En Corse le changement n'est pas encore pour maintenant

La Corse entre une nouvelle fois dans l’actualité de la pire des manières, et sa descente aux enfers médiatiques ne fait que débuter. Il faut admettre que les motifs d’un tel vedettariat sont à la hauteur des espoirs des grands supports. Une véritable série télévisée, avec tous les ingrédients des grands succès (violence, fric, secret),  se déroule en direct sur les chaînes d’information continue. La Corse concentre « environ 20% des règlements de compte commis sur le territoire  français, « ce qui est une proportion tout à fait exceptionnelle au regard de la population », a avoué Manuel Valls, en introduction de son discours. « Chaque année, en moyenne, depuis dix ans, 33 homicides et tentatives sont commis. Depuis le début de l’année, l’île enregistre déjà 17 homicides, dont 14 règlements de comptes et 12 tentatives » : les statistiques ne manquent pas d’inquiéter le reste de la République, car si on ajoute les débordements marseillais, on arrive à une véritable hécatombe. Bien évidemment, on ne manquera pas, dès les prochaines questions au gouvernement, d’imputer au gouvernement Ayrault ces morts violentes, alors que le mal est profond, durable et désormais très difficile à arrêter !

Parmi mes amis, depuis des décennies, je compte un « serviteur de l’État » qui a eu le redoutable privilège d’être affecté en Corse. J’ai en mémoire ses récits d’il y a une bonne quinzaine d’années sur sa vie insulaire. « Lorsque nous étions en réunion, tant à Paris Place Beauvau qu’à la Préfecture, nous prenions une décision collective réputée secrète. Je regagnais mon bureau et moins d’une heure plus trad je recevais un coup de téléphone me révélant ce qui devait demeurer secret. Pas une seule fois je n’ai pu protéger une action spécifique. Les informateurs étaient au cœur même de l’État avec des ramifications partout » m’expliquait celui qui n’a jamais digéré les conditions de son séjour. « Il n’y a aucune fiabilité dans les décideurs, tant dans le domaine de la politique que de l’économie…Il faut sans cesse se méfier de tout et de tout le monde ! » ajoutait celui qui, confidentiellement, décline de multiples exemples. Cet homme intègre et courageux n’a jamais pu oublier son passage dans l’Île dite de Beauté qu’il a été particulièrement content de quitter. Et le problème c’est que depuis, rien n’a véritablement changé et, même si ça paraît incroyable, la situation est pire !

Lorsque Manuel Vals cible des secteurs dans lesquels l’illégalité reste, pour une part, la règle, il ne fait qu’enfiler les perles des évidences. Le ministre veut s’attaquer à l’argent sale « dans le foncier, notamment sur le littoral (…) « dans les jeux, dans le sport ». Mais diable pourquoi ne l-a-ton pas encore mis en place. Pas assez de fonctionnaires spécialisés ? Absence de volonté politique ? Recul face aux menaces ? Manque de preuves ? Inutile de tergiverser : il n’y a pas d’autres méthodes que d’éplucher les flux financiers individuels et collectifs. C’est le fric qui est à l’origine de la violence qui génère la peur et le silence ! Le reste, c’est du roman policier. Les racines de toutes les affaires sont les mêmes, et dans tous les pays touchés par ce type de phénomènes mafieux on a commencé par des contrôles financiers. Si l’on se réfère à l’histoire de la lutte contre la mafia aux États-Unis, on a l’illustration d’une méthode efficace.

Le gouvernement fédéral ayant renforcé la répression en matière fiscale, le fameux Eliot Ness agent du Bureau de la prohibition , secondé de ses « Incorruptibles », ainsi que d’un agent courageux du service des impôts, entrent en action. L’administration fiscale et la police, ne seront pas en mesure de prouver ni les meurtres, ni les trafics d’alcool, ni les rackets d’Al Capone. Les enquêteurs se concentrent donc sur les dépenses de ce dernier, les comparant méticuleusement à ses revenus déclarés. Le fisc enquête aussi dans les boutiques de Chicago et de Miami pour calculer le prix de ses meubles, de sa vaisselle et même de ses sous-vêtements. Après des centaines d’interrogatoires, il est clair que ses revenus sont bien plus importants que ceux qui étaient déclarés. Ses revenus nets furent chiffrés en 5 ans à 1 035 654 dollars et 84 cents, soit 215 080,48 dollars d’impôt. Comprenant qu’il sera arrêté pour des raisons fiscales, Al Capone a envoyé un avocat depuis plus de deux ans pour négocier avec le fisc. Mais le fisc reste ferme en lui demandant de payer la totalité des sommes dues. Al Capone refuse et entraîne son inculpation pour fraude fiscale avec un acte d’accusation comportant 3 680 pages dactylographiées ! Les armes, les enquêtes policières n’avaient pas eu raison de la mafia : le fisc aura le dernier mot, et fera tomber celui qui se croyait hors d’atteinte ! En Corse, l’immobilier, les jeux, le sport doivent bien donner des indications utiles sur les origines des crimes, bien que la haine soit aussi une motivation probable ! « Chaque fois qu’un ministre est parti, que les déclarations ont été faites… on enterre méticuleusement les décisions et on attend , dans le silence, la suite… qui ne vient jamais, faute de moyens et de décisions appropriées. » Le constat vieux de quelques décennies a-t-il véritablement changé ?

 

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Cet article a 3 commentaires

  1. suzanne marvin

    qui peut exterminer la mafia en corse??en plus c’est dans les périodes de crises qu’elle prospère….. peut-être un nouveau » eliot ness »avec un équipe de  » .vrais incorruptibles »…… c’est un travail à plein temps….permanent….et à long terme….la mafia c’est comme le chiendent ça repousse toujours….et la loi du silence la protège…

  2. Nadine Bompart

    Non Jean-Marie, l’île n’est pas « dite » de beauté, elle EST beauté!!!!
    J’y ai vécu longtemps, pas dans les mêmes conditions que ton ami.
    Oui, c’est vrai, les Corses ont une manière bien à eux de « régler les problèmes »!
    Mais n’oublions pas que ceux qui tombent sont liés à des clans mafieux; aucun « honnête citoyen » ne meurt d’une balle perdue… Ce n’est pas l’Amérique!
    « Réguler la mafia » ? Bien sûr!
    Mais il n’y a pas qu’en Corse qu’elle prospère; là-bas, elle se « voit » un peu plus à cause justement de leurs méthodes, mais la Mafia est partout!!!
    Alors oui, il serait bien que le Gouvernement s’attelle à cette tâche, où qu’elle soit en France….

  3. Vanmeulebroucke Guy

    Bonjour,
    Dans ce domaine,comme dans d’autres il y a du boulot et le gouvernement n’est malheureusement pas au bout de sa peine!

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