Le tremblement de terre qui a secoué la région d’Émilie en Italie avait contraint les dirigeants de Cittaslow international à repousser l’assemblée générale de cette association de villes. Créon aura donc dû patienter plusieurs mois pour recevoir sa certification qu’elle avait sollicitée il y a près d’un an. C’est désormais chose faite puisque la preuve d’entrée officielle dans ce cercle très fermé des cités tournées vers une forme d’art de vivre ne reposant plus sur la vitesse a été remise à Novallera, en même temps qu’à l’autre ville girondine de Blanquefort. En fait, ce sera la seconde « récompense » officielle de 2012, avec le ruban national du développement durable qui a été renouvelé pour deux années supplémentaires par le jury national. Chaque fois, les critères de ces reconnaissances sont quasiment identiques et reposent sur les volets sociaux, citoyens et environnementaux, de la politique municipale. Ces 3 piliers sont en effet indissociables et c’est de leur appréciation globale que dépend véritablement l’avenir local.
Pour Créon, l’axe général de toute l’action municipale repose sur la volonté de ne jamais basculer vers toutes les formes de consommation de la vie quotidienne, mais de faire, autant que cette volonté soit comprise, des actrices et des acteurs de la gestion de leur avenir. Même si cette appellation risque de paraître présomptueuse, la méthode peut se définir comme de l’autogestion associative citoyenne. Les deux autres volets découlent nécessairement de la constance que l’on doit avoir dans la mise en œuvre de ce principe. Bien évidemment, il faut de longues années pour parvenir à instiller une autre vision de la gestion municipale, ne reposant plus sur la toute puissance des élus mais sur des délégations maîtrisées d’une bonne part de l’action collective aux habitants, organisés en associations gestionnaires. C’est ainsi que la totalité des actions collectives locales ou intercommunales sont placées entre les mains de plusieurs centaines d’élus, tout aussi capables que les conseillers municipaux de mettre en œuvre des initiatives d’intérêt collectif.
Tout le secteur culturel (cinéma, bibliothèque, musique, apprentissages artistques, spectacles, manifestations ou animations multiples…) est déconnecté du budget communal pour être, par convention, animé, programmé, mis en œuvre par plus d’une soixantaine de personnes de toutes origines et de tous les âges. Et il en est ainsi désormais depuis plus de 40 ans avec, lentement, la mise en place d’une professionnalisation des actions, puisque les associations ayant une activité dans ce secteur emploient plus de 50 mutualisés en équivalents temps plein. Les élus locaux travaillent avec les citoyens à l’élaboration des conventions d’objectifs sur 3 ans, garantissant des aides matérielles et des financements ne reposant que sur des objectifs quantitatifs et qualitatifs communs. Il en va de même dans le sport, mais avec un volume d’emplois moindre ! Globalement, sur le plan social, le système est identique avec, à l’échelon intercommunal ou communal, la nécessité de voir des bonnes volontés prendre en compte les services allant de la petite enfance, à la vieillesse en passant par la jeunesse. Là encore, la gestion associative citoyenne permet de coller au plus près des besoins et surtout d’éviter que les initiative soient stérilisées par le conformisme administratif. Plus de 70 équivalents temps plein interviennent sur l’ensemble de ces propositions, lentement mises en place. Le conventionnement permet, là encore, un partage équitable des responsabilités : à la collectivité territoriale, les soucis matériels et aux bénévoles gestionnaires, secondés par les professionnels de leur choix, les orientations ou les choix adaptés aux besoins.
L’abandon de la primauté de l’élu municipal sur l’élu associatif demeure parfois délicate à gérer, mais grâce à la mise en place de « conseils consultatifs locaux » thématiques ou factuels, il devient possible de cogérer les décisions fondamentales liées au budget ou aux investissements. Le va-et-vient est constant, avec ses réussites et ses échecs. Une répartition des rôles a fini par s’installer autour d’une confiance réciproque ! Les relèves ont toujours été au rendez-vous avec au total plus de 200 citoyens engagés au service de l’intérêt général à l’échelon exécutif. Il n’y a pas de plus grand bonheur pour moi que de n’être qu’un parmi les autres, avec des idées à faire vivre et à partager mais sans affirmer la prédominance du pouvoir municipal. Pas question cependant de tout accepter, de tout soutenir ou de tout cautionner, car toute action doit être adaptée au potentiel communal et aux exigences de la rigueur budgétaire. Les élus deviennent davantage des facilitateurs de la vie collective avec pour toutes et tous un engagement associatif ou socio-politique fort, plutôt que d’être les détenteurs d’un pouvoir discrétionnaire, justifié par des concepts idéologiques déconnectés des réalités locales. Cette philosophie a été rassemblée et codifiée dans un pacte « social, citoyen et durable » qui a servi de base aux deux jurys. Ils ont vérifié que derrière les paroles ou les écrits, il y avait des réalités. Et en cette période de crise profonde où les moyens vont manquer, c’est ce volet d’une « économie citoyenne et sociale », reposant sur l’investissement humain, qui peut sauver bien des secteurs concourant au bien vivre ensemble. On est loin, très loin, des propos tenus ailleurs sur le profit, les ratios, la vitesse, l’efficacité supposée, les dégâts sociaux sous toutes leurs formes. Cittaslow préfère les valeurs, les engagements, les réalisations dans lesquels le citoyen joue pleinement son rôle ! C’est ce qui fait la valeur du diplôme que ramèneront les ambassadeurs créonnais !
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Bravo car voilà l’avenir !