Le mot « crue » est brutalement apparu dans l’actualité alors qu’il était oublié depuis plusieurs années autour des grands fleuves français. Du temps où la géographie simplifiée et sommaire se pratiquait dans les écoles encore communales, on avait droit à une leçon spéciale permettant de savoir que les « débordements » de la Loire pouvaient être violents et dévastateurs, ceux du Rhône puissants et ravageurs, ceux de la Seine lents mais volumineux et enfin ceux de la Garonne complexes car conjugués aux marées. Quelques gravures grises avec des hommes en barque ou des villes transformées en Venise permettaient de comprendre l’ampleur de phénomènes réputés rares et assez imprévisibles. Pour la traversée de la capitale, les bulletins radiophoniques de mon enfance faisaient référence à un personnage dont je ne comprenais pas nécessairement le rôle qu’il jouait dans les prévisions catastrophiques : le zouave du Pont de l’Alma !
On commençait à s’alarmer sur les ondes quand il avait les pieds dans l’eau, et s’il en avait jusqu’à la taille le cauchemar arrivait ! On rappelait à l’occasion qu’en 1910, lors d’une crue centennale, il en avait plein le dos et par-dessus les épaules. Cette « sentinelle » postée face à l’ennemi envahisseur symbolisait à lui seul la lutte inégale entre les aménagements toujours présomptueux des hommes et un élément déchaîné. Peu importe les alertes, rien ne saurait empêcher un flux imposant de sa faufiler un chemin.
Quand on remonte dans le temps on mesure avec effroi l’impact qu’auraient des crues du même genre sur l’environnement urbain. Les sols non cultivés, les zones imperméabilisées, les fossés mal curés et plus encore une urbanisation étalée accentuent largement les risques encourus par tout phénomène naturel. Les chutes d’eau même « ordinaires » prennent rapidement une tournure inquiétante. La vitesse d’écoulement des ruissellements guidés, organisés, multipliés s’est considérablement accrue au cours des 30 dernières années. Elle est l’élément fondateur de la violence de certains débordements et de la montée expresse du niveau des torrents, des ruisseaux, des rivières et des fleuves. A force « d’aseptiser » l’environnement dans certaines zones géographiques (plus de culture réelle des vignes, arrachage des haies, grands espaces de mono-culture, immenses parkings en enrobé, comblement des zones d’expansion potentielles, surexploitation du lit pour les granulats…), on prépare des événements forcément exceptionnels. Il faut y ajouter un système archaïque d’entretien des digues de protection avec des associations de riverains sans moyens financiers, puisque les exploitations agricoles (élevage notamment) sont en perdition.
Les services de l’État se battent avec acharnement contre la tentation d’urbaniser quasiment dans le lit majeur des cours d’eau, au prétexte que chaque bâtisseur rêve d’avoir en contre bas de sa pelouse un ruisseau charmant, ou adore une vue sur le fleuve avec le bateau et le ponton de pêche. Tous les plans de prévention des risques sont contestés, car les prévisions de crues paraissent irréalistes ou surestimées. Dans les excès de la Seine, il a été facile de constater que pas une ville importante n’est à l’abri (Troyes) d’une conjonction de plusieurs effets multiplicateurs des paramètres climatiques. On aura forcément dans les décennies futures une catastrophe du type de 1910 à Paris, avec un envahissement des rues de la capitale. Toutes les études le démontrent et les dégâts seront considérables (évaluation à 20 milliards!) car le long des berges, plus aucune disposition n’a prise pour des raisons financières. Le moindre barrage suscite d’interminables contestations. Des hectares de terres d’expansion des débordements ont lentement été fermés. Les digues sont souvent à l’abandon ou trop basses. Le réchauffement climatique va accentuer les risques orageux.
Les rives des fleuves ne sont plus entretenues et se sont effondrées en beaucoup d’endroits, puisque « Voies navigables de France » n’a plus aucun moyen financier et humain pour restaurer, replanter et même simplement surveiller ! Désormais, on prévient puis on répare. Les crues centennales du XIXème siècle ont eu lieu en 1856 sur la Loire et sur le Rhône, juin 1875 pour la Garonne et en 1876 pour la Seine. Au XXème siècle, le maximum fut atteint en 1907 pour la Loire, 2003 pour le Rhône, 1952 pour la Garonne et 1910 pour la Seine ! Celles du XXIème siècle arriveront tôt ou tard !
La France découvre donc avec étonnement des négligences historiques et s’émeut de constater que les fleuves des livres de géographie ne seront jamais tranquilles…
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« Il faudrait construire les villes à la campagne, l’air y est plus sain »
Citation célèbre et ô combien d’actualité.
