La viande… une nourriture qui appartient à la culture humaine et qui fait actuellement polémique. Mise à toutes les sauces, bourrée d’ingrédients plus ou moins recommandables, ignorée par des millions d’affamés, elle pose dans notre société des problèmes de… riches ! Quand on écoute ou quand on lit les multiples approximations d’étiquetage, on demeure, encore une fois, dépité par les pratiques de grandes multinationales de l’agroalimentaire. Depuis des décennies, sous la pression de la grande distribution, obnubilée par les marges à réaliser sur les produits de grande consommation, toutes les enseignes contraignent les marques de références à réduire les prix d’achat et donc tous les subterfuges deviennent incontournables. Ce n’est encore une fois que la partie visible de l’iceberg du monde du profit. Dans l’histoire des civilisations les relations avec la « chair » des animaux a toujours été complexe. Surtout quand la religion s’en est emparée.
La privation de nourriture constitue dans la plupart d’entre elles un signe de la qualité du croyant. Musulmans, juifs, bouddhistes et autrefois catholiques considèraient que manger de la viande constitue un signe de faiblesse. Les intégristes de tous bords deviennent d’ailleurs chaque jour plus exigeants avec le respect de l’orthodoxie de croyances surannées. Il est même affligeant de constater que dans un monde de la précarité alimentaire, de la dénutrition et de montée de la pauvreté, on en arrive aux extrêmes, en considérant que l’alimentation est un élément d’accessibilité illusoire à l’éternité.
La privation de viande le vendredi a fait florès dans la religion catholique, mais de temps à autres il se trouve bien quelques familles pour réclamer que l’on en revienne au jour du poisson ayant valu à ma génération d’ingurgiter des masses considérables de brandade de morue ! Les musulmans passent à l’attaque dès que le porc est au menu d’un service de restauration collective et certains s’inquiètent même de savoir si le processus d’abattage a bien été conforme aux principes halal. On peut même envisager que les hindous réclament l’absence totale de produits ou que les juifs exigent que la viande soit kascher… La montée des communautarismes va accentuer ces phénomènes issus de traditions religieuses souvent ressuscitées à la fin du XXème siècle, alors qu’elles avaient été estompées par le progrès philosophique et humaniste des sociétés du XIXème et du XXème siècles.
Par exemple, qui fait encore le lien entre sa participation au Carnaval avec l’entrée dans la période du Carême. Plus personne ne pratique cette abstinence alimentaire que l’on retrouve à l’identique dans le ramadan, mais les défilés costumés rassemblent toujours les foules. Le mot vient de l’italien carnevale ou carnevalo. Il a pour origine carnelevare, un mot latin formé de carne « viande » et levare « enlever ». Il signifie donc littéralement « entrée en carême » ce qui ne concerne absolument pas un seul des participants costumés ou non.
Traditionnellement, dans le christianisme, le carnaval marquait la dernière occasion de célébration des aliments gras et autres, avant le début du Carême. On s’éclatait avant la punition. La période entre le début du Carême et Pâques (autrement dit la durée du Carême), selon le calendrier de l’Église, est de quarante jours. Traditionnellement, pendant le Carême, aucune fête ne doit avoir lieu, et les gens devaient s’abstenir de manger des aliments riches, tels que la viande, les produits laitiers, les graisses et le sucre. C’est oublié depuis belle lurette ! Heureusement et il ne subsiste que les moments travestis et festifs.
La fête est en effet redevenue païenne, et dans toutes les villes connues pour son organisation, elle dérive parfois vers des excès peu conformes à la religion. On est plus près des Saturnales des Romains et les fêtes dionysiaques en Grèce qui sont des précédents historiques du carnaval et qui reviennent sur le devant de la société moderne. Surtout en période de crise, où il faut obligatoirement chasser de son esprit les miasmes d’un échec déprimant.
