Lors d’une manifestation sociale, culturelle, sportive ou politique, il est fréquent de jauger sa réussite au nombre de personnes qui sont venues en partager les finalités. A la fin, il appartient à celles et ceux qui l’ont conçue de faire une brève pause pour évaluer les réalités de l’impact qu’elle a pu avoir selon les objectifs annoncés. En allant d’un lieu à l’autre depuis vendredi soir en cette période de crise et après la grande messe de la Sorbonne sur la décentralisation, je me pose inévitablement la question de l’adéquation entre les propositions présidentielles et les réalités du terrain. De vendredi soir à dimanche après-midi, j’ai véritablement rencontré et dialogué avec plusieurs centaines de personnes de tous les âges et de toutes les origines. Tous n’ont qu’une seule préoccupation à l’égard de l’élu local : la proximité !
C’est leur seule véritable exigence en matière de comportement, et les débats autour des mots, des concepts, des motions et des annonces, leur apparaissent comme totalement incongrus voire inutiles. La crise va renforcer la pression sur celles et ceux qui affichent une réelle disponibilité, car il va falloir répondre à leur attente de trouver une point d’ancrage et… surtout d’écoute. Il perle une angoisse de l’avenir qui va peser sur les élus de terrain. Et justement, toutes les annonces de François Hollande accentuent le fossé entre les citoyens et celles et ceux qu’ils ont désigné pour les représenter. Les modes d’élection (proportionnelle à tous les niveaux ou duo pour les cantons, concurrence de légitimité entre intercommunalités de tous niveaux et communes…) ou le partage complexifié des compétences (négociations avec des chefs de file…), l’augmentation de fait du nombre de personnes différentes élues vont obliger l’administré à aller d’un lieu à un autre pour présenter ses requêtes ou ses projets. Le caractère impersonnel des relations futures ne va vraiment pas améliorer la participation aux scrutins à venir.
Vendredi soir, on célébrait les 10 ans de l’Université du temps libre, qui regroupe plus de 430 retraités passionnés par plus d’une vingtaine d’ateliers d’apprentissages ou de savoirs. La salle de l’espace culturel était copieusement garnie, et toute la soirée le dialogue a été au centre de la soirée. Il est souhaité, demandé depuis longtemps et formalisé. Ces « Utéliens », comme ils se nomment, représentent d’une certaine manière une catégorie sociale véritablement plus engagée que beaucoup d’autres. Les demandes sont nombreuses, les questions fusent, les inquiétudes pointent…d’autant plus aisément qu’ils ont confiance dans leur interlocuteur et qu’ils savent qu’ils le retrouveront sur leur route dans les prochaines semaines dans la… proximité. J’en suis sorti avec le sentiment mitigé que la désillusion pointe sous les sourires de circonstance : impossible de leur faire comprendre que tout ne sera plus possible et que leur situation n’est guère alarmante. Il leur faut les moyens matériels d’exercer leur passion personnelle !
Samedi matin, deux jeunes en BTS qui cherchent désespérément des stages que leur imposent leurs études, soit-disant proches du milieu économique réputé réel ! Ils se moquent pas mal de savoir que les universités ou leur formation dépendent de la Région, car ils ne connaissent pas un seul conseiller régional… et sont bien incapables de savoir où ils peuvent en rencontrer un pour exposer le drame que représente pour eux des lettres sans réponse ou des portes fermées ! Suit un mariage franco-malgache, et des époux qui ne veulent voir que le Maire pour célébrer ce moment strictement administratif de leur vie, sans garantie sur la durabilité de la démarche… La vingtaine de personnes présentes est à mille lieues des débats sur de nouvelles dispositions lancés par des élus surtout soucieux de se faire de la promotion par des positions réactionnaires, alors qu’ils officient très très rarement pour ce genre d’exercice. En fait, on vient de plus en plus souvent, quelle que soit la situation, « officialiser » une vie à deux ne posant aucun problème dans la vie sociale !
Inauguration ensuite d’une exposition sur la mémoire et la préservation du patrimoine. Un autre public autour de l’élue organisatrice, et encore une fois la prise de conscience, avec des interrogations sur les photographies présentées… autour des évolutions de l’environnement urbain. Une trentaine de visiteurs avec très peu d’élus !
La Députée attend pour rencontrer toutes les personnes qui l’ont soutenue. Près de 150 participants. Un moment important avec des personnes de toutes les origines sociales, de tous les milieux, et une très faible participation des militant(e)s… Là se trouve la diversité sociale avec ce qu’elle peut générer comme problèmes. Martine Faure va d’un groupe à l’autre, explicitant ses positions, sollicitant la compréhension, activant le réseau de ces « motivés », dont une bonne douzaine de maires. La « politique » est présente. Il faut expliquer en direct. Il faut convaincre ses propres soutiens (ou du moins celles et ceux qui ont été parmi les soutiens) et insister sur la gravité de la situation léguée par le Sarkozysme. Un énorme effort d’éducation populaire citoyenne serait utile, mais les préoccupations sont ailleurs et aux combats internes. La matinée s’achève… je file au repas organisé dans un lotissement pour célébrer les 40 ans de l’arrivée des premiers habitants. L’ambiance est différente.
Dans la proximité, on partage simplement le plaisir d’être ensemble par delà toutes les différences, toutes les divergences. Un pur bonheur que celui de se retrouver avec des gens qui croient dans les vertus de l’amitié avant de penser au reste… Menu pantagruélique, verres pleins, ambiance détendue : l’élu s’efface devant le copain ou l’ami. N’empêche que l’on peut encore et toujours informer, justifier, contredire ! Rien ne remplacera ce contact direct, débarrassé du formalisme politique, que seul l’élu local peut pratiquer. Il reste à partir pour l’inauguration des locaux parlementaires de la députée. Un autre échange et d’autres préoccupations plus politiciennes, mais encore amicales pour celles et ceux qui ont fait le déplacement… En moins de 24 heures j’aurai croisé plus de 500 personnes différentes et dialogué avec une bonne centaine d’entre eux, j’aurai pu m’exprimer sur les valeurs qui sont les miennes, écouter leurs préoccupations, répondre à leurs remarques et je me serai enrichi de leur réflexion. Je n’ai pas du tout la certitude qu’il en sera ainsi en 2015 !
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La journée d’un(e) élu (e) de terrain est parfaitement décrite. Des temps de rencontre indispensables pour chacun, ils permettent de sortir de l’anonymat.
Oui , les citoyens ne connaissent pas directement le conseil Régional qui ne représente aucun territoire spécifiquement.
Or chacun d’entre nous a besoin de connaitre l’autre .élu. Seule une élection au scrutin uninominal liée à un territoire déterminé permet d’identifier qui est l’interlocuteur potentiel , permet de maintenir la proximité. Proximité qui permet d’écouter , décoder les besoins de chacun.
Alors c’est vrai attention à ne pas éloigner les élus des territoires et par là même des citoyens