Les centimes qui masquent les errements sarkozystes

C’est la rentrée médiatique et, après les sujets futiles, les « marronniers » et les « faits divers » il est temps de replonger dans un grand bain de crise, qui va se décliner par de longues diatribes sur l’écume des faits. Après les grandes élections et des mois de préparation des scrutins nationaux décisifs, nous entrons dans les campagnes internes du PS et de l’UMP…Une gigantesque partie de poker menteur se met en place avec, ce dont rêvent les grands supports nationaux qui font l’opinion dominante, de beaux affrontements de personnes, mais surtout pas d’idées. Il faudra à droite, comme à gauche, se ranger derrière un nom qui ne portera pas d’autres pavillons que le sien et son ambition. On négociera, on dissertera, on favorisera, on interpellera, mais surtout on assassinera, d’une phrase acérée comme une dague et avec fracas ! Chaque dimanche soir, pour celui qui se présente dans ces fameux entretiens, alliant presse écrite, télévision et radio, il faudra retenir le coup mortel porté à celui qui fut adulé, adoré et soutenu avant d’être haï, détruit et abandonné. Les bonnes habitudes ne se perdent jamais.

Avec un brin de gaucherie, les membres du gouvernement Ayrault vont s’engouffrer dans ces brèches ouvertes dans leurs valeurs. Si l’on prend un exemple récent, on constate que le principe jaurésien qui veut que « le courage soit de chercher la vérité et de la dire » n’a pas cours. Le prix de l’essence va ainsi envahir écrans, pages de journaux et ondes radiophoniques. Chacun y va de sa « réduction », avec une surenchère au sein même du gouvernement, entre Bercy et Matignon. En fait, comme il n’y a plus aucune pédagogie citoyenne, on se jette à la face des centimes n’ayant aucun sens, sauf celui d’alimenter les pompes à sensation des radios et des télés répétitives ! Peut-être eût-il fallu que quelqu’un explique ce qu’étaient véritablement les taxes sur les produits pétroliers et leur mécanisme, avant de s’aventurer dans des promesses dénuées de toute crédibilité. Et pour cela, il faut revenir à la source des maux des finances publiques créés par le poujadisme sarkozyste… Qui osera rappeler que le système fiscal trituré durant dix ans par la droite ultra-libérale a été totalement contraire aux principes républicains de la contribution équitable de chacun aux dépenses collectives. « L’impôt », mot abhorré, vomi, dégradé a été constamment remplacé par des dizaines de « taxes » nouvelles ou réformées. La TIPP ou la TICPP, selon de quel point de vue on se place, n’est qu’un prélèvement injuste ne tenant absolument pas compte de l’usage que l’on fait du carburant ! Elle n’a aucune autre finalité immédiate que celle de compenser la fameuse suppression de la Taxe professionnelle, ce qui ligote le gouvernement.

Et c’est là que la bât blesse. La marge de manœuvre dont disposent les socialistes est inexistante puisque, dans le fameux panier fiscal de compensation pour les régions et les départements, on leur a donné, sous Sarkozy, le pouvoir d’ajuster le montant régional de la taxe intérieure sur les produits énergétiques. Elle tire son origine de la TIP (taxe intérieure pétrolière), mise en place par les lois du 16 et 30 mars…1928 qui organisent l’industrie du raffinage en France. Cette taxe avait pour but de compenser le déclin d’une autre contribution indirecte, l’impôt sur le sel. Elle est largement montée en puissance dans les années 1970, en réaction au choc économique qui a suivi le choc pétrolier de 1973. Depuis 2005, la France a obtenu une dérogation de la part de l’Union européenne et applique une taxe intérieure de consommation régionalisée, sur les produits pétroliers, sur les supercarburants sans plomb (95 et 98) et gazole. En 2011, le nom de cette taxe a été changé de taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers en taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, rendant ainsi plus clair le fait qu’elle s’applique aussi à des sources d’énergie qui ne sont pas d’origine pétrolière. Or là, on ne parle que d’une partie du problème avec des propos tellement simplificateurs (mais il paraît que c’est désormais la loi médiatique) que j’en suis abasourdi !

Comment le gouvernement peut-il modifier cette taxe sans altérer les budgets régionaux (déjà totalement soumis aux volontés de l’État) ou départementaux (déjà rongés par les dépenses sociales de solidarité) ? Comment compensera-t-il des ressources aléatoires soumises aux fluctuations économiques ? N’est-ce pas une aberration que d’avoir lié les collectivités à des taxes et de les avoir privées du principe démocratique de libre gestion via l’impôt ? Comment peut-on annoncer des baisses du prix des carburants quand on ne dispose pas du pouvoir d’en fixer les taux, décidés par les conseils régionaux ? En perdant son pouvoir régalien d’équité territoriale, l’État s’est lui-même pendu, car il a fait un cadeau aux pétroliers, et aux distributeurs. Combien a économisé Total avec la suppression de la Taxe professionnelle ? Cette taxe rapporte environ 25 milliards d’euros par an. Le produit de la TICPE va à l’État, mais aussi aux régions et aux départements. Montant fixe perçu par litre vendu, la TICPE est constante pour une année donnée (montant inscrit dans la loi de finances). De ce fait, elle ne subit pas l’impact des fluctuations des prix du brut, du raffinage et de la distribution. En 2012, la TICPE est de 0,607 € par litre d’essence et de 0,428 € par litre  de gazole. Depuis 2007, les Conseils Régionaux peuvent majorer la TICPE du carburant consommé dans leur région (jusqu’à 0,025 €/l en plus)… et ils attendent, avec les départements de savoir si les compensations annoncées pour 2012 seront maintenues. Car alors, les 6 centimes seront vite repris dans la poche via d’autres taxes ! Aucune solution alternative à la sur-consommation pétrolière : transports collectifs (voir l’initiative du Conseil général de la Gironde des trajets à 2,50 €), mobilités diversifiées (vélo, covoiturage…), circuits courts de distribution… et tant d’autres initiatives non aidées financièrement et qui pourtant constituent les seules solutions pour diminuer la facture pétrolière ! Taxons! Taxons! Taxons !