En se dissimulant derrière un masque (c’est de moins en moins le cas!), on entre dans la peau d’un héros, ou d’un autre, sans prendre de risques. L’exemple même de ce que l’on recherche dans le quotidien où on s’isole, se coupe du monde, se détourne de la réalité avec une facilité désarmante. Quel est celle ou celui qui n’a pas rêvé de franchir les barrières sociales ou d’appartenir à un autre monde l’espace d’un après-midi ou d’une soirée ? Qui n’a pas réalisé dépasser ses limites dans ces rendez-vous populaires ? Les carnavals sont devenus partout des pieds de nez à l’absurdité des règles religieuses. Et d’ailleurs, il est désormais fortement conseillé ce jour-là de consommer sans modération de bonnes lasagnes à la viande de bœuf chevalin, mâtinée de poulet, de dinde, de porc, de zébu, de girafe et bientôt de baleine !
En savoir plus sur Roue Libre - Le blog de Jean-Marie Darmian
Subscribe to get the latest posts sent to your email.
Bonjour,
« Dis-moi ce que tu manges, je te dirai qui tu es… », aphorisme de Jean Anthelme Brillat-Savarin (célèbre écrivain gastronome français du XIXe siècle). En mangeant, l’homme s’intègre dans un espace culturel. Il se forge une identité, manifeste son appartenance à un groupe ou, au contraire, s’en différencie. Ce sont de tels facteurs affectifs et sociaux qui amènent les enfants mexicains, par exemple, à aimer très tôt les piments rouges. Chez les adolescents, consommer du café ou de l’alcool peut également être vu comme un moyen d’entrer dans la communauté des adultes. Inversement, certains aliments ou caractéristiques d’aliments, comme l’odeur du gras, sont rejetés s’ils trahissent une appartenance à un groupe social auquel l’individu ne veut pas être associé. Le repas enfin, et certains mets en particulier, contribuent à renforcer les liens entre les individus. On se réunit autour d’un couscous au Maroc, d’un cassoulet ou d’une choucroute en France. Et pour une mère qui donne à manger à son enfant, cet acte revêt souvent une importance toute particulière.
extrait de: Les interdits alimentaires Chez les juifs, les chrétiens et les musulmans
par Sami A. Aldeeb Abu-Sahlieh *
http://www.cie.ugent.be/aldeeb2.htm
« On trouve des interdits alimentaires religieux chez les chrétiens à travers les siècles. Ainsi à l’époque mérovingienne (8ème siècle) le pape Grégoire VII et son successeur Zacharie 1er jettent l’anathème sur la viande de cheval. Cette position visait en fait à écarter les Germains païens des banquets chevalins impies immolés au culte d’Odin. Toutes les fois qu’un scandinave, même converti, mange de l’équidé, il fait allégeance à son ancienne croyance et donc renie la foi chrétienne. Le sacrifice païen est la vraie raison de l’interdit alimentaire. Pour détruire la mémoire, le clergé fait regarder cette viande comme impure et ceux qui en usent comme immondes. Plus tard, l’évangélisation ancrée, l’effet survit à la cause tombée progressivement dans l’oubli. La viande n’est plus impure, abominable au point de vue religieux, cependant elle reste dans l’esprit des gens, un aliment malsain ou tout au moins hors du commun. Elle ne fut réintroduite qu’à la retraite de Russie où il fallait l’avaler. Et aujourd’hui les boucheries chevalines ferment les unes après les autres à la suite des campagnes de protection des animaux. »
On voit bien à travers cet exemple que l’interdit alimentaire est souvent un simple motif d’exclusion d’une communauté par une autre.
Si on lit attentivement les écrits de cet érudit ( *Docteur en droit, diplômé en sciences politiques. Responsable du droit arabe et musulman à l’Institut suisse de droit comparé, Lausanne. ), confectionner un repas de restaurant scolaire pour des élèves de ces trois » grandes » religions est un formidable casse-tête.
Le chemin des fils d’Abraham** n’est pas prêt de converger vers la table commune de la réconciliation autour d’un même repas.
** Il est l’un des principaux patriarches du judaïsme et du christianisme. Il est présenté comme l’ancêtre des peuples hébreu et arabes.
Bon dimanche pour les chrétiens et bon repos pour ceux qui ne travaillent pas aujourd’hui.