Comment voulez-vous qu’une société arrive à se mettre d’accord sur un aménagement réel et sérieux de la place du temps scolaire dans la journée d’un enfant, alors qu’elle massacre sa chronobiologie avec un changement arbitraire des horaires naturels ? En effet, j’ai une pensée aujourd’hui pour un homme remarquable avec lequel j’avais un plaisir infini à discuter qui s’appelait Boris Sandler ! Ce médecin pédiatre a consacré une bonne part de sa vie à dénoncer la mesure giscardienne d’institution de la fameuse « heure d’été », et son combat s’est toujours heurté au mur de l’indifférence d’une société obsédée par des questions matérielles, sans se rendre compte des dégâts indirects causés par ses exigences économiques. L’horaire d’été est en effet une véritable hérésie. La gestion du temps est pourtant devenu un enjeu majeur pour l’avenir. La vitesse, réputée indispensable au quotidien des gens, et surtout des considérations strictement financières non quantifiables, président désormais aux choix politiques. En fait, le progrès ne repose pas toujours sur des adaptations forcées des rythmes de vie ! En effet, l’Homme a toujours désiré maîtriser le temps, alors qu’il lui échappe constamment.
En 1884, le globe terrestre a été ainsi découpé en vingt-quatre fuseaux horaires. Le méridien passant par Greenwich, ville de la banlieue de Londres accueillant l’Observatoire royal (datant de 1675), est choisi comme méridien de référence. Le GMT est né. Quelques années plus tard, le 15 mars 1891, sous la pression des différents acteurs du chemin de fer, le territoire français voit son temps s’unifier. Désormais, l’heure est la même dans tous les départements, le décalage horaire de 52 minutes entre le Nord et le Sud n’est plus qu’un lointain souvenir. Mais, en 1916, en écho à l’effort de guerre, la France instaure une « heure d’été », et avance ainsi de soixante minutes sur l’heure normale de son fuseau. L’État justifie déjà sa décision par des motifs économiques en brisant ce que l’on appelait dans les campagnes « l’heure du soleil ». Il faudra d’ailleurs très longtemps avant que les paysans abandonnent cette référence. Traire les vaches trop tard, semer en décalage avec les heures naturelles, empêcher le coq de chanter, dormir ou manger selon des critères artificiels : il y eut de rudes résistances ! En 1945, le gouvernement français a encore choisi d’avancer l’heure légale d’une heure par rapport à son fuseau de référence. Ainsi, depuis 60 ans, l’heure légale française est fixée à GMT + 1 heure. En décidant d’adopter un horaire d’été en 1975, la France a donc choisi d’accentuer encore ce décalage… C’est une aberration pour la santé mais c’est salutaire, dit-on, pour l’économie ! En effet en hiver, l’heure française a une heure de « retard » par rapport à l’heure du soleil et, en été, elle en a deux ! Ainsi, l’été, à 14 h, heure « française », il est midi à l’heure du soleil, soit un décalage biologique de 2 heures auquel il faut que les enfants notamment s’adaptent du jour au lendemain. La Russie, la Chine, les pays baltes et le Portugal l’ont abandonné, et Boris Sandler demandait à la France de faire de même.
C’eszt encore pour des motivations d’économie d’énergie que Valéry Giscard d’Estaing a proposé une seconde heure d’avance sur l’heure solaire, suite au choc pétrolier de 1973. Le 29 septembre 1975, le Journal officiel publie un décret fixant l’entrée en vigueur de la loi sur l’heure d’été au 28 avril 1976, à une heure du matin. La décision du président, sur le conseil de l’Agence française pour les… économies d’énergie (AFEE), permet alors de réaliser une économie de quelque 300 000 tonnes de pétrole par an. Mais aussitôt, le pédiatre et professeur Boris Sandler fait état de troubles du sommeil chez les enfants et de dérèglements du rythme biologique, sans véritablement faire le poids par rapport aux arguments financiers relatifs à la balance commerciale ! Selon un rapport d’information du Sénat, le monde médical voit dans ces changements horaires « une source supplémentaire de fatigue au moment naturel du printemps » réputé déjà fatigant. Cette « chrono-rupture » perturberait le rythme biologique et occasionnerait aussi des « troubles du sommeil, de l’appétit, de la capacité de travail, voire de l’humeur. » Les écoles, les crèches, les hôpitaux, les maisons de retraite seraient particulièrement confrontées à ces problèmes d’adaptation. Mais, bien évidemment, ces effets sont le plus souvent qualifiés de « transitoires » et résorbés dans une période maximale de trois semaines… minimum. Durant cette période il faut s’adapter tant bien que mal.
Les rythmes scolaires ? Un épiphénomène qui a mobilisé les égoïsmes collectifs ou individuels mais qui ne masque absolument pas le problème de fond : quand est-ce que l’on considérera que la nature reprend toujours ses droits !
En savoir plus sur Roue Libre - Le blog de Jean-Marie Darmian
Subscribe to get the latest posts sent to your email.
« »En 1945, le gouvernement français a encore choisi d’avancer l’heure légale d’une heure par rapport à son fuseau de référence. Ainsi, depuis 60 ans, l’heure légale française est fixée à GMT + 1″ »
Tu voudras bien m’excuser Jean Marie d’apporter une petite précision à cette déclaration.
C’est en 1940, à mesure de leur avance sur le teritoire français, que les allemands ont imposé leur heure, dite « heure allemande » (GMT+2 en mai et juin 1940).
Un écrivain, Jean Louis Bory, eut le prix Goncourt 1945 pour son roman : « Mon village à l’heure allemande ».
Cette décision fut étendue à toute la zone ocupée dès 1940 puis à la zone non occupée ( dite zone « nono ») à partir du 2 novembre 1942.
A la libération, l’ensemble des territoires libérés est resté à « l’heure allemande d’hiver » : GMT+1.
Je pense que la date de 1945 est celle de la légalisation d’un état de fait.
Je suis bien d’accord avec vous Jean-Marie et je pense sincèrement que la quasi totalité des français
le sont également! Ce qui est ridiculement comique c’est que cette adhésion quasi universelle à abandonner cette mesure stupide ne connaîtra jamais une décision concrète à la stopper nette !
Comment voulez-vous réformer un pays qui n’est même capable de cesser cette ineptie des changements horaires alors que tout le monde trouverait cela logique!?
« Le bon sens à de l’avenir », continuons donc, encore et toujours à chercher midi à quatorze heures…. et moi je continuerai donc à raler encore et toujours à chacun de ces changements « à la con » !