Les réalités naissent-elles des fictions ?

Un week-end ordinaire avec son cortège de morts par des violences récurrentes. Des extraits de ces faits dramatiques s’enfilent comme un collier d’horreurs auxquelles il faudra peut-être apporter un jour des réponses ou des explications. Voci le florilège de ces derniers jours :

  • « Le bilan s’alourdit dans la fusillade de Sète. Deux des quatre personnes grièvement blessées par un voisin «excédé» par le bruit sont mortes »
  • « Un homme a été mortellement poignardé dans la nuit de samedi à dimanche à la sortie d’une soirée d’anniversaire qui se déroulait dans une salle communale de Sauve (Gard) »
  • « Le mystère reste entier et l’émotion extrêmement vive à Marseille, où le corps de l’avocate Raymonde Talbot, égorgée et lardée de coups de couteau, a été retrouvé vendredi après-midi dans son cabinet du centre-ville
  • « Cinq jeunes hommes ont été placés en garde à vue dimanche matin après la mort samedi d’un homme circulant à scooter percuté par une voiture volée à Marseille. Deux des six occupants de la voiture volée ont été interpellés et placés en garde à vue. »
  • « Un homme de 20 ans a été tué par balles samedi soir à Argenteuil (Val-d’Oise) alors qu’il sortait de sa voiture devant son domicile. »
  • « Le portier d’une discothèque du Grau-du-Roi (Gard) a été tué dimanche matin, devant l’établissement, d’un coup de feu dont l’auteur présumé s’est rendu de lui-même à la police. Le meurtrier présumé, âgé de 20 ans, a avoué être allé prendre une arme dans sa voiture avant de tuer le portier de la boîte de nuit au cours d’une rixe. »

Sans préjuger des motivations qui se cachent derrière ces meurtres en série, il faut reconnaître que depuis maintenant quelques années, elles deviennent souvent très futiles. Des querelles d’argent, des rivalités amoureuses, des confrontations grégaires, des agressions verbales… alimentent un cortège macabre lancinant. La mort violente semble devenir d’une angoissante banalité. Il est vrai que dans l’environnement quotidien, depuis deux générations, elle est omniprésente mais de manière strictement virtuelle. La télévision ne crée pas les comportements agressifs chez les jeunes, elle les favorise, les encourage. La violence naît d’abord au sein de la famille, dans la rue, à l’école, dans le quotidien et elle imbibe les esprits les plus fragiles ou les plus réceptifs.

En Belgique comme en France, les chaînes donnent à voir un bon millier de morts violentes par semaine. Les enfants de 4 à 14 ans passent environ trois heures par jour devant la télévision. Au bout d’un an, ils ont absorbé entre 7 et 800 heures de programmes. Ce qui laisse imaginer l’hécatombe dont ils ont pu être les témoins. Des milliers de crimes qui donnent toujours une vision totalement abstraite de l’acte de tuer. On tire, on égorge, on viole ou on étrangle à longueur de journée et surtout à des heures de grande écoute. Des policiers scientifiques, des commissaires futés, des femmes gendarmes ou juges parviennent à traquer des criminels que l’on ne voit jamais, en fin de compte, expier leurs actes en prison ou ailleurs.

Aux États-Unis, une étude très sérieuse livrée en avril 2002 – la première du genre – et menée à la Columbia University, de 1975 à 2002, auprès de 700 familles, aboutit à une conclusion affolante. Les ados qui ont regardé la télé plus d’une heure par jour dans leur enfance présentent quatre fois plus de risques de commettre une agression que ceux qui la regardent moins d’une heure… On en est arrivé chez nous au même résultat car la société a tellement banalisé le crime, le viol ou les comportements agressifs qu’il est impossible d’expliquer que de tels actes sont, dans le réel, totalement irréversibles ! La répression ne changera malheureusement rien à cette triste vérité, car les actes sont irréfléchis, virtuels, abstraits et souvent déclinés comme dans les séries télévisées, de manière instantané !

Il faut ajouter à ce phénomène l’omniprésence dans le quotidien des autres écrans, guère plus rassurants. Au cinéma, la violence extrême trouve une place de choix dans les programmations, et les jeux vidéos cumulent les morts pour vous permettre de l’emporter. Si l’on ne parvient à exterminer des ennemis, l’enfant ou l’adolescent a même la possibilité de repartir à la case départ pour améliorer son score ! L’étude la plus complète, qui synthétise les données de 54 expériences à la méthodologie fiable, montre que les joueurs, après exposition aux jeux violents, deviennent plus agressifs et excités. Ils perçoivent le monde de manière plus effrayante, se désensibilisent à la violence et ont des comportements agressifs, physiques et verbaux. Mais ces effets ne perdurent pas forcément… mais rien ne dit que chez certains ils disparaissent.

