Nous avons bien besoin du printemps du lilas

fb060718-p1010041-l650-h474-cLe printemps donne des couleurs aux paysages. Des couleurs tendres, encore hésitantes comme si elles ne voulaient pas donner trop d’espoir sur des jours meilleurs au promeneur tenté par un rayon de soleil entre les nuages. En fait, ce sont les plus agréables car ce sont celles de la renaissance de la flore partout où l’homme ne s’évertue pas à la raser au plus près ou à la tailler en brosse plus ou moins ordonnée. Le ciel est tombé amoureux du sol et lui a confié ses étoiles lumineuses qui forment des voies lactées alternant la blancheur des pâquerettes et l’or ensoleillé des pissenlits. Les grandes prairies regorgent de ces pluies d’astres minuscules qui refusent de tourner autour du soleil pour seulement lui faire des clins d’œil, afin qu’il accepte de réchauffer leurs pétales.
Dans le fond, ces éruptions sur la peau verte croissante des pelouses préoccupent les propriétaires obsédés par la netteté de leur environnement, reflétant une vaillance et une rigueur louables pour leur image. Comment accepter un samedi après-midi de laisser le printemps s’installer alors que le standing impose un « rasage » parfait de ces herbes réputées folles, alors qu’elles ne font que profiter de la vie ? ils tondent… ils détruisent… au nom de l’opinion dominante qui refuse le désordre naturel. Dans une société de l’ordre établi, de la morale impitoyable, de la propreté apparente, les pâquerettes ou les pissenlits ressemblent à des générations anarchiques et contestataires qu’il faut éradiquer avant qu’elles n’envahissent le cadre de vie. On a bien constaté que même « arabe » un printemps ne permettaient justement pas à la liberté de s’épanouir, car la tentation est toujours présente pour les partisans de l’uniformité en tous genres de reprendre la main sur l’émancipation.
Grâce aux arbres fruitiers ou aux haies d’aubépines, avant de voir la vie en rose, les paysages rappellent l’hiver avec cette blancheur éphémère des fleurs soumise aux effets du vent mauvais qui ne vient pas nécessairement de la montagne. Extraordinaire pied de nez aux lendemains meilleurs avec les pommiers et les poiriers qui jonchent le vert de flocons immaculés, alors que tout le monde aspire à oublier les contraintes de la neige. La nature fait dans le changement progressif, dans le passage de témoin symbolique, car lentement le rose monte aux joues des arbres comme si le vent vif et mordant continuant à agacer le promeneur stimulait les vergers. Ce sont eux qui annoncent la montée en puissance d’une arrivée du printemps que les hirondelles ne peuvent plus annoncer, car elles ont été décimées par les pesticides. En général plus sensibles que les autres au froid, les pêchers ne dévoilent leur chair rose tendre que quand les risques de mort subite sont limités. Le signal de l’explosion de la vie est donné. Partout les fleurs portent l’avenir !
Les glycines dégoulinent de ce mauve tendre ou plus rarement de blanc lumineux, en repoussant à plus tard l’apparition de leurs habits verts très académiques. Ces grappes opulentes et lourdes décorent des tonnelles ou des entrelacs torturés de branches souvent très anciennes et qui, chaque année, s’offrent une éternelle jeunesse flamboyante, ostentatoire, cossue. Baroques, surchargées, ciselées, des panaches de fleurs opulentes marquent la continuité des saisons, puisque durant tout l’hiver leur support s’endort dans une nudité austère avant d’éclater en quelques jours dans un délire floral surchargé. Chaque fois que je les vois, je pense inévitablement à ces bals des cours royales d’antan avec la profusion des robes surchargées. La glycine c’est la noblesse dans ses excès de m’as-tu-vu!
C’est, au printemps, le contraire pour le lilas. Lui redresse la tête et envoie vers le ciel des floraisons populaires car constituées de parcelles individuelles, agglutinées les unes contre les autres anonymement, dont j’apprécie plus que tout autre, la simplicité et la délicatesse. Élégantes, résistantes, tenaces, dans les courants d’air frais, elles dégagent un parfum subtil qui marque véritablement les soirées printanières. Sobre, résistant, discret le lilas au mauve ou au bleuté plus ou moins intenses reste le symbole du peuple des jardins. Quand il arrive, il est temps de passer à l’action de de préparer les cultures pour le reste de l’année. La hampe du lilas rassemble solidairement des mouches colorées constituant ensuite un collectif solidaire et réussi.
Il y a même un chanson d’après la Commune de Paris dont on peut extraire des passages délicieux, dont je partage tout à fait la délicatesse. le lilas est la fleur de l’amour vrai du printemps :
Quand les lilas refleuriront
Au vent les capuchons de laine
Robes rouges nous revêtirons
Quand les lilas refleuriront
Sur le tapis vert de la plaine
Nous reviendrons danser en rond
Quand les lilas refleuriront
Allez dire au printemps qu’il vienne (…)
Quand les lilas refleuriront
Les filles près de la fontaine
De leurs amoureux jaseront
Quand les lilas refleuriront
Personne alors qui ne comprenne
Les doux mots qu’elles parleront
Quand les lilas refleuriront
Allez dire à l’amour qu’il vienne
Quand les lilas refleuriront
Parfumant l’air de leur haleine
Combien d’amoureux mentiront
Quand les lilas refleuriront
Pour tous ces baisers qui s’égrènent
Que de blessures saigneront
Quand les lilas refleuriront
Allez dire à l’amour qu’il vienne (…)

