Le grand écart entre les valeurs et les nécessités !

Plus les mois passent et plus je suis convaincu que nous ne devons plus nous préparer à une crise durable mais bel et bien à un changement de société, ce qui sera bien plus difficile, voire impossible, à mettre en œuvre. Tous les textes votés au parlement, toutes les éventuelles ordonnances, tous les décrets tomberont à l’eau si on n’a pas le courage d’affirmer qu’il faut réinventer une nouvelle donne planétaire et dans un premier temps française, car il est inimaginable de compter sur l’Europe des marchands pour y contribuer. Depuis des années revient, par exemple, en boucle, la notion fourre-tout de « développement durable » sans qu’à aucun moment on en mesure vraiment les conséquences sur des pays ayant basé toute leur stratégie de relance sur la sur-consommation. Lentement émergent de lourdes contradictions, et il suffit de scruter l’actualité d’une seule journée pour mesurer la vanité de certaines valeurs louables mais qui se heurtent au mur de la réalité.
Par exemple, rares sont celles et ceux qui nient un impact mortifère de l’usage du tabac. Par tous les moyens on tente de persuader les jeunes et les moins jeunes de cesser de fumer… et on augmente sans cesse le prix des cigarettes avec soit-disant la volonté de réduire la consommation, on interdit la publicité, on renforce les contrôles… Enfin, que de bons principes, sauf que dans le même temps on doit affronter la colère des débitants de tabac mécontents de voir leurs revenus baisser, et le Ministre du budget constater que les taxes lucratives d’antan diminuent. Dans le fond, jusque-là le malheur des uns faisait le bonheur de beaucoup ! « Certains politiques font tout pour nous faire disparaître, comme si la disparition des buralistes allait faire disparaître le tabagisme… Folle idée ! » s’est exclamé le président de la Confédération des buralistes. Les ventes de cigarettes en France ont baissé de 4,9 % en volume en 2012, avec 51,45 milliards de cigarettes vendues. Présent au début du rassemblement, l’ancien ministre du budget, « l’enfumeur » Eric Woerth, qui a pourtant validé plusieurs hausses de prix du tabac, a dénoncé « une hypocrisie d’État » dans ce domaine ! On est en plein paradoxe entre la défense collective de la santé et celle de l’économie. Ce n’est pas la crise qui est en cause, mais l’un des fondements de la société que nous n’arriverons jamais à résoudre sans affirmation courageuse de priorités.
Économiser l’eau, devient un acte majeur de la citoyenneté… Résultat tangible dans une petite ville comme Créon, on en arrive à des résultats très satisfaisants malgré une hausse sensible de la population. Or les moyens de la collectivité (redevance) sont liés à sa capacité d’autofinancement (excédent entre dépenses et recettes de fonctionnement) destiné à mettre en conformité à des normes nationales ou européennes le réseau au sens large. Or, moins les gens consomment et plus les recettes sont amoindries, rendant impossibles les travaux pourtant imposés par les textes réglementaires ! A l’arrivée, il faut bien reconnaître que la politique d’économie fortement médiatisée va conduire à terme à…une augmentation du prix du m3. En plus, la TVA perçue par l’État est diminuée et les ressources des agences de bassin baissent : c’est un constat puisque l’on a adossé les politiques publiques non pas à l’impôt juste et équitable mais à la taxation des volumes ! Cherchez l’erreur… et qui va changer cette donne ?
Idem pour l’électricité ! On a accordé durant des décennies des primes au chauffage électrique, car les rentrées financières ultérieures (là encore taxe au volume) permettraient d’estomper en peu de temps ce qui n’était qu’une incitation à consommer. Le « tout électrique » a conduit à des rentes pour les collectivités territoriales, quand maintenant elles investissent pour diminuer leurs factures et financent des études pour que les particuliers les imitent. Résultat, le fournisseur parle d’un coût du Kwh inférieur de 30 % au reste de l’Europe et cherche par tous les moyens à garder les mêmes recettes, malgré la baisse réelle de la consommation ! Que dire des carburants ? On sait que les pétroliers n’aiment guère les alternatives à l’utilisation de leurs produits. Il est impératif de comprendre que les régions et les départements financent leurs dépenses grâce à une taxe sur les volumes délivrés à la pompe. Donc, là encore, il faudrait admettre un jour où l’autre l’absurdité de ce système pervers qui conduit à recommander des comportements publiquement démentis ensuite par les nécessités du financement de la vie collective !
Triez vos déchets, c’est présenté comme une citoyenneté exemplaire, mais le constat suit : les frais de collecte sélective augmentent et se répercutent sur les factures, au grand dam des consommateurs qui n’ont pas encore compris que le vrai geste c’est de ne pas faire de déchets et pas de trier des emballages surdimensionnés, inutiles…dont le fabricant n’assume pas sa responsabilité de producteur. Si on ajoute que toutes les taxes sont, là aussi, ensuite collectées au volume, au poids, lors de l’élimination, on a une idée des raisons pour lesquelles les factures s’envolent.
Résumons : tous les paramètres actuels sont faussés ou à revoir, mais le chantier est tellement gigantesque que l’on va préférer parler par petites touches du superflu, sans jamais se plonger dans l’essentiel. Allez, et si le changement était surtout à préparer pour demain ! Acte 1 : redonner un sens au politique, quel qu’en soit le risque !

