Les députés font avancer la réforme territoriale

Le sénat n’a plus de majorité pour réformer car il est, de fait, paralysé par la conjonction d’intérêts totalement contradictoires qui fabriquent des majorités hétéroclites permettant simplement de repousser les textes gouvernementaux. Cette situation, contraire à tout intérêt démocratique réel, conduit l’assemblée représentative des collectivités territoriales à les desservir dans un débat capital sur la modification des compétences et des modes d’élection. On en arrive au paradoxe que ces modifications sur le cumul des mandats, sur l’équilibre territorial, sur l’agencement des futurs scrutins échoient aux… Députés ! C’est ainsi qu’après avoir été repoussé au palais du Luxembourg, le texte de Marylise Lebranchu se retrouve avec plus de chances de succès devant la commission des lois du Palais Bourbon.
C’est ainsi qu’alors que les Présidents de conseils généraux sont nombreux au Sénat, c’est à l’Assemblée nationale que l’on devra que la réduction du nombre de cantons inscrite dans le projet de réforme du mode de scrutin départemental soit moins forte que prévu. La prévision gouvernementale sera atténuée si l’Assemblée nationale vote une modification adoptée justement par sa commission des lois. Le texte sera discuté en séance publique à partir du 18 février et à de fortes chances de passer… On va vers seulement 33 cantons en Gironde avec peut-être une amélioration des conditions pour le monde rural! Rejeté par le Sénat le mois dernier, le projet de réforme, qui a été adopté par la commission, prévoit principalement l’élection dans chaque canton d’un homme et d’une femme, entraînant un redécoupage et une baisse drastique du nombre de cantons, afin de conserver grosso modo le même nombre d’élus dans chaque conseil général, rebaptisé « conseil départemental », nouveau nom du Conseil général.
La commission des lois a voté l’introduction d’un nombre impair de cantons dans chaque département, ce qui se traduirait par « un canton supplémentaire dans 48 départements » et « favoriserait l’émergence d’une majorité », en cas d’équilibre des forces dans le conseil départemental, a-t-on précisé de source parlementaire. En outre, les départements de plus de 500.000 habitants devront compter au minimum 15 cantons selon les Députés, ce qui constitue une avancée que le Sénat n’avait même pas envisagée en repoussant le texte ! Au niveau communal, la mesure que demandait le PS a été adoptée, afin de favoriser la démocratie locale. La commission des lois de l’assemblée nationale a donc décidé d’abaisser à 500 habitants (contre 3.500 actuellement et 1.000 dans le projet gouvernemental) le seuil au-delà duquel les conseillers municipaux, et les conseillers communautaires, sont élus au scrutin proportionnel de liste… ce qui permettra tout de même qu’une majorité existe avec, en plus, la parité au niveau essentiel de la vie locale. Il est certain que cette mesure déplaira profondément aux chantres de l’apolitisme, persuadés que les démons sont toujours parmi ceux qui s’engagent dans la vie militante, qu’elle soit associative ou politique. Réduire le seuil à 500 permettra « à près de la moitié des communes d’être concernées » par le scrutin de liste, selon l’amendement adopté. De même, le scrutin de liste étant paritaire (alternance d’un homme et d’une femme), le seuil de 500 habitants conduira de fait à l’élection de « plus de 103.000 femmes » dans les conseils municipaux, au lieu de 71.000 lors des dernières municipales de 2008. Souhaitons que cette proposition résiste aux pressions diverses et variées qui, de toutes les manières, peuvent s’exercer beaucoup moins à l’Assemblée qu’au Sénat !
Il faut ajouter que l’un des 74 amendements adoptés réduit de deux le nombre de conseillers municipaux des communes de moins de 3.500 habitants. La mesure est réclamée par l’Association des maires de France (AMF) qui, lors du bureau national auquel je participais, y voyait un moyen de « faciliter la constitution et le fonctionnement de l’équipe municipale ». J’ai simplement attiré l’attention de mes collègues sur le fameux tiers de départs (décès, déménagements, démissions) engendrant une élection partielle, et qui peut rapidement faire disparaître dans les communes de moins de 500 habitants les majorités de gestion !
Il reste à régler le problème très délicat de l’intercommunalité, avec le retour sur le devant de la scène de la « métropolisation », et plus encore de la primauté régionale, similaire à celle que proposait l’UMP avec des méthodes plus abruptes, mais tout aussi dommageables à la notion de proximité. Il faudra aussi régler le mode de désignations des conseillers dans ces « outils de gestion » que sont les communautés de communes. L’invention sénatoriale de deux listes sur un même bulletin de vote n’est pas admissible en l’état, et un repérage avec un placement en tête de liste (communes de plus de 500 habitants) est absurde, car il fige deux mandats (adjoints et conseillers communautaires) ce qui est barrant, en période où la lutte contre le cumul est à l’ordre du jour. Il faut donc simplement un repérage (numéros en marge) sur la première moitié de chaque liste. Autant de sujets que les députés régleront en lieu et place d’un Sénat qui devient étrangement muet en matière de réformes. Dommageable pour les prochaines élections dans cette docte assemblée !

