Les recettes des masters chefs de la cuisine budgétaire !

Lorsque l’on a la responsabilité de préparer un budget public réputé de par la loi « sincère et véritable », on est vite haï par toutes celles et ceux qui, d’une manière ou d’une autre, estiment être mal servis. La France est le pays du « droit aux soutiens publics », par une étrange perversion de l’utilisation des deniers publics. En effet, au fil des années fastes, tous les documents budgétaires étaient préparés sur un principe clair : répondre au maximum de demandes, évaluer les dépenses pour ensuite ajuster les recettes. Désormais, cette période est derrière les collectivités locales et même derrière l’État. Ils doivent d’abord évaluer le plus finement possible leurs recettes et définir les dépenses possibles, avec en permanence le sentiment de mécontenter bien des gens ! Le « toujours plus », cher à François de Closets, a vécu ses heures glorieuses pour être remplacé par le « toujours moins ! » qui perdurera pour encore très longtemps. La tentation est alors très grande, quand on ne veut pas réduire ses dépenses, de majorer artificiellement ses recettes afin de faire semblant de répondre aux demandes parvenues de toutes parts. Le gouvernement Ayrault doit assumer cette modification de la culture budgétaire, et comme les critiques pleuvent, il a bien du mal à se plier à cette contrainte que la majorité de ses membres n’ont pas connues dans la gestion de leurs collectivités locales !
La cour des comptes vient d’ailleurs de le lui rappeler. Il est indispensable, pour les censeurs de cette institution impitoyable, de partir sur des prévisions réalistes et minimisées pour espérer réussir à tenir un budget ! Le gouvernement et le Parlement ont surestimé les recettes dans le budget (État et Sécu) pour 2013, et donc ils courent vers le trou en fin d’année. Tous leurs efforts réels pour diminuer les dépenses seront réduits à néant. La Cour des comptes est convaincue que le gouvernement doit d’urgence corriger le tir. Mais elle ne dit pas comment parvenir à ce que la ceinture soit encore serrée d’un ou deux crans supplémentaires.
La Cour décrypte dans ce rapport les trois astuces utilisées pour gonfler les recettes et ainsi, limiter, sur le papier, le déficit budgétaire à 3% du PIB, comme promis à nos partenaires européens. Le premier est bien connu. Le gouvernement a surestimé la croissance en 2013. Il table sur 0,8%, alors que les organismes internationaux et la plupart des économistes ont des prévisions nettement plus basses. Si la croissance n’est que de 0,3% au lieu de 0,8%, le déficit sera de 0,25 point de PIB supplémentaire, c’est-à-dire de 3,25% et non de 3, calcule la Cour. Déjà une défaillance dans les prévisions, dont les effets indésirables seront effectifs dès le mois de septembre !
Le deuxième « truc » est plus technique. Bercy a considéré que lorsque la croissance progressait de 0,8% et l’inflation de 1,8%, les rentrées fiscales et les recettes de la Sécu augmentaient d’autant, soit de 2,6%. Or elles n’en prennent pas le chemin. D’abord, la masse salariale progresse moins vite que le PIB, surtout dans un contexte où l’emploi reste déprimé. Ensuite, les rentrées d’argent devraient être moins fortes que prévu dans les caisses des collectivités locales, le Conseil constitutionnel ayant retoqué l’abattement exceptionnel sur les plus-values immobilières qui devait relancer le marché des transactions et donc les droits de mutation. Les dégâts seront considérables sur les conseils généraux s’ils ont été généreux dans leurs estimations (Déjà 2 millions de moins en janvier en Gironde!). Enfin, Bercy tablait sur un rebond de l’impôt sur les sociétés, or les résultats ne s’améliorent pas assez pour le laisser envisager. On va donc vers 0,2 point du PIB qui s’évaporent !
La troisième astuce pour déterminer des recettes fiscales confortables vient de décisions qui paraissent profitables et dont le rendement a été surestimé. La loi de finances pour 2013 répertorie 85 mesures nouvelles qui doivent rapporter chacune plus de 100 millions d’euros. Mais plusieurs de ces mesures nouvelles modifient des dispositifs adoptés ou modifiés récemment dont on a encore du mal à apprécier la productivité. Les décisions sur les niches fiscales entraînent des changements de comportement des contribuables (placement sur des livrets rapportant moins mais non imposables) et donc un autre trou dans les recettes… alors que les dépenses ont été prévues !
Le gouvernement peut commencer sans attendre à faire des économies pour combler le trou qui s’annonce… Mais que les citoyens se rassurent, car la Cour des Comptes affirme que l’État peut faire des économies sans que la qualité des services rendus aux citoyens diminue. Encore faut-il livrer le secret aux gouvernants : comment le faire admettre à celles et ceux qui en réclament toujours plus… pour devenir efficaces. Tenez, allez en parler dans les conseils d’administration des établissements scolaires !

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Cet article a 2 commentaires

  1. Bernard Gilleron

    Comme quoi Jean-Marie,
    L’austérité est la pire des politiques: elle provoque le malheur de citoyens, les mécontente au sujet de leurs élus, et en plus, les experts du FMI ont admis qu’ils se sont trompés dans leurs calculs.
    Même si ça mécontente Tatie Angela et ses complices de l’UE, il faut mettre dehors ces banquiers de malheur qui, comme dit Lordon, ont mis la main sur les moyens de paiement et nous prennent en otage grâce à ça, nous ruinent en intérêts alors que la BCE leur prête à des taux parfois négatifs, jamais supérieurs à 1%, et réduire les rémunérations des actionnaires, même s’ils se plaignent-ils d’être des « pigeons ».
    Tant qu’on se refusera à faire de la peine aux riches(très riches souvent), on se maintiendra volontairement la tête sous l’eau,

  2. J.J.

    Dans la même veine, hier soir ARTE diffusait sur son Thema, un film au sujet des lobbyistes de Bruxelles.
    Il y avait ensuite « Dans l’antichambre du pouvoir », puis « Water makes money », que je n’ai pas encore vu, mais que j’ai enregistré.

    Si les deux suivants sont aussi « gratinés » que le premier, ça promet d’être intéressant ou affligeant…

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