Ce champ est nécessaire.

En savoir plus sur Roue Libre - Le blog de Jean-Marie Darmian

Subscribe to get the latest posts sent to your email.

Cet article a 7 commentaires

  1. david

    L’interdiction de l’obsolescence programmée comme seule préconisait Mme Joly candidate des Verts à la dernière élection présidentielle ce serait un grand pas pour une gestion plus intelligente de l’énergie et des biens. Mais c’est une insulte pour tout le reste de la gauche et encore plus pour l’archaïque droite.
    De même que consommer des fruits et légumes bio et locaux, c’est encore une gifle pour nos ringards élus. Avoir des micro-centres de production d’énergie propres, la sobriété énergétique….c’est la remise en cause de notre fuite en avant de la pitoyable recherche de la croissance infinie dans un monde qui lui n’est pas illimité. L’homme doit se plier à l’économie quitte à devenir esclave de ce mécanisme pervers : Jospin avant de prendre son humiliation électorale de 2002 parlait « du devoir citoyen de consommer ». Non tant qu’on aura ce modèle de croissance pour récupérer du fric, tant qu’on se pliera à cette minable mondialisation destructrice et polluante, on continuera à bouffer nos ressources, piller notre planète, réaliser l’écocide de milliers d’espèces de la faune et de la flore parce que nous sommes prisonniers de ces conventions économiques toxiques et génératrices de pauvreté.

  2. Christian Coulais

    N’y aurait-il pas un poste de Conseiller spécial du Président à pourvoir à l’Elysée ?

  3. Bonjour,
    c’est bien la question, comment sortir du cadre ?
    Changer de paradigme*, le grand défi du XXI éme siècle!

    *Un paradigme est une représentation du monde, une manière de voir les choses, un modèle cohérent de vision du monde qui repose sur une base définie (matrice disciplinaire, modèle théorique ou courant de pensée). C’est une forme de rail de la pensée dont les lois ne doivent pas être confondues avec celles d’un autre paradigme et qui, le cas échéant, peuvent aussi faire obstacle à l’introduction de nouvelles solutions mieux adaptées.

    Bonne journée

  4. J.J.

    Et l’on doit également appliquer ce constat à la fabrication des armements en tout genre.
    Comment s’en sortirait l’industrie et ses innombrables emplois si, miracle, la paix universelle venait à régner ?

  5. Pour faire la « jonction » entre ce billet et celui concernant les pesticides cette petite vidéo de l’INA.4 minutes avec André CICOLLELA, toxicologue, porte parole du réseau Santé Environnement, au sujet de la dangerosité des produits chimiques présents dans notre environnement et dans alimentation. Il réfute le paradigme de Paracelse qui avance que « c’est la dose qui fait le poison » et suggère que c’est plutôt la période qui fait le poison, notamment pendant la gestation, que les effets peuvent être plus forts à faible dose qu’à forte dose et que la coexposition à de multiples substances en amplifie l’impact sur la santé. il fait aussi le lien avec l’invasion des plastiques et leur toxicité.
    http://www.ina.fr/video/CPD11000449
    je suis de plus en plus convaincu que nos modes de réflexion/gestion, dont nous héritons, ne sont plus adaptés au monde actuel. La vraie révolution est devant nous.

  6. Michel

    Jean-Marie, si ce n’est déjà fait, lis l’excellent livre de Rocard et Larrouturou (« la gauche n’a plus le droit à l’erreur »)… tu vas redevenir rocardien…

  7. David

    Ouais y’en a marre des paradigmes fiscaux !

Laisser un commentaire