Encore une fois la curée médiatique qui va s’abattre sur Jérôme Cahuzac, comme elle était tombée sur Pierre Beregovoy, pose un problème fondamental de la vie publique : la confusion permanente entre la personne et la fonction. Loin de moi l’idée que l’on doit nécessairement excuser les erreurs commises par un individu exerçant une charge de gestion de la vie sociale. Mais enfin, il faudra bien un jour que l’on en arrive à distinguer ce qui relève de la sphère privée et ce qui tient de la responsabilité publique. Les médias vont en effet chercher dans le premier domaine ce qui permet d’occulter la qualité de l’exercice d’une fonction…
En l’occurrence, la justice a pris en main un dossier lié à une éventuelle fraude fiscale qui, si Jérôme Cahuzac n’avait pas été « élu » et « Ministre » serait passée inaperçue, ou n’aurait pas donné lieu à un tel battage médiatique. Combien de patrons filent quotidiennement avec la caisse de l’entreprise ou s’arrangent pour devenir insolvables quand ils ont été l’objet de poursuites, sans que l’on en fasse des centaines de pages ou des heures de télé. Les femmes et les hommes qui acceptent de participer au pouvoir devraient, si l’on en croit les pratiques actuelles, être suspectés avant d’entrer dans leur rôle.
Une enquête serrée est-elle nécessaire pour vérifier leurs tendances sexuelles, leur goût pour les montres, leur propension à jouer, l’origine de leur fortune éventuelle ou les actes notariés fixant les modalités d’un achat ou d’un prêt ? C’est probablement la solution, comme on le fait dans certains ordres religieux… Dans le fond, quand on voit que certains élus au faite de leur gloire sondagière ont été condamnés effectivement à des peines de prison, et qu’ils sont régulièrement réélus triomphalement, on peut s’interroger sur l’acharnement médiatique à l’égard des uns et pas des autres. L’exemplarité attendue du monde politique est véritablement à géométrie variable.
Prenons un exemple récent. Lors de la législative partielle de dimanche dernier dans l’Oise, un candidat a été condamné à 18 mois de prison avec sursis pour avoir utilisé des fonds publics dont il avait la responsabilité, pour ses besoins personnels. C’est avéré! C’est jugé et la condamnation est définitive. Tous les commentaires lundi matin s’attachaient à présenter son résultat comme une large marque de confiance de la population à son égard.
Aucun éditorialiste n’a souligné cette incongruité, alors que tous vont disséquer à l’envi la décision de Cahuzac de se retirer du gouvernement pour être seulement suspecté d’avoir, à titre privé, tenté de contourner, avant qu’il ne soit élu national référent en matière de finances publiques, le code des impôts. Bien évidemment, aucun journaliste n’a jamais fait ou n’a jamais été tenté de faire pareille entourloupe au fisc ! Et ce constat n’excuse en rien (et je le condamne) les faits, s’ils sont prouvés !
Il y a une grande différence entre cette situation « personnelle » et celle qui consisterait à utiliser sa fonction de Ministre du budget pour réaliser des opérations frauduleuses ou financer des campagnes électorales. D’ailleurs, dans un cas c’est un tribunal « ordinaire » qui jugerait le fautif, alors que dans l’autre cas, il faudra que ce soit la cour de justice de la République qui se prononce. C’est Jérôme Cahuzac qui aurait fauté, mais nullement le Ministre du budget… sauf à prouver qu’il aurait utilisé cette fonction pour occulter ses éventuelles erreurs.
On est loin, très loin de l’affaire de Karachi et de ses conséquences. On est à mille lieues des dons spontanés mais indolores car inconscients du couple Bettencourt ou d’autres dossiers, car dans ces cas là, les « fonctions » ont été utilisées au profit des personnes.
Boulin, si l’on en croit le film récent, n’avait en rien confondu sa fonction et sa situation personnelle. Et pourtant ! Bérégovoy n’avait par exemple tiré aucun avantage en signant un prêt d’honneur avec un ami… et pourtant, on connaît la suite ! En fait, dans la politique quand on y entre et que l’on monte quelques marches, on court le risque de tomber à chaque instant pour une erreur passée. Il faut le savoir et s’y attendre, et sa vie personnelle constitue un danger constant mettant même parfois en péril sa famille. Le grand jeu aux USA ou en Grande Bretagne consiste à aller justement chercher les hiatus les plus scandaleux possibles entre la réalité de la vie privée et les valeurs portées publiquement.
