L'Italie entraine l'Europe dans les sables mouvants du populisme

Il y a des soirs où le moral flanche car on doute de son engagement et des valeurs qui le portent. Les résultats des élections en Italie contribuent grandement à cette mise à mal des principes défendus par l’engagement politique. On en est arrivé nécessairement au bout du chemin conduisant vers le précipice dans lequel vont tomber lentement les démocraties européennes du Sud. Il existe un tel discrédit, en cette période de doute et de crise, vis à vis des responsables « politiciens » de tous poils, que l’Italie s’est précipitée avant les autres dans les bras du populisme. Et il est inutile de se voiler la France, si Coluche était encore de ce monde pourri, il aurait devant lui un avenir de Président de la République. Le système électoral italien, reposant sur la proportionnelle, fabrique d’impossibles majorités et donc des catastrophes démocratiques. Le résultat transalpin annonce des lendemains qui déchantent ailleurs, dès que se lèvera quelque part un « Beppe Grillo » qui émergera médiatiquement. Une notoriété procurée par un humour acerbe sur des leaders incapables de lui répondre, une haine légitime de Berlusconi, une volonté affirmée d’originalité, un zeste d’originalité feinte, une poignée d’humour décapant, et plus encore, une simplicité des propos, suffisent désormais à détruire la fiabilité des « pros » de la politique ! En fait, le « bouffon » intelligent lamine le « prince » qui l’a créé par ses erreurs répétées et son incapacité à proposer des solutions crédibles. En Italie, on enterre la « politique » et on entre dans une période de réinvention totale de la vie sociale. Cette « révolution » est davantage basée sur une aversion du système partisan que sur une adhésion à une philosophie particulière !
Grande gueule, peu fiable, simpliste, théâtral, Beppe Grillo a servi d’exutoire à une classe politique incapable de séduire. En ajoutant les suffrages obtenus par le milliardaire obsédé et ceux du comédien jouant le plus beau rôle de sa vie, on a un état réel du niveau de réflexion citoyenne du pays de Verdi ! Le premier a en effet obtenu 22% des voix, malgré ses frasques, ses escroqueries, ses exagérations et son incapacité avérée à gérer, alors que le second a récolté 25,5% des votes à la Chambre et 23,8% au Sénat. La percée de Grillo, aux relents très populistes, – comparé parfois à Coluche, alors que son humour était plus proche de celui d’un comique troupier, a tout lieu de servir d’avertissement aux « classes » dirigeantes des partis politiques. Quand à Nicolas Sarkozy, il a tout à espérer de ces résultats.
La situation italienne actuelle rappelle étrangement celle de 1994, lorsque Silvio Berlusconi avait émergé grâce au discrédit des élites politiques. Alors que le pays a frôlé la faillite fin 2011, des « affaires » de tous ordres sont révélées presque tous les jours, et elles éclaboussent même le sanctuaire idéologique du Vatican ! À Rome, il y a un climat général de décadence et de corruption. L’opinion publique est plongée dans un climat de dépression en raison de la conjoncture économique, faite de récession, d’augmentation d’impôts, de réduction des dépenses, publiques. Elle s’est réfugiée dans un vote sanction et dans une volonté de témoigner de son espoir en une autre forme de comportement, sans trop se soucier du fond ! Quant à Silvio Berlusconi, parti sous les quolibets de toute l’Europe en novembre 2011, poursuivi par des procès à répétition dont un pour prostitution de mineure (excusez du peu!), il a opéré une remontée spectaculaire en promettant d’abaisser les impôts (vaste connerie impossible à mettre en œuvre mais populiste) et même de rembourser une taxe foncière impopulaire, rétablie par Monti. Il a été encore plus démagogique qu’il ne l’avait été lors de son arrivée au pouvoir, mais personne ne l’avait en mémoire. L’ex-Président de la République française doit rire sous cape en faisant tourner en boucle le propos de François Hollande, délivré à un jeune électeur potentiel, sur le retour de son rival… Berlusconi a tout cumulé, a tout raté, mais il triomphe uniquement en clamant qu’il ne faut pas payer d’impôts !
Ces élections italiennes sont un signal très fort pour toute l’Europe. Rendu ingouvernable, le pays ne fera qu’illustrer l’incrédulité populaire à l’égard du « politique organisé » dans un contexte de désespérance, de révolte muette, d’incompréhension des propos erratiques ! Le populisme, qu’il soit de gauche ou de droite, a toujours conduit à la mort des démocraties par asphyxie de la raison. En fait, ce sont les européens démocrates et sincères de tous bords qui viennent de perdre en Italie toute leur crédibilité. L’Europe va désormais avancer à tâtons !

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Cet article a 5 commentaires

  1. Marae

    Je ne comprends pas les « reproches » faits aux Italiens: ils sont, aujourd’hui, là où les ont conduit les « politiques organisés »; et les « pros » de la politique récoltent ce qu’ils ont semé!
    Je ne pense pas qu’un étiquetage « politique », quel qu’il soit, reste un gage de compétence, ou la marque d’une volonté de « servir » (sauf soi-même? :-D): où sont les « projets » politiques portés par ces « pros »?
    À un moment, n’en déplaise à d’aucuns, on a envie de dire « Allez, laissez-nous faire! »; même si cela est… populiste!
    Cordialement

  2. Annie PIETRI

    Cela ne rappelle-t-il pas ce que l’on a appelé, depuis Caton, la décadence de l’Empire Romain ? Ce n’est pas la décadence de l’empire romain, mais la décadence de l’Europe, et nous y allons tout droit!!!!