Allez, promenez-vous dans le printemps, pas celui de la haine et de la fatuité, si vous le pouvez encore, et revenez à la vie simple et tendre qui permet d’oublier les miasmes actuels d’une société ayant perdu les effets des bonheurs simples de la nature. Et cueillez le lilas, fleur de liberté et d’amour, pour que l’espoir entre chez vous !

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Cet article a 4 commentaires

  1. Marie-France

    Et moi j’aime bien la chanson de Brassens:

    Quand je vais chez la fleuriste,
    Je n’achète que des lilas…
    Si ma chanson chante triste
    C’est que l’amour n’est plus là.

    Comme j’étais, en quelque sorte,
    Amoureux de ces fleurs-là,
    Je suis entré par la porte,
    Par la porte des Lilas.

    Des lilas, y en avait guère,
    Des lilas, y en avait pas,
    Z’étaient tous morts à la guerre,
    Passés de vie à trépas.

    Je suis tombé sur une belle
    Qui fleurissait un peu là,
    J’ai voulu greffer sur elle
    Mon amour pour les lilas.

    J’ai marqué d’une croix blanche
    Le jour où l’on s’envola,
    Accrochés à une branche,
    Une branche de lilas.

    Pauvre amour, tiens bon la barre,
    Le temps va passer par là,
    Et le temps est un barbare
    Dans le genre d’Attila.

    Aux coeurs où son cheval passe,
    L’amour ne repousse pas,
    Aux quatre coins de l’espace
    Il fait le désert sous ses pas.

    Alors, nos amours sont mortes,
    Envolées dans l’au-delà,
    Laissant la clé sous la porte,
    Sous la porte des Lilas.

    La fauvette des dimanches,
    Celle qui me donnait le la,
    S’est perchée sur d’autres branches,
    D’autres branches de lilas.

    Quand je vais chez la fleuriste,
    Je n’achète que des lilas…
    Si ma chanson chante triste
    C’est que l’amour n’est plus là.

    ça fait du bien d’avoir l’humeur bucolique dans ces temps moroses et agités!

  2. batistin

    Alors qu’elle prétend « ne pas être à l’origine » du Printemps français, Béatrice Bourges, la porte-parole, a pourtant déposé la marque auprès de l’INPI le 26 février dernier. Un mois avant la naissance « spontanée » du mouvement anti-mariage pour tous. Étrange…
    http://www.regards.fr/web/Le-Printemps-francais,6513

  3. mlg

    j’adore

  4. J.J.

    Un texte aussi beau que le printemps…..

    Les Lilas et sa Porte ! Et son poinçonneur ! Je l’ai connu quand, bidasse, sortant du quartier tout proche, je prenais le métro pour aller faire un tour dans Paris…..

    C’est le temps des lilas en fleurs, signal pour les jardiniers de planter les pommes de terre.

    Et puis quand les lilas fleurissent, l’espoir nous arrive, que REVIENDRA BIENTOT LE TEMPS DES CERISES.

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