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Cet article a 5 commentaires

  1. REIX J-P

    Je m’attendais à autre choses de la part de ce gouvernement de gauche allié aux écologistes.
    Cette baisse des prix des carburants me semble être démagogique !
    Ils devraient non pas diminuer mais augmenter pour que le pollueur soit le payeur, ce qui inciterait aussi à polluer moins ! De plus cela comblerait sainement une partie du déficit abyssal. Quitte à prévoir après un chèque carburant pour les plus modestes qui n’ont pas d’autres moyens de transport.
    Alors que les études scientifiques indiquent que les particules fines des diesels tuent chaque années plusieurs fois plus que les accidents de la route, en France nous continuons à taxer moins le gas-oil que l’essence comme vous le rappelez « En 2012, la TICPE est de 0,607 €/l d’essence et de 0,428 €/l de gazole », c’est incompréhensible !
    Ceux qui font du vélo savent quelle odeur nauséabonde émettent les véhicules diesels surtout ceux qui n’ont pas de filtre à particules soit la majorité, mais ce n’est pas l’odeur qui est le plus grave, c’est la mort prématuré pour nombre de personnes. (Il y aurait aussi à dire sur les véhicules essence sans pot catalytique, ainsi que sur les deux roues qui polluent beaucoup)
    Espérons que le gouvernement reviendra à la raison, 2 euros le litre pour l’essence et le gas-oil serait salutaire. Mais je ne m’appelle pas René Dumont !

  2. DURAND Gérard

    Nous restons les dindons de la farce et franchement je ne vois pas d’amélioration, après tant de promesses j’ai vraiment à ma gauche et je conseille à tous de vraiment se secouer pour faire entendre raison à cette fausse gauche pas du tout socialiste .

  3. François

    Bonjour !
    Vous dites « une fausse gauche pas du tout socialiste » ?
    Bizarre … comme c’est bizarre !
    Et si le Béarnais, que l’on a tant moqué ( à gauche comme à droite, il y a …moins de cinq mois !) et renvoyé dans ses verts pâturages, avait raison avant la fin de l’année ?
    Bizarre, oui, vraiment bizarre, n’est-ce pas ?
    Cordialement.

  4. Nadine Bompart

    C’est bien vrai que tout ceci est ridicule, autant la « baisse » des carburants que la délégation aux régions, la suppression de la taxe professionnelle où le diktat du diesel! Et aussi la foi aveugle dans le pétrole, comme si, depuis le temps, on aurait pas pu inventer autre chose….
     » La marge de manœuvre dont disposent les socialistes est inexistante. »
    Ah bon ????? Et si l’on commençait par revenir « vraiment » sur les conneries de Sarko, comme, justement, la taxe professionnelle, le financement des Régions (qui passerait forcément par un écrémage et une re-distribution des rôles de ces mille-feuilles locaux), mais aussi le contrôle de ces multinationales qui accumulent les profits hors de nos frontières sans verser un centime d’impôts en France, mais encore de vrais subventions pour la recherche et l’innovation, mais encore un véritable réseau de transports publics et de ferroutage, etc….
    La marge de manœuvre, quand on est aux commandes, on se la crée!!!
    Lisez donc le programme du Front de Gauche si vous voulez voir en quoi la « Gauche », la vraie, celle qui mérite son nom, peut changer bien des choses dans la vie de ses concitoyens, regardez nombre de pays d’Amérique Latine, comment ils ont su se créer la marge de manœuvre dont ils avaient besoin pour vivre!!!!

  5. Dominique

    En effet que d’écumes et peu de fond; le prix de l’énergie fossile ne peut qu’augmenter et réduire de quelques centimes n’apporte aucune solution structurelle et nuit à une réflexion sur la nécessité d’innover en terme de transport collectif et d’améliorer les normes thermiques des bâtiments. Pendant des décennies le contribuable a financé, via le crédit d’impôt, l’investissement locatif et l’Etat n’a pas voulu en profiter pour imposer des normes thermiques plus contraignantes que nous mettons en place bien tardivement aujourd’hui; des marges de manœuvre existent mais il faut du courage et de la pédagogie.
    Je reviens du Valais en Suisse et pour un montant fixe journalier de 2,8 euros vous avez accès aux transports publics (bus, télécabines) avec des horaires cadencés de 6h à 23 heures pour les bus qui accèdent aux villages les plus reculés. Ici à Camblanes nous attendons un bus en site propre (ligne Cadillac/Bordeaux et des horaires cadencés qui sont promis depuis quelques années et je ne vois rien venir alors qu’il existe une ligne de chemin de fer désaffectée qui va jusqu’à Floirac… A Nantes ces lignes existent depuis des années avec des bus toutes les 5 à 10 mn en journée et toute les heures entre 21h et 24heures…

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