Député(e) : à chacun son rôle !

Dimanche soir, il y aura obligatoirement un certain nombre de personnalités des deux camps qui remettront les pieds sur terre. Certains parce qu’ils ont parcouru depuis plus ou moins longtemps les allées du pouvoir parisien. C’est comme une accoutumance dont on sait qu’il est extrêmement difficile de se débarrasser du jour au lendemain. D’autres ont tellement rêvé de se retrouver sur les photos ou devant les caméras aux côtés de cette poignée de gens qui font la pluie ou le beau temps, qu’ils se retrouveront « nus » devant leur avenir. En entrant dans l’arène politique, si on ne sait pas que l’on est mortel et si on se pense invulnérable, on sombre vite, en cas d’échec, dans la dépression. C’est cette imprégnation de la puissance conférée par le suffrage majoritaire uninominal qui conduit à se persuader que le contrat est à durée indéterminée, alors qu’il a obligatoirement un début et une fin, et qu’il nécessite un renouvellement ! Le syndrome de la « grosse tête » est en effet extrêmement répandu dans le monde politique ! Et il faut avouer que les dégâts deviennent de plus en plus considérables à tous les niveaux et qu’une véritable épidémie se répand.

Dans la catégorie des « accros » des fastes et des ors républicains de haut niveau, on trouve une centaine de députés qui, quelles que soient les variations des votes, est assurée de retrouver un siège à l’assemblée. Ils y occupent, parfois de père en fils, les fauteuils les plus importants stratégiquement dans les commissions, et montent régulièrement dans les gouvernements. Il en existe à droite (surtout après le redécoupage Marleix) mais aussi à gauche. Quoiqu’ils fassent, ou ne fassent pas d’ailleurs, la sociologie de leur circonscription historique leur assure le maintien au pouvoir. La seule différence d’une législature à l’autre, c’est qu’ils s’installent soit dans l’opposition, soit dans la majorité, mais ils traversent les épreuves sans aucun risque. Lundi matin, ils retrouveront leur bureau, leurs assistants, leur fauteuil bien en vue à la télé, leur commission, leurs horaires de train ou d’avion comme des « cadres » qui retrouvent leur « entreprise » après une période d’éloignement. Parfois, ils vivent sur une notoriété personnelle héritée ou construite au fil des mandatures et par – surtout – une patiente stratégie de communication. Ces « indéboulonnables » ne craignent qu’une seule chose : la limitation dans le temps des mandats !

Par ailleurs, il en existe une autre centaine qui ne peut plus se passer de cette sorte de « drogue » que représente l’accession à un poste plus prestigieux que celui qu’elle occupe dans la vie professionnelle. Ils échappent, en allant dans la semaine au Parlement, à la pesanteur du local pour se consacrer, s’ils le veulent, à des enjeux infiniment plus théoriques. Ils s’habituent à ces escapades parisiennes au cours desquelles ils se « cachent » parmi un groupe couvrant leur engagement personnel. Ils ont souvent conquis leur siège et ils sont prêts à tout pour le conserver, car ils finissent par goûter à ce système leur épargnant, dans le fond, toute prise de responsabilité. Dans l’opposition, il s’agit de faire nombre et dans la majorité, de ne pas manquer les moments clés, et pour le reste, d’entretenir son lien avec le territoire.

Les pires sont celles et ceux qui ne peuvent absolument plus se passer de cette vie parlementaire. Le niveau de vie, la griserie d’être sur les plateaux, la « vedettarisation » conférée par la télé ou les radios matinales, l’omniprésence sur les réseaux sociaux, permettent à une cinquantaine de députés de n’être que des « porte-parole ». Leur seule obsession, c’est d’être devant le bon micro et la bonne caméra, ou d’être invité par RTL, Europe 1 ou France Inter le mardi ou le mercredi matin. C’est un étrange échange de services qui se met en place : pour faire de l’audience il faut des députés célèbres, mais c’est l’audience qui fait les députés célèbres ! On sait statistiquement qu’une douzaine d’entre eux dans chaque camp monopolisent plus de 60 % des temps de parole. En fait, ils ne sont jamais dans les commissions, car ils passent leur temps en représentation extérieure !

On trouve aussi les bosseurs (ses). En général, ils se spécialisent et suivent uniquement les dossiers qui leur conviennent. La nouvelle mode des notations les pénalise lourdement puisqu’ils ne parlent pas pour ne rien dire d’intéressant. On ne les voit pas dans la fameuse salle des pas perdus où se fait l’actualité. On ne les entend pas en séance sur tous les sujets. En fait, ces député(e)s préfèrent les questions écrites (ils en font rédiger souvent des centaines), beaucoup moins spectaculaires que toutes les autres procédures orales. Il leur arrive parfois, à cause de leur hyper spécialisation, de devenir des « représentants » de lobby. Nombreuses et nombreux sont celles et ceux qui travaillent pour une filière, une catégorie sociale, un événement, une tradition, une « opposition » propres à leur territoire. Ils se taillent une réputation de compétence dans une « niche » et l’entretiennent systématiquement. On peut devenir ainsi le « député du vin blanc », le député du « 19 mars 1962 », le député « des retraités agricoles », le député des « gendarmes »… et de bien d’autres parcelles sociales. Un rapport de temps en temps, et alors l’affaire est jouée.

Enfin, j’ai réservé pour la fin, les « exploiteurs », qui viennent rarement (le mercredi uniquement) et ne remplissent pas un instant leur véritable fonction de législateur. Ils passent 5 minutes pour signer la feuille de présence en commission, et se contentent d’être sur le « terrain » pour préparer les futures échéances. C’est l’absurdité du système qui fait que les gens mandatent un député pour faire des lois et qu’il est « aimé » justement parce qu’il n’accomplit pas la mission qui lui a été confiée. En fait, le (la) vraie député (e) doit être une synthèse de ces quatre « catégories », et il n’existe donc pas !

 

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Cette publication a un commentaire

  1. bonjour,
    puisque vous en parlez, parlons de cette force de frappe presque invisible qu’est la réserve parlementaire. Ainsi, l’Assemblée nationale a distribué soixante-dix-neuf millions d’euros et le Sénat cinquante-huit millions d’euros au titre de la réserve parlementaire en 2011.Les députés investissent leur « réserve » dans les limites de leur circonscription, les sénateurs à l’échelle de leur département d’élection. L’affectation qu’ils font de cette manne bénéficie généralement d’un écho public à travers les délibérations des conseils municipaux qui en font état.
    Certains parlementaires jouent la transparence en publiant, chaque année, le montant de leur « réserve » et sa répartition (par commune, montant et type d’opération). Mais cette transparence individuelle ne permet pas une vision d’ensemble.
    La dérive de ce clientélisme politique s’illustre dans ma circonscription de résidence où le député sortant ( et possiblement bientôt sorti) a placardé des affiches mentionnant  » le canton doit garder son député ». J’assimile cette affiche a une erreur politique grave, le député est un élu national du pouvoir législatif et non un élu local à vocation lobbyiste. Une erreur aussi pour l’injustice qu’elle constitue vis à vis des autres cantons constituant la circonscription.
    En voila assez! Soit on supprime cette réserve parlementaire, soit on organise sa parfaite transparence.
    Bonne journée

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