Préparer le budget 2013 d’une collectivité territoriale conduit à bâtir une stratégie aussi précise que possible. En fait, c’est simplement faire de la politique au sens premier de ce terme, alors que ce n’est souvent piloté que par la notion de « gestion ». Il en va de même au niveau de l’État, car les choix deviennent essentiels dans un contexte de crise profonde du système libéral. Et souvent, dans les discussions militantes, on se contente de l’écume des mots, ou de ressasser des idées toutes faites sans véritablement aller à l’essentiel. C’est actuellement le cas pour les prises de position sur le vote du traité européen, déconnectées de toute analyse objective. En fait, les options de base de la confection d’un budget public restent extrêmement simples.
La première a été celle des périodes fastes : le « politique » décide du niveau des dépenses et ajuste les recettes, pour satisfaire ce que l’on considère comme des besoins « essentiels » (et inévitablement tout est essentiel pour celles et ceux qui gèrent un pan de la vie sociale collective). Le danger immédiat, c’est que faute de réflexion sur des priorités, on augmente automatiquement toutes les dépenses (ce qui s’est fait durant des années) et que l’on se contente d’ajuster la collecte fiscale à une hausse provisoirement « rentable » sur le plan électoral. La croissance exponentielle des dépenses sans aucun choix réel conduit inévitablement à une course infernale qui finit tôt ou tard dans le mur !
Dans le contexte actuel, la très grande majorité des « politiques » comprennent difficilement, à tous les étages de la gouvernance que, avant de travailler sur des chiffres, il faut absolument se raccrocher à des valeurs, et cesser de clamer que… tout est possible en matière de financement. Ils ont majoritairement horreur du mot « priorité » quand ils considèrent qu’il est formulé à l’encontre de leur propre « priorité ». La confection d’un budget devient similaire au fameux sketch de Raymond Devos sur le carrefour, sur lequel s’installe un enchevêtrement de récriminations basées sur la peur de ne pas être servis !
Priorités inévitables
L’établissement de priorités reste donc l’exercice le plus ardu à mener en matière budgétaire, car ce travail de fond provoque des réactions corporatistes, lobbyistes, et génère une dramatisation exacerbée qui débouche sur des révoltes exaltées. Le gouvernement actuel tente de mettre en œuvre quelques priorités immédiates (éducation, justice, dépendance…) mais inévitablement, les ministres « brimés » avalent difficilement leur non sélection. La plus grande difficulté apparaît vite : le plus exigeant ce n’est pas, en politique, de prendre des décisions, c’est de les assumer !
La seconde option qui s’offre pour établir un budget prend désormais une importance nouvelle. On tient compte des recettes sur lesquelles on est certain de compter, et on fait entrer les dépenses dans ce cadre contraint, sans augmenter les dépenses. La marge devient alors non pas l’augmentation des « rentrées », mais la diminution des « sorties ». C’est encore plus difficile, car il n’y a même plus de « priorités positives », mais seulement des « priorités négatives » ! Politiquement, tout le monde se débine… car annoncer ce qu’il faut alors appeler « l’austérité » prend des allures de crime social ! C’est la base du Traité européen actuel, qui fait de ce système la base de ses préconisations avec, et c’est là le problème, des sanctions potentielles si on ne s’inscrit pas dans cette méthode imposée par des organismes non-politiques externes.
Impôts ou dépenses ?
Alors, à tous les étages, le seul débat qui vaut, c’est le suivant : pour redresser les finances publiques sans étouffer la croissance économique, vaut-il mieux augmenter les impôts ou réduire les dépenses publiques ? Le gouvernement a décidé de respecter l’engagement de la France de réduire le déficit de 4,5 % fin 2012 à 3 % fin 2013. Pour boucler son budget 2013, il a tranché : les 30 milliards d’euros supplémentaires que l’État fait rentrer dans les caisses se décomposent en 20 milliards d’impôts en plus et 10 milliards de dépenses en moins. Un « mélange» entre deux solutions qui nécessite obligatoirement que le coût de la dette n’augmente pas ! Bien évidemment, un équilibre très critiqué par la droite qui voudrait que la France se range sur les plans grec, espagnol, portugais et dans une moindre mesure italien. Pour réduire les dépenses publiques, ils n’ont eu que deux méthodes depuis une décennie : démanteler le service public à la Française et le privatiser ! Il est donc impératif que le choc des 30 milliards soit absorbé en douceur.
La chute sans fin de la Grèce, à laquelle ces principes ont été imposés, angoisse tous les « faiseurs de budget », car les plans de rigueur drastiques mis en place pour réduire le déficit ont provoqué une récession dramatique sans fin. Ils entraînent en effet un effondrement continu des recettes fiscales, obligeant à de nouvelles cures d’austérité globales qui dépriment encore plus l’économie… tout en éloignant encore et toujours la perspective de comblement du déficit ! Cette réalité pèse actuellement sur les préparations budgétaires, et celles et ceux qui clament haut et fort des positions de principe devraient songer à analyser le contexte général ! On ne peut pas améliorer des recettes en taxant du vide ! On ne peut pas diminuer massivement les dépenses (surtout en investissement) sans tuer l’emploi et le pouvoir d’achat.
Stratégie bien dosée
La stratégie budgétaire du gouvernement est ajustée aux circonstances et à ces constats. D’abord, en France, plus des deux-tiers de la croissance s’appuie sur la consommation des ménages. Du coup, toute restriction trop forte de la dépense publique, qui supposerait notamment soit une nette baisse du nombre de fonctionnaires, soit du pouvoir d’achat de ces fonctionnaires, soit de la masse des transferts sociaux, aurait un impact récessif majeur. L’augmentation des impôts est « intelligente » c’est-à-dire spécialement ciblée pour ne pas peser sur les déterminants de la croissance économique française. En effet, les 10 milliards d’impôts supplémentaires décidés affectent principalement les 5% des contribuables les plus riches, et les 10 milliards réclamés aux entreprises touchent surtout les grands groupes. Or, les riches, ce sont ceux qui, proportionnellement à leurs revenus, consomment le moins et épargnent plus que les autres. Mais bien évidemment la Droite, qui reste la Droite, hurle avec les loups !
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En 1828, le budget de la France atteint pour la première fois le milliard de francs, chiffre faramineux pour l’époque.
« Saluez ce chiffre Messieurs, vous ne le reverrez pas ! » lance aux parlementaires le comte de Villèle, ministre des finances en exercice, persuadé que plus jamais un budget n’atteindra ce montant.
Il avait malheureusement raison, mais pas dans le sens qu’il l’entendait.