  3. J.J.

    Le peuple italien vient d’élire, et de réélire deux bouffons.
    Le peuple français a déjà commis le même impair, jadis, et il y a peu.
    Nous nous en étions débarrassés.
    Mais c’est vrai que l’avenir n’est pas rassurant.

  4. facon jean françois

    Bonjour,
    En attendant, l’Italie reste avec sa montagne de dettes de 2.000 milliards d’euros détenue par le système bancaire européen une sorte de bombe à retardement au sein de la zone euro. Ce carcan étrangleur qui attache les italiens au poteau de la dette contraindra les coalitions à persister dans l’austérité. La succession des bouffons et des corrompus à la tête de l’état Italien a écœuré les électeurs. Les années 90 avec les enquêtes qui mirent au jour un système de corruption et de financement illicite des partis politiques surnommé Tangentopoli (de tangente, « pot-de-vin » et de poli, « ville » en grec). Des ministres, des députés, des sénateurs, des entrepreneurs et même des ex-présidents du conseil furent impliqués. En 1998, Cesare Previti, ancien dirigeant de la Fininvest, évita la prison grâce à son immunité parlementaire. Bettino Craxi, (premier secrétaire du Psi et Président du Conseil de 1983 à 1987) condamné définitivement, s’enfuit en Tunisie où il demeura « en exil » jusqu’à sa mort le 19 janvier 2000.Depuis, du fait de la lenteur de la justice, les cas de prescription se sont multipliés : ainsi, en 2000, sur 2 565 inculpés à Milan, quatre seulement ont été placés en détention suite à des condamnations définitives. Après tous ces scandales qui ruineront l’avenir du PSI et de la Démocratie Chrétienne, vient l’ère Silvio Berlusconi. Fondateur et dirigeant de la holding financière Fininvest, puis du groupe de communication Mediaset, Silvio Berlusconi est, en 2012, selon le magazine Forbes, le sixième homme le plus riche d’Italie et le 169e plus riche au monde, avec des actifs estimés à 5,9 milliards de dollars américains. Sa carrière politique ( 3 mandats de président du conseil) est constellée de scandales. Au total, il Cavaliere a été poursuivi dans une vingtaine d’affaires judiciaires pour corruption, fraude fiscale, faux en bilan ou encore financement illicite de parti politique. Il a plusieurs fois été condamné en première instance, mais a toujours été relaxé en appel ou a bénéficié de prescriptions. Chassé du pouvoir par Mario Monti le technicien de l’économie et ancien « International Advisor » pour Goldman Sachs.

    Le Point résume l’action de Mario Monti en ces termes : « Il a dû, entre autres, imposer une cure d’austérité drastique à ses concitoyens, affronter la colère des syndicats lors de sa réforme du marché du travail, tout en gérant une majorité hétéroclite au Parlement et de délicates négociations au niveau européen. Malgré ces embûches, cet Européen convaincu est parvenu à retisser fil à fil la crédibilité internationale de la péninsule, fortement mise à mal sous le règne de Berlusconi. »
    Malgré les mesures rigoureuses prises par le gouvernement Monti, qui envisageaient en prime la réduction et le contrôle de la dette publique, et malgré les efforts des Italiens, la dette publique du pays reste en augmentation : fin 2012 elle correspond à 126 % du PIB, en atteignant le seuil de 2 000 milliards d’euros. Cette augmentation de la dette publique de sept points (elle correspond fin 2011 à 119 % du PIB) vient de la contraction du PIB italien en 2012. Le déficit annuel de l’Italie est resté stable ; la pression fiscale, a elle augmenté de 50,5 % à 55,2 %. Le gouvernement Monti a obtenu des très bons résultats dans la lutte contre l’évasion fiscale. Entre fin 2011 et fin 2012, le chômage en Italie a augmenté de 8,6 % à 11,1 % et l’Italie a atteint le record historique de 2,8 millions de chômeurs. Les dépenses de consommation des Italiens se sont réduites de 3,6 %

    Les 25 et 26 février 2013, les listes soutenues par Mario Monti ont fait l’objet d’un rejet massif du corps électoral, n’obtenant en effet que 10,54% à la chambre des députés et 9,13% au Sénat.

    Ite missa est* semble dire le peuple italien au monde politique et aux « techniciens » de la finance. Qu’ils s’en aillent tous aurait dit la Méluche en Français.

    *Formule latine signifiant en bas latin « Allez, vous pouvez disposer », par laquelle, dans la messe primitive, on congédiait les catéchumènes à la fin de la seule partie de l’office à laquelle ils étaient admis.

    Bonne journée

  5. Alain.e

    Quand les politiques se moquent du peuple,ne répondent pas à leurs préoccupations essentielles, voila le résultat .
    Des exemples,quand votre gamin ne peut pas passer son permis par manque d’ inspecteur en gironde ou avec des délais très longs ,mais qu’ on trouve de l’ argent pour supprimer le jour de carence dans le public, populisme!!!
    Quand une communauté de commune ne sait plus quoi faire de son fric et construit un beau palais des congrès au lieu de prélever moins d’ impôt, populisme !!!
    Quand des conseillers régionaux se votent des augmentations d’ indemnités, alors que pour les autres c ‘est austérité, populisme.
    je me dirige lentement mais surement vers le vote blanc aux prochaines échéances électorales.
    vox populi ,vox déi à rappeler aux embourgeoisés de toutes les castes politiques.

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