Bien entendu, il ne saurait être question de faire un lien direct entre les faits de ce week-end, tous différents et certainement sans liens avec les constatations liées aux images incontrôlables, massivement présentes dans la société depuis une quarantaine d’années. N’empêche que globalement la réalité rattrape désormais les fictions !

Ce champ est nécessaire.

En savoir plus sur Roue Libre - Le blog de Jean-Marie Darmian

Subscribe to get the latest posts sent to your email.

Cet article a 9 commentaires

  1. Christian Coulais

    Oui certaines bandes annonces donnent froid dans le dos.
    Et la violence à l’école…Lire l’article de SUD-OUEST : http://www.sudouest.fr/2012/12/01/que-faire-contre-la-violence-scolaire-895446-661.php#xtor=EPR-260-%5BNewsletter%5D-20121201-%5Bzone_info%5D
    Hier, je dînais avec des amis; l’un des jeunes adultes jouait à un jeu, sur mur, avec un son de plus de 100W de puissance, pour être dans le jeu, justement ! Un voisin s’est plaint… il s’est fait vertement rabrouer, tellement l’implication était forte ! Le jeune lui a ensuite envoyé un courrier d’excuses et le voisin a répondu par un courrier de remerciement de ce geste.
    Et par ailleurs, ce jeune avoue ne pas jouer en ligne, afin de ne pas devenir addictif à ces jeux où, une fois introduit dans ce monde fictif, plus rien n’existe sauf le jeu, qui incite à toujours faire plus pour réussir par rapport aux autres joueurs connectés.

  2. Cubitus

    Raccourci un peu rapide qu’on a plutôt l’habitude de rencontrer dans les tribunes d’extrême droite. Ce ne sont pas les ados qui commettent les crimes mais bel et bien des adultes comme vous et moi. Parmi les ados qui étaient samedi dernier à Fiest’ados à Créon, croyez vous qu’il n’y en ait aucun qui n’a jamais joué à GTA, World of Warcraft ou regardé la télé ? Y a t’il eu un seul problème ? Les Fourniret, Dutrou, Heaulme, Breyvik n’ont été motivés ni par la télé, ni par les jeux vidéo.
    Quant à la phrase « rien ne dit qu’ils (les effets) disparaissent » sous entend « bien sût qu’ils ne disparaissent pas chez tout le monde ». Avec un tel raisonnement, on peut tout autant affirmer « rien ne dit que les OGM comportent un risque même minime » ou pour reprendre un principe cher à l’ancienne majorité, « rien ne dit que la colonisation n’a pas été un bienfait ». Rien ne dit que la fin du Monde ne se produira pas le 21 décembre prochain.

    1. JMD

      Ce n’est pas un raccourci lepeniste mais simplement un constat, fait sur le terrain du quotidien, avec des contacts avec de nombreux jeunes de tous LES MILIEUX. En plus, ma chronique ne vise pas nécessairement LES JEUNES mais elle tente de lutter contre, que vous le vouliez ou non, une banalisation de la VIOLENCE dans le quotidien. Tous les esprits actuels ne sont pas armés ou éduqués pour résister à ce phénomène. Enfin, je ne pense pas que tous les psychologues ou pédopsychiatres qui parlent de ces faits sont adhérents ou partisans de thèses du FN
      A Langoiran, sur la vitre du secrétariat du cabinet médical, on peut lire une mise en garde aux parents des enfants de moins de 3 ans sur la télévision… et les médecins ne sont pas tous nécessairement de Droite. Bien au contraire ! Je ne parle pas de mes enfants ou petits-enfants dans cette chronique mais de celles et ceux qui n’ont pas la chance de naître et de grandir au bon endroit ! Amitiés…

  3. Nadine Bompart

    D’accord avec toi Cubitus!
    Mon fils, 20 ans, est un « bébé-ordi » qui a passé son adolescence sur Playstation & c°, à 12 ans il jouait déjà à des jeux de guerre et de « massacre » comme vous dîtes; ça le faisait marrer….
    Aujourd’hui il va bien merci, connaît parfaitement la différence entre le jeux et la réalité et est parfaitement intégré dans la société. Et j’en connais plein des comme ça….
    Les parents et l’environnement y serait-il pour quelque chose ?

    1. JMD

      Je n’ai jamais mis en cause la jeunesse dans sa globalité mais la soumission par manque d’éducation de la jeunesse à des processus d’addiction purement commerciaux (audimat pour la télé et bvehte pour les jeux) Heureusement que tous les adeptes des jeux vidéo ne sont pas des délinquants, mais n’empêche qu’une autre civilisation de la violence banalisée est en route… Désolé, mais je maintiens mon avis car les personnes en cause ne sont certes pas que des jeunes mais ils l’ont été !

