La France plonge à une allure vertigineuse vers « l’américanisation » de sa vie politique après avoir subi celle de sa vie culturelle, économique et sociale. Jour après jour, la course à la « radicalisation » des positions s’accélère, conduisant à des affrontements purement médiatiques, déconnectés de tous actes raisonnés. Il s’agit pour une poignée de responsables aguerris ou spontanés de capturer l’attention du maximum de gens, en pratiquant la surenchère verbale ou la stigmatisation outrancière du camp adverse. Le verbe haut, le poids des mots, le choc des images deviennent les clés de l’action publique ce qui conduit inexorablement à la destruction des principes républicains de tolérance, de dialogue et de partage de l’intérêt général. Désormais, on a dépassé le stade de la stratégie ponctuelle pour en faire tout simplement un fonds de commerce politicien. Le faux débat autour du « mariage » est extrêmement révélateur de ce comportement dénué de tout scrupule, qui consiste à faire glisser par la provocation, par la dramatisation, par l’approximation, des personnes légitimement inquiètes vers l’extrémisme absolu. C’est une technique utilisée en d’autres époques par ce qui est ensuite apparu comme les fascismes.
Les axes de cette « manipulation » de masse restent immuables : discrédit massif et répétitif des élus ; transfert social des responsabilités de situations vers le pouvoir en place ; manifestations provocatrices destinées à transformer des jeunes en martyrs; revendications irréalistes uniquement destinées à recueillir des avis défavorables… Le système est imparable et surtout impossible à combattre, car il est multiformes, empêchant une réponse frontale. La guérilla (urbaine en majorité) a l’avantage de mobiliser toutes les forces du camp adverse et de l’user, au profit des « mercenaires » des idéologies extrémistes dissimulées dans la masse.
L’UMP, empêtrée dans ses combats internes, tente par tous les moyens de ne pas se laisser déborder par le Front National, tout en évitant de sortir trop souvent de la « route » du pouvoir. Il s’agit pour bien de ses mentors d’encourager la bataille contre le PS, sans pour autant apparaître comme fauteurs de troubles incontrôlés. Les propos outranciers permettent en permanence de ranimer les braises de ce qui n’est plus une « opposition » mais une « destruction ». En fait, l’accumulation de déclarations volontairement provocatrices va avoir un effet boomerang commençant à inquiéter bien des élus UMP, qui voient se profiler la campagne des municipales avec au moins autant d’inquiétude que leurs collègues socialistes. Le FN va causer des ravages, en ayant suffisamment de voix dans bien des villes pour se maintenir au second tour, et ainsi diminuer considérablement les chances de faire basculer quelques grands villes. L’intégrisme religieux, farouchement condamné chez les musulmans, les juifs mais jamais dénoncé chez les catholiques a pris le contrôle de mouvements jusque là un tant soit peu laïques.
Cet étrange mélange des genres rappelle bien des péripéties des années 30, même si de grands « je-sais-tout » médiatiques ne veulent pas faire le lien. Quel rôle a joué la croyance religieuse outrancière (Opus Déi) dans l’arrivée au pouvoir de Franco en Espagne ? Quel rôle a joué cette exploitation de principes religieux réactionnaires dans l’installation de Salazar au Portugal ? Qui peut prétendre honnêtement que Mussolini n’a pas exploité au maximum ses relations privilégiées avec l’église ? Il en est de même au Chili avec Pinochet, en Argentine durant la dictature et dans bien d’autres pays.
En fait, la France a toujours eu un fond réactionnaire, qui avait valu une grand estime à Pétain en d’autres temps. Il se renforce chaque fois que le contexte économique le nourrit. Les médias dominants ne faisant plus appel à l’analyse mais à l’émotion pour maintenir leur pouvoir, renforcent cette dangereuse mutation. Il faut sans cesse avoir en mémoire que l’extrémisme, de quelque bord qu’il soit, mobilise davantage que la raison, et que le chemin vers le fascisme comporte cinq étapes que nous avons déjà entamé : la création de mouvements réputés spontanés ; leur enracinement dans un système politique tétanisé ; l’acquisition du pouvoir grâce au discrédit de ceux qui l’exercent; l’exercice du pouvoir de manière autoritaire; et, ultime étape, pleinement atteinte exclusivement en Allemagne nazie, la radicalisation dont on ne mesure les effets qu’a posteriori. Il suffit d’écouter quotidiennement les diatribes actuelles de l’UMP, de contempler sur les rayons des maisons de la presse les couvertures des hebdomadaires, de visionner des reportages sur les manifestations contre la liberté du « mariage » pour comprendre que nous sommes comme les rongeurs qui suivirent le joueur de flûte vers l’abîme, ou comme les moutons de Panurge qui finirent dans la mer.
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le droit au mariage serait peut-être passé plus facilement dans une société moins en souffrance……crise économique….chômage qui ne cesse de grandir……ce n’était peut-être pas trés judicieux dans ce contexte ou il y avait d’autres priorités d’en avoir fait LA priorité………et c’est vrai que cela met la démocratie de ce pays en péril……c’est plusque inquiétant….
Oui, ces manifs spontanément organisées, ce soit disant « printemps français » ont tout à fait des allures de 6 février 1936, avec les néo-cagoulards et autres trublions de même farine.
Il y fort à parier, comme disent les médias, si ce projet de loi du mariage pour tous n’avait pas été présenté, que ces bonnes âmes auraient certainement trouvé un autre os à ronger et d’autres occasions de semer le trouble et la panique (pour rester poli…).
manifester violemment contre l’acquisition de droits pour une minorité est vain sur un continent civilisé qu’est l’Europe puisque de plus en plus de pays adopte le mariage pour tous et même en Afrique et en Amérique du sud, et ça ne détruit pas le pays qui l’accorde.
J’entendais hier avec autant de consternation que d’envie de rire à la radio un individu qui prenait un air d’intellectuel et qui prononçait avec une voix solennelle pour dire que ce mariage pour tous augmentait la violence….bref c’était comme si on adoptait le port d’arme ! Frigide Facho, l’église catholique et la droite seront toujours en retard, figés dans leur étroitesse d’esprit, pour la liberté du marché mais pas pour celle des humains. Alors que dans 5 ans, on ne parlera plus de ce mariage qui sera passé dans les moeurs.