Après la désertification des campagnes et la surexploitation des terres par l’industrie agricole, voici les citadins qui d’une part installent des potagers sur leur balcon, et d’autre part ne rêvent que d’une maison secondaire… à la campagne.
Entre le joyeux Crédit Agricole qui aura surendetté tous les jeunes agriculteurs à partir des années 50/60, qui, pour pouvoir payer les intérêts du crédit du tracteur n’ont eu d’autre choix que de faire un crédit (de plus) pour acheter de nouvelles terres, nous avons eu droit aux expropriations.
Expropriations bénéfiques aux industriels de l’agroalimentaire qui ont besoin de larges champs pour y faire tourner leur machines énormes…
Fin de l’arbre en plein champ et des haies où nichent les petits oiseaux…
Expropriations pour cause de construction d’autoroutes, celles là même qui mènent nos citadins jusqu’à leur maison secondaire.
Enfin, tout ceci en résumé, je peine à détailler l’histoire, celle que tout le monde sait, celle qui nous mène aujourd’hui à vivre en ville pour y exercer des emplois sous-payés, tout en regrettant les bons légumes de grand-maman.
Heureusement, histoire de ne pas ternir le rêve, nos hypermarchés, avides de terres agricoles en bordure des villes, ont tous en leur rayons, les bonnes rillettes « à l’ancienne » et la confiture » grand-maman »…
Hypermarchés en collusion avec cet organisme reconnu pour ses grandes vertus morales et écologistes: la Safer:
Sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural
De telle sorte que des terres agricoles préemptées pour raison de protection du monde rural, et distribuées au compte goutte à des jeunes agriculteurs bio dans des zones où même le cheval de kowalski peine à survivre en hiver, finissent tout à coup, on ne sait pourquoi, en terrain constructibles !!
Alors, oui l’abandon des terres, en campagne, au profit des multinationales de l’agroalimentaire est une erreur fatale, et oui s’évertuer à vivre en centre ville sans la saine protection d’un rempart agricole à échelle humaine est une folie.
Puisque, plus on insiste, plus les villages se meurent, les écoles et les maternités ferment faute de « rentabilité », et plus le piège se referme.
Après l’inondation ne restera que deux options : ou mourir de faim, ou bouffer ce que l’on nous imposera de manger, des trucs franchement glauques.
Le meilleur moyen, donc, pour lutter contre les inondations en centre ville, pour commencer, c’est de mettre le nez dans les comptes de la Safer.
Messieurs les élus, à vos postes !
A ce sujet, une histoire véridique et vérifiable, sur la commune de Lanton en Gironde, et peut-être dans d’autres, je ne sais:
l’accès au cadastre est restreint et doit faire l’objet d’une demande écrite et justifiée, adressée au maire. L’explication de l’employé communal est la suivante:
« Suite aux abus des promoteurs immobiliers qui contactaient sans vergogne et plusieurs fois par an les propriétaires de terrains, dans l’espoir de les faire vendre, monsieur le Maire a décidé de restreindre l’accès au cadastre ».
Est-ce légal, je ne sais pas, ce que je sais par contre, c’est que des terres dites forestières ont fini en lotissement et golf sous l’impulsion du Maire précédent l’actuel.
Or, les terres forestières sont bel et bien sous la responsabilité de la Safer.
Je crois savoir aussi que l’étendue des terres constructibles allouées à une commune est variable en fonction de l’augmentation de la population. Bien.
Sauf que les variations de prix entre un terrain dit agricole, et un terrain constructible, c’est un peu comme gagner à la loterie nationale.
Et les comptes opaques, les versements illicites que font les supermarchés pour s’installer, les enseignes connues étant toutes en guerre… enfin…
Les digues à construire ne sont pas celles que l’on croit.
Oh combien tu as raison Jean-Marie. Il faut arrêter le bétonnage et les immenses surfaces enrobées de nos cités. Arrêtons d’étendre, sans retenue, cette urbanisation sauvage de nos campagnes que l’on ne reconnait plus.
A titre d’exemple pouvant donner à réfléchir, un parking d’une surface d’1ha, imperméable à l’eau, représente lors d’une pluie d’orage cumulant 80 mm en moins d’une heure (phénomène fréquent), 80 litres d’eau au mètre carré, soit 800.000 litres d’eau à évacuer. Lorsque cet orage est violent et qu’il intervient avec un cumul de pluie bien supérieur, phénomène assez fréquent en été, le flux d’eau brutal peut ne plus être maîtrisable. Cet exemple doit donner à réfléchir lorsque les surfaces bétonnées ou goudronnées sont plus importantes avec des évacuations inadaptées ou en mauvais états.