Chère lectrice, cher lecteur…

Parfois il faut savoir s’arrêter au bord du chemin, poser sa besace et regarder passer les autres. J’ai l’impression d’être toujours coureur d’un marathon quotidien qui n’en finit jamais et je n’aspire qu’au dernier kilomètre, celui qui me libérerait et me permettrait de partager la joie de l’avoir parcouru avec le petit groupe des gens en qui j’ai confiance. Cette sensation correspond à celle que peut éprouver un salarié qui attend avec impatience l’heure de la retraite. Le temps paraît long… et la motivation s’estompe au fil des jours. Rien d’anormal. Aucune dépression en vue. Seulement un impérieux besoin de profiter du temps qui passe trop vite. A cet égard la publication d’une chronique quotidienne depuis plus de 7 ans me pèse pour diverses raisons. Je souhaite vous les faire partager.

La première c’est qu’il est épuisant de prêcher dans le désert internet. L’action concrète, le dialogue direct, l’échange verbalisé me manquent trop. Je ressens qu’il n’y a plus d’écho à ce que j’écris en dehors d’une demi-douzaine de « fidèles » qui s’astreignent à lire une publication trop longue. Ma liste d’abonnés s’amenuise au fil des semaines. Elle est régulièrement « attaquée » par des piratages externes qui la détruisent méticuleusement en introduisant des milliers de fausses adresses. C’est lassant de devoir sans cesse tenter de restituer à celles et ceux qui me font encore confiance un lien qui disparaît tout aussi rapidement.

La seconde tient à une nécessaire indépendance d’écriture que je ne suis plus en mesure d’assumer. J’ai toujours l’impression de trahir mon propre camp en me laissant parfois aller à des critiques pourtant feutrées. J’agace. Je peine . Je dérange. Ce ne sont pas des objectifs louables dans un monde où l’on confond docilité et fidélité et la franchise tue tôt ou tard l’amitié. Il me faut donc ranger mes états d’âme ou mes analyses superficielles, et abandonner l’ambition démesurée d’inciter au débat. Je suis probablement trop sérieux, trop coincé pour passionner, et je me suis glissé dans un rôle qui ne me convient plus. J’aspire à davantage de liberté et donc à être moins lié par un rythme effréné. Il est temps que je tire le rideau sur ce type d’écrits pour aller vers d’autres, moins institutionnels et plus proches de mon humeur profonde. Le risque de mécontenter sera plus fort, mais dans le fond, il me sera plus facile de l’assumer. Autant me faire plaisir en déplaisant vraiment aux autres.

Troisièmement, je n’arrive pas encore à dominer la technologie et donc je suis toujours redevable à un « sauveur » quelconque, ce qui devient pesant. Il m’est très pénible de batailler durant des heures pour redresser des phénomènes dont j’ignore la cause. J’ai pleinement conscience de mes limites, et j’estime qu’elles ne permettent pas de laisser le champ libre à ce que j’aimerais publier. Il me faut donc me restreindre à des éléments simples, courts, modestes. Là où j’ai tenté de présenter des faits, je vais simplement m’offrir le luxe de ne publier plus souvent que des commentaires. L’information différente ou au moins « reformatée » n’a plus guère d’intérêt. Pour faire le buzz comme on dit, il ne faut que des petites phrases assassines ou des synthèses simplistes. Il est épuisant de tenter de pratiquer la pédagogie citoyenne, surtout quand elle s’adresse à des gens déjà au niveau et convaincus. J’ai véritablement envie de passer à autre chose… après 7 ans et plus de 2 300 chroniques !

Je vais donc mettre en sourdine ma soif de convaincre et laisser la place à d’autres. Je vais me redonner un peu d’air. Je m’offre une oxygénation de mon vieil esprit bougon et irascible. Je me retire dans une coquille de cagouille créonnaise, dont je ne sortirai que quand je me sentirai capable de supporter une pluie de critiques. Oui, je l’avoue, le contexte actuel, national et local, me lasse et me peine… J’ai besoin de souffler, de poser mon fardeau et de me laisser aller au fil de l’eau. J’espère que vous le comprendrez et que l’ours que je resterai pourra hiberner paisiblement. Un jour, le printemps reviendra et d’autres s’éveilleront… Le bonheur est dans le pré des incertitudes, hors des sentiers battus. J’y entre avec gourmandise. A bientôt.

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Cet article a 10 commentaires

  1. Annie PIETRI

    Peux-tu imaginer à quel point tes chroniques vont nous manquer ?
    Même si nous pouvons comprendre tes motifs, et ta lassitude que tu éprouves, nous serons nombreux à regretter la bouffée d’air pur que tu nous apportais chaque soir!

  2. Cubitus

    Faire un break n’a jamais fait de mal à personne. Mais si vous allez manquer à nombre de vos lecteurs, je suis prêt à parier sans grand risque que ce break sera de courte durée parce que ça va vous manquer encore plus à vous. Alors à bientôt, c’est évident…

  3. Christian Coulais

    Reste avec nous, quelques minutes de plus devant l’ordinateur, le temps d’apprécier Raymond DEVOS, parler pour ne rien dire !

    http://www.youtube.com/watch?v=Td4pqnCCo0M

    Et ensuite, troque ta peau d’ours contre l’habit de Père Noël pour le plus grand bien des petits enfants. A bientôt.

