur la liberté de conscience des élus », révèle Le Figaro. L’élu a indiqué qu’il « refuse de célébrer les mariages de même sexe et [que] personne dans l’équipe majoritaire ne souhaite le faire », il envisage donc de prendre un arrêté municipal afin que les membres de l’opposition « puissent unir les couples gays ». « Pour moi le mariage, c’est un homme et une femme, même si je reconnais le droit à chacun de vivre comme il l’entend » a ajouté l’édile. Cette position pose un problème républicain fondamental…et dénote une forme larvée de contestation permanente par l’UMP des résultats du suffrage universel.
Comment en effet, un Maire, officier de l’État-Civil et donc représentant de la République, porteur à ce titre d’une écharpe tricolore, peut-il refuser d’appliquer une loi adoptée par la représentation nationale et validée comme conforme à la Constitution ? Les putschistes, dans toute l’histoire de la République, ont invoqué leur conscience pour ne pas se plier aux règles démocratiques qui en fixent le fonctionnement. Bien évidemment, ce sera jugé par les adversaires éternels de toute évolution sociale comme une marque de courage, alors que ce n’est qu’une transgression pure et simple des obligations d’une fonction confiée justement par la loi !
Que fera un Préfet, souvent prompt à sanctionner les manquements d’un modeste élu local pour un permis de construire, pour un arrêté sur le brûlage des déchets de jardins ou sur un manquement aux règles de sécurité, face à ce manquement flagrant aux obligations qui sont celles du premier magistrat d’une commune ? Il pourra simplement déférer l’arrêté du Maire, qui doit être motivé et donc établi sur la base d’un empêchement physique ou matériel pour le Maire, et lui permettre de déléguer sa responsabilité dans l’ordre du tableau aux élus de sa liste… Il faudrait donc que tous les adjoints, puis tous les conseillers délégués et tous les conseiller(e)s précédant ceux de  « l’opposition » aient une contrainte avérée ce jour-là pour ne pas suppléer l’Officier de l’État-civil en titre. Le « cas de conscience », à mon avis, ne résisterait pas à un examen du Tribunal administratif ni même du Conseil d’État, garants de l’application des textes et règlements en vigueur, ou alors il faudrait permettre à bien des maires de faire ce que bon leur semble en toute impunité ! On sent bien en effet que la démarche va se transformer en mot d’ordre et donc en prise de position collective « exploitable » pour les prochaines élections municipales. La « conscience » peut en effet être très utile pour apprêter les voix intégristes ! Quel était la position de ce maire face aux « objecteurs de conscience » qui refusaient le port de l’uniforme militaire ? A-t-il protesté contre les lourdes sanction qui leur furent imposées par les tenants de la formation à tuer l’autre ? Doit-on appliquer le « cas de conscience » aux forces de l’ordre ou aux huissiers accompagnant un Maire pour expulser des Roms ou des malheureux ? Au nom du « cas de conscience », peut-on s’exonérer de principes de droit démocratiquement votés ? Soutient-il par exemple ceux qui prétendent qu’un médecin pratiquant l’IVG doit être suspendu par l’Ordre ? Est-il de ceux qui défendent la laïcité, conscience authentique de tout républicain ? De toutes les manières, il lui restera la « confession » et « l’absolution » !
Il manque à ce Maire UMP la lecture attentive de la définition du Larousse ou du Littré de ce qu’est effectivement un « cas de conscience » pour s’apercevoir que sa vision du mariage est simplement liée avec la religion. Et ça n’a rien à faire avec sa fonction élective. S’il était élu de confession musulmane, sa conscience lui demanderait-elle de refuser une loi contraire à la charia ? S’il était bouddhiste refuserait-il d’appliquer les textes et les règlements décidant de tuer les espèces animales nuisibles ? Peut-on invoquer en tant que représentant d’un État républicain le non-respect de la loi pour une « difficulté ou une question sur ce que la religion permet ou défend dans certains cas » (définition du cas de conscience) ? Une loi, on a le droit de la contester, de la critiquer, de la vilipender, mais… on l’applique ou on démissionne, en expliquant que l’on est dans l’incapacité de la mettre en œuvre… C’est ça le vrai courage politique ! D’ailleurs, quand les textes sont apparu à certains comme contraires à la « liberté, à l’égalité, à la fraternité », ils ont su renoncer à leurs fonctions et les quitter durant, par exemple, l’occupation. Ils l’ont souvent payé de leur vie.
Si encore ce cas était isolé, il n’aurait qu’une importance médiatique restreinte. Mais rappelons le, un Député nommé Henri Guaino a également donné un signe fort en indiquant que lui se dispenserait d’aller s’expliquer devant les enquêteurs mandatés par la justice, au sujet de ses propos publics prononcés contre un juge appliquant simplement les… lois de la République. Pour lui, c’est sûrement un « cas de conscience » religieux qui l’empêche de mentir sous serment. Ce sont des prises de positions qui affaiblissent le pouvoir républicain et qui sapent lentement la légitimité des élus face à une morale religieuse qui se « communautarise » et menace chaque jour davantage l’équilibre déjà instable de la démocratie pour tous et par tous.

