Le progrès des consciences révolte toujours les croyants

La France qui ne doute pas était partiellement dans la rue, et elle a réussi à se mobiliser autour de ce qui fait sa force : la croyance ! En effet, c’est une force extraordinaire de croire alors que c’est un défaut extraordinaire de raisonner, dans une société tournée, comme l’avait prédit Malraux, vers la religion. En exploitant les peurs multiples qui traversent nécessairement les peuples en crise, on arrive toujours à mobiliser contre toute avancée sociale. Il y a toujours à la base de tout rassemblement non pas une conquête mais une réaction !
Durant des décennies, on a agité la terreur du Bolchevique et elle a marché de manière efficace ! En mai 68, ce fut l’angoisse de la chienlit provoquée par un bouleversement fondamental des repères et le retour en arrière. Lorsque le meilleur Ministre de l’Éducation nationale du dernier demi-siècle, Alain Savary, décida d’unifier un système scolaire ségrégatif, on agita la terreur de la perte de la « liberté » reposant sur le fric. Les parents de celles et ceux qui ont arpenté les rues parisiennes ont parfois défilé pour condamner les lois sur le vote des femmes, la pilule, l’IVG et toute autre avancée dans l’égalité, la liberté ou la fraternité. Chaque fois, des manifestations impressionnantes, avec des défilés réputés historiques, ont inversé le chemin du progrès politique, philosophique ou social. C’est un principe français avec, à la clé, une faiblesse criarde de ceux qui n’osent pas affirmer, pour des raisons électoralistes leur soutien à des mesures qui ne leur paraissent plus essentielles. Dans tous les cas, la reculade est significative, au prétexte qu’il n’y a pas unanimité sur le sujet traité.
Un Président de la République propose des réformes claires qui s’inscrivent dans l’histoire d’une République tolérante et laïque. Qu’y-a-t-il d’anormal à ce qu’il mette en œuvre ses propositions si elles ont été cautionnées par son élection ? Si l’on revient tant soit peu en arrière, François Mitterrand a été exactement dans la situation dans laquelle se retrouve François Hollande ! Pire, il avait face à lui une opinion très fortement hostile à la suppression de la peine de mort. Et on trouvait déjà dans les adversaires de cette abolition les mêmes couches sociales, et probablement bien des gens qui ont organisé la manifestation sur… le mariage pour tous ! Contre les principes mêmes des religions qui leur imposent le respect de l’autre, l’indulgence, le pardon, l’amour du prochain…ils prônent l’exclusion, le mépris, la stigmatisation et la haine de tout ce qui est contraire à leur croyance.
Robert Badinter avait eu contre lui les mêmes arguments, les mêmes slogans, les mêmes accusations d’être un destructeur de la société.
Voici une chronologie des événements qui ont abouti à l’abolition de la peine de mort en France. Et pourtant, le 24 janvier 1981, l’abrogation de la peine de mort figurait au programme des « 110 propositions » de la gauche pour l’élection présidentielle à venir. Personne ne pouvait être surpris. Le 16 mars 1981, lors de l’émission télévisée « Cartes sur table », François Mitterrand se déclarait clairement « contre la peine de mort ». Aucune ambiguïté ! Le 26 août 1981, le Conseil des ministres approuve un projet de loi qui abolit la peine de mort et la remplace par la réclusion criminelle à perpétuité.
J’ai en mémoire la venue à Bordeaux, lorsque j’étais journaliste à temps plein, d’une délégation du gouvernement avec Deferre, Delors, Cresson… et des centaines de slogans hostiles, insultants, qui avaient été peints sur le parcours des cortèges officiels.. Ils avaient été placés opportunément par les flics de Castéja inscrits au SAC, qui avaient organisé les manifestations violentes qui eurent lieu ce jour là au Lac ou au cours Xavier Arnozan ! Or le 18 septembre 1981, l’ensemble du projet de loi est adopté par 363 voix contre 117 à l’Assemblée nationale, et surtout confirmé au Sénat le 30 septembre; le texte est voté dans les mêmes termes par le Sénat, par 160 voix contre 126. Le projet de loi est définitivement adopté. Le 9 octobre 1981 la loi n° 81-908 portant abolition de la peine de mort est promulguée ! Était-elle soutenue par l’opinion publique ? Aurait-elle été acceptée lors d’un référendum ? Est-elle acceptée définitivement par le FN, les extrémistes de la Droite parlementaire, par les couches populaires ne vivant que sur les croyances ? Jamais une avancée des consciences vers la raison n’a été soutenue par le camp de l’obscurantisme crédule.
En fait, le progrès matériel est beaucoup plus facile à mettre en œuvre que le progrès des esprits. Les grandes avancées dans ce domaine, depuis le siècle des Lumières, ne sont jamais venues des processions religieuses. Bien au contraire. Le problème, c’est que quand les progressistes ont réussi à passer au-dessus de ces éruptions mystiques, on n’est jamais revenu en arrière… Tenez, je m’inscris dans la durée, et je prends le pari que le futur candidat de la Droite, quel qu’il soit, ne proposera jamais en 2017 la suppression du mariage pour tous. D’ailleurs, les prétendants sont prudemment restés à la maison ! On ne sait jamais : une photo peut ressortir un jour !