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Cet article a 3 commentaires

  1. Raymond VIANDON

    D’accord avec toi sur l’abaissement à 500 hab du seuil pour le scrutin à la proportionnelle aux municipales. En ce qui concerne le redécoupage des Cantons, d’accord pour la diminution de moitié du nombre de Canton mais PAS DU TOUT d’accord pour le binôme hommes/femmes. En faisant cela nous préparons des lendemains difficiles (je ne crois pas à la cohabitation de 2 élus sur le même territoire) et prêtons le flanc à la critique, car cette disposition sera perçue comme un moyen de ne pas diminuer le nombre d’élus alors que c’est cela que les Français attendent et c’est un « forçage » de la parité et, pour moi, ce n’est pas démocratique. La vrai démocratie serait de laisser le choix aux partis de présenter des femmes (ce que le PS a fait ces dernières années et ce qui lui a pas mal réussi) et aux électeurs de les élire. Je préfère (de loin!) une montée en puissance progressive de la parité et non une parité forcée. En ce qui concerne les CC et C d’A je suis convaincu que très vite, compte tenu de l’évolution de leur taille et de leurs compétences, elles vont prendre de plus en plus de place dans la gestion des territoires et leurs Présidents(tes) auront une place plus importante que les conseillers généraux, surtout s’ils sont élus en binômes.

  2. BAQUE Christian

    Bonjour
    Je suis stupéfait que tu soutiennes ces propositions:
    – liquidation des cantons républicains sous prétexte de parité
    – politisation maximale des petites communes avec le nouveau mode de scrutin
    – diminution du nombre de conseillers municipaux
    La machine à broyer la commune républicaine, cellule de base de la démocratie, est en marche. En avant pour l’acte III de destruction de la République.
    Merci la « gauche ».
    Christian Baqué, conseiller municipal.

  3. Raymond VIANDON

    Faire tout cela aujourd’hui c’est avoir le courage de modifier des dispositifs qui auraient dû l’être depuis longtemps. On peut ne rien faire et laisser en l’état: des cantons de 2 000 hab et de + de 50 000 dans le même Département, des Conseils Municipaux élus selon des modes différents etc .. la proportionnelle dans les petites communes est, pour moi, un gage de démocratie locale (et pas de politisation). Par ailleurs, je n’aurais pas été choqué que l’on abaisse le nombre de Conseillers Municipaux sur l’ensemble des Communes afin d’avoir des structures d’élus mieux structurées et plus solidaires.
    Les vrais réformes, c’est maintement qu’il faut les faire et il ne faut pas avoir peur de bousculer les choses établies. La démocratie locale en sera renforcée car elle sera plus crédible.

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