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Cet article a 2 commentaires

  1. batistin

    Bien, puisqu’il semblerait que toute décision légale peut être discutée, interprétée et appliquée à loisir, que penser de l’article 14. de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 ?
    Art. 14.: Tous les Citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée.

    Pour ma part, après avoir religieusement lu ce texte, en voici mon interprétation, basée sur la compréhension que j’ai du français:
    J’ai bel et bien le droit de contester le montant de mes impôts !

    Alors, peut-être que les Maires se refusant à appliquer une loi nationale ont eux pris à leur compte l’article 74 de la Constitution Française:
    Article 74.
    Les collectivités d’outre-mer régies par le présent article ont un statut qui tient compte des intérêts propres de chacune d’elles au sein de la République.
    Ce statut est défini par une loi organique, adoptée après avis de l’assemblée délibérante, qui fixe :
    – les conditions dans lesquelles les lois et règlements y sont applicables …

    Je ne savais pas le gratin dauphinois si exotique !

  2. Cubitus

    Je ne vous apprendrai pas qu’un maire, dans sa fonction d’officier d’état civil, n’agit pas en tant qu’élu, en tant qu’exécutif de la commune mais en tant qu’agent de l’État, placé sous l’autorité directe du procureur de la République. Le déféré du préfet ne pourra faire qu’annuler éventuellement par le TA un arrêté de délégation qui se révèlerait irrégulier.

    En revanche, l’agent de l’État qui refuse d’effectuer la tâche qui lui est confiée, a fortiori qui refuse l’application de la loi est passible de sanctions pouvant aller jusqu’à la révocation. Un fonctionnaire qui refuse d’effectuer son travail est lourdé.

    Vous avez, à juste titre, cité différents exemples où le maire agit au nom de l’État comme les permis de construire : Pourquoi un maire ne refuserait il pas, au nom de sa liberté de conscience, de signer un permis de construire pour l’édification d’un foyer d’accueil pour mères isolées par exemple, ce qu’on appelait autrefois avec mépris « les filles-mères », car cela irait à l’encontre de ses convictions politiques et (ou) religieuses ? Et je ne parle pas de la construction d’une salle de prière pour musulmans (sans aller jusqu’à la mosquée) !
    Sommes nous revenus à l’époque où les juifs n’avaient pas le droit d’être enterrés dans l’enceinte des villes ?

    Noël Mamère, pour qui je n’éprouve pas de sympathie particulière, fut sanctionné il y a quelques années pour avoir délibérément, dans sa fonction d’officier d’état civil, galvaudé la loi. Pourquoi en serait il autrement aujourd’hui ?

    Mais soyons tolérants : tous ces maires qui arguent aujourd’hui de leur liberté de conscience, accordons leur puisqu’ils la demandent. Qu’ils l’indiquent simplement comme justification sur la lettre de démission qu’ils devraient avoir l’honnêteté d’adresser au préfet et cette démission sera acceptée, je n’en doute pas, sans qu’il leur soit posé la moindre question. On ne peut avoir le beurre et l’argent du beurre.

    Ou alors, ils refusent l’application de la loi parce qu’elle heurte leur conscience ? Qu’il renoncent en conséquence à leurs indemnités de maire : ça aurait déjà plus de classe.

    Les objecteurs de conscience que vous évoquiez allaient jusqu’au bout de leurs convictions, sachant par exemple qu’en tant que tels, l’accès aux emplois publics leur seraient interdits sans tenir compte des sanctions, allant jusqu’à la prison, auxquelles ils savaient parfaitement qu’ils s’exposaient. Mais on en a ou on en a pas.

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