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Cet article a 11 commentaires

  1. Rocky

    Jean-Marie, ça m’étonne de toi que tu donnes à ton tour dans la caricature des opposants à ce projet de loi. il n’y a pas que les croyants et les réacs qui sont opposés à l’instauration de ce « mariage pour tous ».
    Je suis incroyant, de gauche, et j’y suis opposé, et je ne pense pas être le seul dans ce cas.
    Comparer l’instauration du mariage pour les homosexuels à l’abolition de la peine de mort est par ailleurs parfaitement abusif.
    D’un autre côté, on entend régulièrement depuis des mois de très bons esprits expliquer que les opposants au « mariage pour tous » sont des nazis, alors ….
    Amicalement,
    JR

  2. Anonyme

    Cher Camarade, ton cri du coeur est émouvant. C’est beau de voir un croyant aussi sincère dans les bienfaits du progrès matériel. Pour ma part je n’ai pas cette croyance, ma croyance c’est que le progrès matériel est un outil qui peut être bénéfique ou désastreux selon l’usage qu’en font les hommes, au premier rang desquels les politiques. Quand aux religions c’est un peu le même tabac : on dit que ne pas faire de politique, c’est faire la pire des politiques; pour la religion c’est pareil celui qui n’en a pas en pratique une à son insu, et ce peut, parfois, être la pire.
    Avec toute mon respect

    Paul Agius

  3. Cubitus

    Il y a une chose certaine : si l’Église avait accepté, voire encouragé, la pillule et l’IVG, il y aurait eu vraisemblablement moins de cathos dans la manif anti gay car une bonne part d’entre eux auraient fini dans la cuvette des toilettes avant la date limite.

    Coincidence ou pas, pour faire passer les deux plus grands progrès humanistes, selon moi, de la seconde moitié du XXè siècle, la légalisation de l’IVG et l’abolition de la peine de mort, les gouvernements concernés n’ont pas voulu se mettre en contradiction avec la morale chrétienne. Alors il ont envoyé deux juifs au charbon : Simone Veil et Robert Badinter. Honneurs à eux.
    C’est du second degré bien sûr…

  4. J.J.

    J’écrivais le 11/12/2012 :

    J’écrivais le 11/12/2012 :

    Pour couper l’herbe sous le pied de tous les prêtres, rabbins, imams, popes gourous et autres esprits plus ou moins bornés, il faudrait abolir le mariage dit civil ( et désigner cette union par un autre terme) , qui n’est qu’un reliquat d’une soit disant tradition chrétienne ou religieuse.

    Le mariage actuel est en réalité un contrat civil passé entre deux citoyens et seulement un contrat civil.
    Ce sont les religieux qui lui ont donné ce caractère pseudo- sacré.
    Donc, les personnes qui désirent créer une communauté légale de bien et décident de vivre ensemble devraient faire enregistrer cet acte officiel et solennel en mairie.
    Il leur serait ensuite possible de se rendre dans un quelconque lieu de culte pour des raisons spirituelles, ou tout simplement pour se donner en spectacle, ce qui est souvent le but non avoué du mariage dit religieux.

    Cependant la grande différence entre le mariage religieux et le mariage civil est que le premier ne peut être « défait que par un dieu » et selon les circonstances. En l’occurrence , on s’‘accommode au mieux de son absence obstinée.

    Une autre différence, et de taille, c’est qu’aucun ministre d’un culte n’a le droit de procéder à un mariage religieux si on ne lui a auparavant présenté un certificat de mariage dit civil !

    Par contre, il ne peut être mis un terme à l’union civile qu’avec l’intervention de la justice des hommes : c’est une rupture légale de contrat, dûment enregistrée, qui n’a rien à voir avec un engagement plus ou moins spirituel, distendu et imaginaire.