  4. facon jean françois

    Bonjour,
    la télé, le cinéma, les jeux et internet une approche du problème qui ne s’intéresse qu’à l’écume et pas au niveau du malaise. Tout ces médias ne se vendent que parce-qu’ils répondent à un marché. Malheureusement le malaise est plus profond, la société individualiste génère ces comportements égoïstes et égo centrés niant le vivre ensemble. Les incivilités se multiplient produisant des injustices et des sentiments d’insécurité, autant d’agressions envers notre « moi » qui produisent des réactions en retour de plus en plus violentes et irraisonnées.
    Le piéton que je suis est très souvent choqué par l’irrespect des automobilistes. Si j’ajoute que lorsque l’on fait remarquer que stationner sur le trottoir met en danger les piétons, les réponses aussi ridicules que vulgaires fusent, mettant le sang-froid à rude épreuve. Crachats, insultes sont le lot commun des employés des transports, à croire que leur emploi ne serait pas d’assurer la sécurité des usagers mais de servir d’exutoire aux frustrations individuelles et / ou collectives. Un désespéré par jour se jette sur les rails en région Parisienne, l’employé de quai est il responsable ? Pourtant c’est lui qui porte la casquette raison suffisante pour se faire agresser par les clients, débordements parfois aussi violents qu’irrationnels.
    Réapprendre à vivre ensemble, c’est urgent et dans un meilleur climat les désespérés seront moins nombreux.
    Bonne journée

    1. JMD

      J’ai conscience que c’est une analyse instinctive et primaire mais… je défie quiconque de me démontrer que la télévision n’influence pas les comportements de gens de tous les âges !

  5. François

    Bonjour !
    Dans cette fenêtre ( intelligemment ) mis à la disposition de tout citoyen, je n’ai point pour habitude d’encenser le chroniqueur … certes ! Mais la lecture de ce feuillet nous montre ( et nous démontre ) que nous sommes en présence d’un élu qui est PRES de sa cité pour en toucher les risques vicieux qui s’installent sournoisement. Vous êtes , Madame et Messieurs les commentateurs, devant le résultat bénéfique de ce que je nommais dans un précédent commentaire  » le sérum Marché de Créon ».
    Cette observation est loin d’être l’apanage de bon nombre de maires, députés, sénateurs ( séparés ou cumulés ! ) qui ont, pour certains, vocation à approuver des « règles de vie » et qui ignorent ce qui se passe dans la deuxième rue jouxtant le Palais Bourbon ou du Luxembourg ( car la première rue est habilement « nettoyée » par un talentueux service d’ordre ) ou qui pratiquent leur jogging réparateur soi- disant au milieu du peuple … avec quatre solides « sportifs » dont les silhouettes font fuir les plus habiles et candides chasseurs d’autographes. Aussi, ne soyez pas étonnés de les voir, même en costume de ministres au 20 heures, complètement catastrophés découvrant une situation à leurs yeux invraisemblable: Ils n’ont rien vu venir !
    Pour en revenir à la violence, je suis d’accord avec ton analyse, J-M. Sauf que ce ne sont pas les seules raisons: il faut les cumuler ( en général, Mme Nadine B. !) avec la non-éducation délivrée par beaucoup de « parents », une scolarité avec des instituteurs, pardon, des professeurs des écoles … manchots et bridés par la hiérarchie et le J.O.( J-M, souviens-toi de tes cinq- onze ans voire quinze ans ! ! ), le manque d’un vrai service militaire post-adolescence ( aboli au lieu de l’élargir aux femmes ) et enfin une société en mal-être plus ou moins desoeuvrée ( de tous les temps, « l’oisiveté est mère de tous les vices » ) sans VERITABLE GUIDE vers un avenir serein.
    Cela m’amène à poser une question :
    Malgré tous les camouflages que l’on nous inflige pour capter notre attention, face à cette violence qui grandit et devant le ras-le bol d’une grosse partie de la population confrontée à l’incapacité des classes dirigeantes, ne sommes-nous pas en présence d’une période similaire à celle précédant 1789 ?
    Cordialement.

  6. Nadine Bompart

    C’est bien cela François, « Les parents et l’environnement y serait-il pour quelque chose ? »!!! Ça n’était pas une fausse question!
    La télé représente au plus près la société; ce n’est donc pas la télé qu’il faut changer, mais la société dans son ensemble, et la télé suivra!!!
    Cela ne sert à rien de programmer des Bisounours quand, à la maison, on ne mange pas à sa faim…..

Laisser un commentaire