Extraordinaire pays que le nôtre puisqu’il faut que la justice intervienne pour forcer un État républicain à faire face à ses obligations élémentaires, quand dans le même temps, il est tellement empressé de faire appliquer plus de 400 000 normes diverses dans les collectivités territoriales ! Les élus savent parfaitement combien les visites des commissions de sécurité peuvent être pointilleuses, drastiques, formelles et même parfois déconnectées des réalités du terrain. N’empêche que l’État veille au grain et pond des interdictions d’ouverture d’établissement recevant du public avec un extase particulier. Or il n’est jamais en mesure, faute de moyens financiers, de s’appliquer à lui-même les mêmes règles, et il s’exonère depuis des décennies des obligations faites aux autres structures.
Le Conseil d’État a par exemple ordonné la mise en œuvre d’une « opération d’envergure » de dératisation et de désinsectisation de la prison des Baumettes, à Marseille, dans un délai de dix jours. Saisi par l’Observatoire international des prisons (OIP) et d’autres organisations, le Conseil d’État a relevé que « la carence de l’administration dans l’entretien de la prison avait porté une atteinte grave et manifestement illégale » aux libertés fondamentales des détenus. Il préconise la réalisation « dans un délai de 10 jours d’un diagnostic des prestations de lutte contre les animaux nuisibles qui devra prévoir des interventions préventives et curatives » et, « dans l’intervalle, d’une opération d’envergure susceptible de permettre la dératisation et la désinsectisation de l’ensemble des locaux » du centre pénitentiaire.
Le juge des référés du Conseil d’État a, en revanche, estimé qu’il n’y avait « pas lieu de prescrire une inspection de l’ensemble des cellules individuelles », car les mesures entreprises par l’administration pénitentiaire à la suite des recommandations du contrôleur général des prisons « rendaient cette mesure inutile ». Incroyable mais vrai ! La France pays des Droits de l’Homme affiche de tels paradoxes humiliants. Le problème, c’est que ce n’est pas une nouveauté. Une bonne part du parc immobilier, dans tous les secteurs, est dans une situation, certes moins minable, mais tout aussi préoccupante !
La décentralisation de 82 a évité que les collèges soient aussi pitoyables, le transfert des routes nationales vers les Conseils généraux a sauvé un réseau mal entretenu (la Gironde va devoir par exemple assumer des millions d’euros de travaux pour sauver le pont Eiffel de Saint André de Cubzac), les voies ferrées secondaires ne doivent parfois leur survie qu’aux efforts des régions… En empruntant des sommes astronomiques pour assurer son fonctionnement, l’État a négligé l’investissement, et l’ardoise sera salée, très salée !
Le 14 décembre dernier, le tribunal administratif de Marseille a sommé l’administration pénitentiaire d’agir aux Baumettes, demandant que chaque cellule soit dotée d’un… éclairage, que les détritus soient… enlevés, et que les repas ne soient plus entreposés… à même le sol ni près des bennes à ordures. Ces injonctions avaient été jugées insuffisantes par l’OIP, qui avait fait appel devant le Conseil d’État. L’OIP demandait également de vérifier… l’équipement électrique des cellules afin de prévenir les risques d’incendie et d’électrocution ou encore d’assurer un accès à l’eau potable dans les cellules. C’est tout simplement lamentable, quand on connaît les milliards d’euros mis par les collectivités territoriales depuis une décennie afin simplement de mettre à niveau leurs équipements !
Certes, comme le penseront les fachos de tous horizons (et ils deviennent plus nombreux au fil des jours), ce ne sont que des taulards qui méritent ce qu’ils ont et qui surtout ne doivent pas vivre dans des meilleures conditions qu’une partie très paupérisée de la nation ! Certes, dans le cadre des priorités, les « prisons » n’ont pas une place de choix dans les préoccupations actuelles de la population ! Le courage politique, c’est aussi parfois de savoir aller contre les sondages, et placer les valeurs républicaines au-dessus des positions circonstancielles. L’état du système carcéral tient lieu de « thermomètre » en la matière ! Il est ingrat de s’en occuper. Il est risqué d’en parler ! Il est surtout imprudent d’exciter ce courant profond, accroché à cette certitude sociale qui veut que toutes les femmes et les hommes qui le fréquentent sont irrécupérables et ne méritent que ce qu’ils ont !
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Lagarde a préféré faire un chèque cadeau pris dans nos poches de 390 millions à ce pauvre Tapie, l’homme à la veste multi-doublures.
Combien de cellules auraient pu être réhabilitées avec cette somme ?