Tant que nous n’avons pas eu besoin d’être secouru dans l’urgence, nous vivons à coté de la réalité du système français ayant en charge non seulement la défense des biens matériels mais aussi l’assistance aux personnes. Il faut un dramatique événement comme celui ayant causé la mort de deux sapeurs-pompiers dont un jeune de 16 ans et demi pour que tout à coup la France qui dort se réveille et apprenne que le sort de chacune et chacun d’entre nous dépend essentiellement de l’engagement volontaire de jeunes et de moins jeunes dans les services dits d’incendie et de secours. Ces deux malheureuses victimes ne mettent en lumière qu’ils existent dans notre pays des milliers de citoyens qui consacrent leur temps disponible à la solidarité à l’égard des autres. Ils le font en plus avec de longues heures consacrées à de la formation, à des stages, à des manœuvres qui leur permet souvent de progresser dans l’échelle sociale. Comme le veut le fonctionnement d’une société tournée vers le coté négatif des comportements ces efforts sont oubliés alors qu’ils démontrent amplement la survivance de certaines formes de partage de la souffrance ou de la détresse peu spectaculaires mais diablement réconfortantes.
Sur un centre de secours comme celui de Créon aux coté de près d’une douzaine de sapeurs-pompiers professionnels toutes les permanences de nuit et de week-end sont assumées par plus de 60 volontaires. Il est vrai que les véhicules sortent en moyenne plus de 4 fois dans une journée pour des tâches diverses silencieuses (le système de la sirène a disparu) et souvent anonymes. Les deux qui ont laissé leurs vie dans une maison en feu appartenaient à ces sauveteurs qui assument pour le compte de la collectivité des moments individuels particulièrement angoissants pour celles et ceux qui els vivent. Lentement d’ailleurs l’exigence d’efficacité s’est faite plus grande. En Gironde plus de 60 % des interventions sont liées aux secours aux personnes sur la voie publique (mission fondamentale) mais surtout en privé faute de réponse d’un système de santé privatisé défaillant. Il « faut » des interventions rapides, techniquement irréprochables des secouristes ou des soldats du feu pour satisfaire le besoin grandissant des « consommateurs de secours ». Nous passons en effet en quelques secondes du statut de citoyen indifférent au fonctionnement des structures actuelles à celui de solliciteurs intransigeants sur les réponses apportées par des… gens volontaires 24 heures sur 24 mais parfois considérés comme ayant une obligation inexorable de résultat.
Or notre société du fric n’a pas encore pris la véritable dimension des efforts que représente une participation (certes indemnisées) strictement volontaire à la vie collective. Il est en effet impossible de financer un service totalement professionnel sauf à restreindre grandement les missions actuelles confiées aux sapeurs-pompiers. En Allemagne par exemple ils sont quasiment intégralement assurés dans les village par des volontaires reconnus pour leur dévouement et leur efficacité. Et dans bien d’autres pays le « volontariat » constitue l’ossature des secours aux personnes et aux biens, les services de santé privés ou publics ou l’État (armée ou services spécialisés) interviennent en complément ou se substitue lors d’événements graves. Les assurances assument le financement des secours. Chez nous la totalité des dépenses est assurée (sauf à Paris et Marseille) par les collectivités territoriales tant en fonctionnement qu’en investissement.
Dans le système français on assiste à des paradoxes étonnants : sur un accident d’automobile le contrat prend à sa charge l’enlèvement du véhicule et son rapatriement mais ne prévoit pas l’évacuation d’un éventuel blessé vers l’hôpital. Il en est de même lorsque le 15 décide de faire appel aux sapeurs-pompiers pour des relevages de personnes âgées, pour des accidents domestiques par carence des intervenants privés (service de garde inexistant ou submergé, ambulances non mobilisables) les assurances ne règlent pas un euro. Actuellement plus de 30 % des sorties effectuées à la demande du 15 (transports de malades ou de personnes âgées) ne sont pas remboursées par la sécurité sociale et sont indirectement imputées sur les impôts locaux communaux, intercommunaux ou départementaux ! Et, à l’arrivée on entre dans une spirale d’augmentation des dépenses qui va poser très vite des problèmes insurmontables. Réponses nocturnes de plus en plus nombreuses à des appels consécutifs aux alarmes détenues par les personnes âgées isolées, interventions dans des querelles d’après boire ou des conflits familiaux : les centres sont sous pression (on passe parfois la barre des 450 sorties quotidiennes sur le département ce qui représente la côte d’alerte dans l’hypothèse où il faudrait une mobilisation massive sur un événement majeur ! Dans ces cas là les « citoyens volontaires » deviennent indispensables… et essentiels dans tous les dispositifs. Les deux victimes de Digne-les-Bains ont payé leur dévouement au service des autres dans un contexte devenant très dangereux. Les maisons sont bourrées de produits dangereux (rembourrages des canapés, meubles en matériau synthétique, vernis très inflammables, tapis…) dont les fumées peuvent provoquer des accidents graves par le phénomène du « flash-over » ou des intoxications mortelles ce qui fragilisent les interventions des sapeurs-pompiers. Il faut s’attendre cette semaine à des déclarations apitoyées et à de vibrants hommages. Ils sont mérités mais ils ne feront que masquer la dérive d’un système de secours qui nécessite un vrai débat public !
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Comme quoi nos députés sénateurs et élus de tout poil ont de quoi s’occuper avant certaines manoeuvres stériles !