    Je ne comprends donc pas cet acharnement à lutter contre le mariage pour tous, sinon une action politique déguisée et une volonté de la hiérarchie catholique de faire croire qu’elle a de l’importance.

    Les homosexuels n’ont pas choisi de l’être, et si cette condition est pour certains si sulfureuse, l’éternel dans sa grande clémence n’aurait pas crée et permis une telle situation !(second degré…)

    Le mariage pour tous ne me coûtera rien, ne me restreint en rien, ne m’oblige à rien, ne me concerne en rien. Mais il me permettrait de constater que l’on a abattu un autre mur de ségrégation.
    Ce n’est pas un privilège, simplement un pas vers plus d’égalité.

    Quels arguments humains et logiques peut-on honnêtement opposer à cela ?

    1. Rocky

      « Quels arguments humains et logiques peut-on honnêtement opposer à cela ? »

      Ceci, peut-être ?

      « L’argument du mariage pour tous ceux qui s’aiment ne tient pas : ce n’est pas parce que des gens s’aiment qu’ils ont systématiquement le droit de se marier, qu’ils soient hétérosexuels ou homosexuels. Par exemple, un homme ne peut pas se marier avec une femme déjà mariée, même s’ils s’aiment. De même, une femme ne peut pas se marier avec deux hommes, au motif qu’elle les aime tous les deux et que chacun d’entre eux veut être son mari. Ou encore, un père ne peut pas se marier avec sa fille même si leur amour est uniquement paternel et filial.

      Au nom de l’égalité, de la tolérance, de la lutte contre les discriminations et de tant d’autres principes, on ne peut pas donner droit au mariage à tous ceux qui s’aiment.

      N’est pas en cause ici la sincérité d’un amour. Et il est compréhensible que des personnes amoureuses souhaitent voir leur amour reconnu. Toutefois, des règles strictes délimitent aujourd’hui et continueront demain de délimiter les alliances autorisées et les alliances interdites au mariage.

      En ce sens, le mariage pour tous est uniquement un slogan car l’autorisation du mariage homosexuel maintiendrait des inégalités et des discriminations à l’encontre de tous ceux qui s’aiment, mais dont le mariage continuerait d’être interdit.

      L’argument du mariage pour tous occulte les deux visions actuelles du mariage.

      Dans la vision du monde, que je partage avec de très nombreuses personnes, croyantes ou non,

      le mariage n’est pas uniquement la reconnaissance d’un amour. C’est l’institution qui articule l’alliance de l’homme et de la femme avec la succession des générations.

      C’est l’institution d’une famille, c’est-à-dire d’une cellule qui crée une relation de filiation directe entre ses membres. Au-delà de la vie commune de deux personnes, il organise la vie d’une Communauté composée de descendants et d’ascendants. En ce sens, c’est un acte fondamental dans la construction et dans la stabilité tant des individus que de la société.

      Dans une autre vision du monde, le mariage est jugé comme une institution dépassée et compassée, comme l’héritage absurde d’une société traditionnelle et aliénante. Mais alors, n’est-il pas paradoxal d’entendre les tenants de cette vision du monde élever leurs voix en faveur du mariage homosexuel ? Pour quelle raison celles et ceux qui refusent le mariage et lui préfèrent l’union libre, défilent-ils aujourd’hui aux côtés des militants LGBT pour les soutenir dans leur combat pour le mariage homosexuel ? Que l’on ait l’une ou l’autre des visions du monde, on voit bien que ce qui se joue derrière « le mariage pour tous », c’est une substitution : une institution chargée juridiquement, culturellement et symboliquement serait ainsi remplacée par un objet juridique asexué, sapant les fondements des individus et de la famille.

      En effet, au nom de l’égalité et de la lutte contre les discriminations, faudrait-il supprimer toute référence sexuée dans les relations entre les citoyens et l’Etat, à commencer par la cérémonie du mariage et par le livret de famille qui est remis à l’issue de cette cérémonie ? »

      OK, ça vient d’une sorte de curé, Gilles Bernheim, grand rabbin de France, mais ce sont des arguments qui à mon sens tiennent la route.