Tous les services secrets du monde passent en permanence leur temps à scruter l’une pour avoir, le moment venu, un levier médiatique sur chaque femme ou homme de pouvoir. Il arrive (mais comment pourrait-on le croire!) que l’on monte de toutes pièces des traquenards, avec la complicité de proches, afin justement de disposer d’éléments concrets (un récent reportage le démontrait en Russie avec les opposants à Poutine!).
L’exigence éthique des médias à l’égard de l’exercice des fonctions est légitime et salutaire. En revanche, l’acharnement sur les actes de la vie privée, même moralement condamnables, commencent à poser problème, car à un moment où un autre, on peut s’interroger sur les motivations qui les sous-tendent… Mais il est vrai que le Peuple de l’Oise a apporté le réponse en restant à la maison, ou en portant au pinacle celui qui appartient au camp des défenseurs de la morale en politique !
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Tous pourris? Bien sûr que non!!
Il reste dommage que parmi les ceusses qui sont choisis – quelles que soient les raisons de ces choix – pour conduire (officiellement…) les affaires du Pays (!! :-D), il y en ait qui, apparemment, manque suffisamment d' »intégrité » pour laisser croire qu’ils sont là pour… pour quoi, au fait?? Et procède par-là même à la « décrédibilisation » des « Politiques »…
Oui, un grand renouveau avec des individus qui n’appréhendent pas ces charges comme un « honneur » ou une « consécration »; faut bien rêver un peu!
Balkany réélu maire, Tibéri aussi réélu maire d’un arrondissement de Paris, Juppé a été condamné à un an d’éligibilité et puis il est revenu aux affaires donc que ce soit le peuple ou la classe politique, il y a toujours une place pour ces margoulins en politique. L’électorat n’est pas plus estimable que certains de ses élus. Donc Cahuzac s’il est innocent il pourra être réintégré à de hautes fonctions et s’il est reconnu coupable eh bien il pourra revenir en politique après sa peine. La gauche c’est pour le boulot, mais en privé on a les réflexes à la Depardieu. Le PS, parti converti au libéralisme, lui pardonnera vu que lui aussi concède mais sans le dire que son idéal d’un peu plus de justice ça doit se limiter à quelques mesures bien médiatisées.
Balkany, Tibéri et consorts, sont des gens de droite.
Qu’ils se livrent à ce que l’on pourrait appeler des fripouilleries est sans conséquence, ce ne sont pas des fripouilleries, ils ont le sens des affaires.
Au contraire, c’est la leur habileté, preuve que ce sont de bons dirigeants qui savent tirer profit des situations, au contraire de gens un peu plus à gauche (du moins le prétendent-ils ) qui ne voient pas plus loin que le bout de leur nez….
Cette fois-ci, Jean-Marie, je ne vous suis pas, et je vais m’en expliquer.
Si cette affaire s’avérait réelle, et si les faits reprochés à Mr Cahuzac le démontraient comme coupable alors aucun argument ne saurait le sauver ! Quand on fait de la politique, quand on se revendique comme un homme de gauche, quand on a en charge le ministère du budget alors on se doit d’être d’une totale probité ! On ne peut pas combattre la fraude et être un fraudeur, on ne peut pas demander aux français de consentir à des efforts difficiles lorsque soi-même on a œuvré à s’exonérer de ce même effort !
De plus, sur le plan moral, que penser de cet argent qui aurait été perçu par Mr Cahuzac et qui aurait été versé par des laboratoires pharmaceutiques ???
Effectivement, s’il n’avait jamais été aux plus hautes responsabilités alors il n’aurait jamais été attaqué, mais si faute il y a alors je trouverai très juste qu’il y ait condamnation car nul n’est censé ignorer la loi, surtout lorsqu’on la connait sur le bout des doigts….