  4. ORE

    Même si je peux comprendre votre lassitude Vous allez nous manquer , mais espérons que votre silence soit de courte durée cordialement

  5. facon jean françois

    Bonjour,
    Vos chroniques et la très grande liberté laissée aux commentateurs vont beaucoup me manquer. Votre sincérité de « vieux » militant si rafraîchissante laissait espérer en un monde meilleur fait d’échanges d’opinions loin des idées prémâchées et aseptisées des étranges lucarnes.
    Je vous souhaite de tout cœur un très grand bol d’oxygène régénérateur.
    Merci pour vos billets. Pour vous rassurer je vous signale que mon inscription à votre blog a été supprimée sans intervention de ma part sans doute un mystère de l’informatique.
    Heureuses fêtes de fin d’année à tous

  6. J.J.

    « Orare in deserto…. »
    C’est un peu ce que tu as fait depuis 7 ans, car à part tes « fidèles », le niveau de tes écrits était un peu trop élevé pour atteindre les masses, cela dit sans prétention.
    Contrairement à ce qu’affirmait (ironiquement ?) Descartes, non, le bon sens n’est pas la chose au monde la mieux partagée, et quand on considère certaines décisions politiques, économiques ou sociétales, on est rapidement persuadé du contraire.

    Quant à la « vox populi », c’est toujours le plus souvent celui qui a crié le plus fort, et avec les pires arguments, qui le remporte sur le bon sens.
    Alors bien que je le déplore, mais je craignais bien que cela n’arrive un jour, tu vas nous manquer ! .
    Comme je comprends ta lassitude et ton désir de repos.
    Surtout quand il est difficile de mettre en harmonie ses propres convictions et l’actualité.

    Et puis il est bon de temps à autre de changer d’activité, cela donne une nouvelle jeunesse.
    Repose toi bien , Jean Marie, tu l’as bien mérité, mais je doute que tu restes cependant inactif !
    Donnes nous quand même parfois de tes nouvelles, et fais nous partager encore quelques unes de tes observations de citoyen responsable et d’honnête homme.

  7. suzanne marvin

    votre décision est trés compréhensible et respectable ….j’aimais la lecture de vos lettres et elles vont nous manquer…………..

  8. Vanmeulebroucke Guy

    Je ne sais pas pourquoi mais en lisant le titre,j’ai eu un pressentiment.Même si,rare lecteur sans doute du Pays Basque,vos articles sont toujours des plus intéressants,instructifs et digne d’un grand chroniqueur,certes,engagé,mais particulièrement objectifs,même si l’on n’est pas forcément d’accord sur tout.
    Vous allez manquer sur le net JMD,mais comme d’autres vous avez besoin de vous détendre et vous ressourcer et cela se comprend.
    Bonne détente et bonne fêtes de fin d’année….et à bientôt…sans aucun doute!

  9. Clopinette

    Quand ont tiend un blog pour donnez ça vision des choses, il ne faut attendre aucun lecteur, ont le fait avant tout pour soit même, ensuite il y a des personnes comme moi qui lisse mais qui ne commente pas pour la simple et bonne raison que je connais pas forcement le sujet. Donnez mon avis sur un sujet que je ne connais pas serais pour moi inutile et déplacé.

  10. Alain BONNEAU

    Jean-Marie,
    Je comprends ces difficultés et reste admiratif de ton engagement sans faiblesse depuis si longtemps. Depuis quelques jours, je ne recevais plus rien et craignais que ton billet sur les « affaires de cœur » ne soit inquiétant.
    S’il ne s’agit « que » de problèmes (et lesquels !) techniques, je suis rassuré.
    Je suis convaincu que tu sais qu’il ne s’agit pas d’un phénomène isolé dont tu es victime mais d’une problématique généralisée et épuisante, avec une perte de valeurs et de repères pour beaucoup mais aussi de futur.
    Je parlerai plutôt du 3° point.
    Derrière tout cela, il y a beaucoup de sous-mains, et internationales aussi : la négociation actuelle, du 3 au 14 décembre à Dubaï du nouveau traité UIT sur la gouvernance du net en est l’exemple frappant.
    La version UIT-T est déjà acquise.(http://www.numerama.com/magazine/24452-l-inquietante-normalisation-du-dpi-adoptee-par-l-uit.html ) Et avec des logiciels tels Trendsboard : « le détecteur de buzz en temps réel », les puissantes machineries internationales s’affranchissent de l’engagement individuel en anticipant les papiers de la prochaine presse… et en préparant « l’opinion », qui n’a pas la culture du journalisme et en perd la nécessité en étant abreuvée au-delà de la satiété.
    Ces industries des medias ont les moyens de saper l’énergie individuelle et collective en proposant du pré-à connaître, loin du désir de penser. (cf. l’article du monde.fr du 3 décembre)
    http://www.lemonde.fr/technologies/article/2012/11/21/gouvernance-du-net-prises-de-position-avant-un-important-sommet_1793764_651865.html
    Les positions se radicalisent à tous les nivaux et faute d’arguments et d’engagement citoyen véritable, la délinquance logicielle augmente. Sentiment d’exister ? Refus d’être berné, manipulé ? Inconséquence désabusée ? Un peu de tout je crois.
    Merci pour tes écrits.

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