  5. Bonjour,
    N’en déplaise au grand rabbin de France qui baptise au sécateur et déclare « le mariage pour tous », c’est une substitution : une institution chargée juridiquement, culturellement et symboliquement serait ainsi remplacée par un objet juridique asexué, sapant les fondements des individus et de la famille.
    Où est l’institution juridique, culturelle et symbolique dans les mariages arrangés entre vieux barbons et jeunes pucelles? Les religieux de tous poils s’y opposent ils, je ne le constate pas. Où sont les religieux de tous poils pour défendre les femmes victimes de viols y compris au sein de mariages consacrés? Où sont les religieux pour dénoncer les exactions commises au nom de la foi? Arrêtez de vous dissimuler derrière l’intérêt de l’enfant, si il suffisait de naître dans une famille religieuse pour échapper au mal, le fils De Villiers ne poursuivrait pas son propre frère en justice. Il est temps de sortir de l’obscurantisme et des hypocrisies vous êtes dans un combat d’arrière garde instrumentalisé par les religieux et les conservateurs.
    Salutations

    1. Rocky

      à facon jean françois

      Quand on parle de caricature….
      Le point Godwin approche….

  6. A l’anonyme Rocky
    vous esquivez mais où est donc votre argumentation PERSONNELLE ?
    Pour ma part fin du commentaire, ce qui vous évitera de franchir le fameux point Godwin!

  7. J.J.

    Mon soutien à J. F. Facon dans sa décision de mettre fin aux commentaires.

    Je plie mais ne rompt pas ….

  8. Anonyme

    Je crois que la majorité des gens qui défilaient ne
    Sont pas contre le mariage homo mais contre la location des utérus les dons anonymes de sperme , d’ovules qui fera que en toute ignorance des frères et des sœurs auront des relations incestueuses ….. Et pour l’égalité ces modes de procréation ne doivent
    Pas exister ni pour les homos ni pour les hétéros. Mais l’adoption devrait être plus accéssible. …il y’a tant d’enfants déjà Nés abandonnés sur cette planète ….’ou nous sommes déjà trop nombreux ….

  9. Cubitus

    Je me sens obligé de reprendre la plume compte tenu du commentaire de Rocky.

    Pasteurs, curés, rabbins, imams,gourous divers, religieux de n’importe quelle superstion, tous ces gens là devraient se rappeler qu’il existe 2 choses bien distinctes quelle que soit la croyance : le spirituel et le temporel. Le spirituel les concerne, personne ne le remet en cause et personne ne leur dicte la façon dont il entendent le gérer, sauf bien sûr en cas de dérive sectaire mettant en péril les libertés fondamentales de l’individu garanties par la loi dont le but est de protéger cet individu.

    Concernant le temporel, c’est à dire tout ce qui ne relève pas du spirituel, le mariage civil est un contrat juridique entre deux personnes responsables qui choisissent de faire vie commune. Avec ou sans enfants. Ce n’est pas une condition rédhibitoire et le code civil n’impose pas d’engagement à procréer de la part des futurs époux. Il convient donc de bien distinguer l’union matrimoniale de la constitution d’une famille avec enfants. Ce sont deux choses différentes et elle ne sont pas intrinsèquement liées.

    Ce que vous exposez, mon cher Rocky, c’est le système qui prévalait notamment dans les monarchies où l’union entre une homme et une femme avait pour unique et seul but d’obtenir une descendance et ainsi d’assurer la dynastie. Et on se foutait royalement, c’est le cas de le dire, si les conjoints s’aimaient ou pas car on ne demandait même pas leur avis aux futurs époux. On constituait simplement une usine à fabriquer des gosses avec la bénédiction de l’Église, celle là même qui nous bassine encore aujourd’hui que l’amour n’est pas une condition nécessaire au mariage. Comme quoi, depuis la monarchie, sa position n’a pas évolué.

    Et la polygamie, les mariages incestueux, consanguins et j’en passe, c’est le poncif habituel qu’on entend en chaire durant les prêches. La loi, sur ce point, est plus rigoriste que le droit canon. Pour preuve, en ce qui concerne les mariages consanguins et limite incestueux (oncle avec nièce), combien l’Église en a bénit et en bénit encore aujourd’hui dans les familles monarchiques sans jamais y trouver à redire ?

    Alors que l’Église et autres sectes s’occupent de leurs affaires et qu’elles laissent la société civile gérer les siennes. Parce que dans la grande majorité des cas, l’opposition au mariage homo n’est rien d’autre que de l’homophobie déguisée et ceux qui s’en défendent ne se rendent même pas compte que leur prise de position n’est dictée que par cette fameuse culture chrétienne multiséculaire dont on nous bassine et dont ils ne se sont toujours pas affranchis.

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