J’avais, dans une chronique, évoqué la situation paradoxale dans les arrières boutiques de certains ensembles immobiliers marseillais (1) avec une orientation générale des mesures à prendre : s’attaquer à l’économie parallèle en multipliant les contrôles inter-administrations sur la situation réelle d’un tas de gens vivant ostensiblement au-dessus de leurs moyens officiels. Cette proposition, qui va à l’encontre des « demandes de circonstances » sollicitant l’envoi de l’armée ou des interventions policières massives n’avait rien de novateur, puisque c’est de cette manière que le FBI s’était attaqué à la mafia d’avant la dernière guerre mondiale, laquelle avait prospéré sur la prohibition. Moins que jamais, cette approche, différente d’une répression visible ou spectaculaire, n’a de chance d’être mise en œuvre, en raison des suppressions massives de « fonctionnaires » effectuées dans les dernières années. Des corps d’élite restent à mettre en place pour mener une lutte implacable contre ces masses énormes d’argent qui circulent plus ou moins officiellement dans les banlieues. D’ailleurs, l’affaire des policiers marseillais, actuellement en garde à vue, rend encore plus crédible le fait que la racine du mal se trouve bien dans cette économie souterraine exaspérante pour celles et ceux qui rament au quotidien avec des petits boulots ou des salaires misérables.
Une descente de l’IGPN est en effet intervenue dans le cadre d’une information judiciaire, ouverte en février, à l’égard de policiers, pour « vols en bande organisée, extorsion en bande organisée, infractions à la législation sur les stupéfiants », qui fait encourir aux suspects jusqu’à 20 ans de réclusion criminelle. Leur garde à vue peut durer 96 heures. Ils sont soupçonnés d’avoir volé ou extorqué de l’argent ou des produits à des dealers et des vendeurs de cigarettes à la sauvette, selon le procureur de la République. « Un certain nombre d’entre eux, apparemment, se payaient sur la bête, ou prélevaient leur dîme en espèces ou en nature à des fins sans doute personnelles, ou peut-être pour accomplir leur travail d’infiltration du milieu délinquant », a affirmé le magistrat , évoquant « une pratique assez répandue au sein de ce service et depuis assez longtemps ».
L’affaire a débuté en novembre 2011, quand la justice a eu vent, via le préfet de police de l’époque, et la délégation régionale de l’IGPN à Marseille, de « faits troublants » et de « renseignements assez convergents » concernant des fonctionnaires de la BAC nord. Une enquête préliminaire était ouverte par le parquet et des écoutes confortaient ces éléments, conduisant à l’ouverture d’une information judiciaire le 22 février. Le processus trouve son aboutissement avec une « rafle » dans un service de police… L’explication est toujours la même : l’appât du gain dans un contexte où l’argent facile circule ouvertement.
Un homme, se présentant comme cet ex-policier de la BAC Nord, avait témoigné de dos et la voix modifiée, évoquant des vols d’argent, de drogue ou de scooters. « L’argent coule à flot dans les cités, et au lieu de faire notre boulot de flic, on va récupérer, dans ces cités, des jeunes qui ont des sacoches ou de l’argent, puis on passe des petits deals: on les laisse repartir et on garde l’argent pour soi », avait-il dit notamment, indiquant avoir subi « des menaces » pour avoir voulu dénoncer ces faits. Les sommes récupérées sont certainement impossibles à quantifier car il s’agit essentiellement de liquide piqué à des gens qui ont tout intérêt à la fermer, mais c’est probablement des montants assez élevés, pouvant arranger des fins de mois difficiles.
On pourra renforcer toutes les patrouilles possibles, il n’y aura pas de changements notoires tant que l’on n’aura pas tari les sources des trafics et surtout étranglé les financements qu’elles procurent. En juillet 2010, une opération «mains propres» avait déjà permis d’épingler une demi-douzaine de policiers phocéens censés être en cheville avec les frères Gérard et Michel Campanella, ainsi que Bernard Barresi, figures du grand banditisme corso-marseillais. Les risques de «fuites» à l’échelon local avaient été tels qu’une quarantaine de policiers avaient été dépêchés de Paris pour garantir la confidentialité de l’opération qui avait frappé au total une vingtaine de gros caïds. Depuis lors, l’ex-préfet de police avait entamé la «grande lessive», avant d’être remplacé le mois dernier par Jean-Paul Bonnetain, qui, semble-t-il, n’en a pas fini de nettoyer les écuries d’Augias. Il n’est pas certain que le fil de laine tiré ne détricote pas un réseau beaucoup plus vaste.
La police, soumise à la politique du chiffre, à l’essorage des plaintes, à la mise en place de « victoires faciles » pour redresser des statistiques médiocres, est en pleine tempête médiatique, avec ses cracks qui finissent mal à Lyon ou Lille, ses vagues de « ripoux » qui traversent les pages des journaux. Pendant ce temps, le maire d’Echirolles explique que, sur l’agglomération grenobloise, il y a parfois la nuit…une voiture de police en patrouille, avec deux fonctionnaires. Sur 40 policiers affectés à la division Sud de l’agglo, seuls 19 sont sur le terrain, pour 150.000 habitants. Le pays est globalement dans cette réalité et ne croit plus en grand chose quand, chaque jour, s’effondrent les certitudes républicaines et plus encore la confiance dans un système démantelé moralement et dépouillé matériellement… La France est en lambeaux. Vals n’arrivera jamais à boucher tous les tuyaux percés qui inondent l’opinion dominante chaque jour davantage. Le FN a de beaux jours devant lui !
(1) chronique du 1° septembre
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Hors sujet, mais à propos de « phynances », une soirée thématique hier soir sur Arte : Noire Finance, avec deux films un peu ardus, pas faciles à suivre mais très instructifs et qui expliquent les abberarrtions économiques qui sévissent depuis 1929 (Octobre Noir : LA GRANDE POMPE A PHYNANCES et LE BAL DES VAUTOURS.
Les films repasseront probablement le matin sur Arte, il faudra faire le guet, je tâcherai de les enregister.