Le sommet de Rio va encore accoucher d’un texte qui mécontentera tout le monde et ne satisfera personne. C’est désormais une certitude. Ces grandes messes autour du désastre écologique ne servent qu’à justifier le fameux principe voulant que le chemin de l’enfer soit pavé de bonnes intentions. Les négociateurs essayaient en effet de faire avancer le projet de document final qui, sous le beau titre « L’avenir que nous voulons », reste plein de trous et de parenthèses, soulignant les nombreux désaccords. Tout patine. Chaque mot suscite des oppositions entre le lobby économique qui se profile derrière les délégations et les partisans d’une prise de conscience de l’urgence de mesures drastiques pour inverser une tendance néfaste. Le secrétaire général de la conférence Sha Zukang avait demandé aux délégués d’accélérer la cadence, et de dépasser les intérêts étroits et à court terme. Pauvre homme : comment peut-il croire que le texte prendra la réalité en compte ?
Pressé de questions, l’un des responsables a admis que, si les délégués étaient d’accord sur 21% du texte la semaine, dernière avant d’arriver à Rio, on en était seulement aujourd’hui à 25 ou 26%. C’est dire si la situation a évolué ! Le texte ne couvre pas moins de 81 pages, avec 97 articles sur les principaux sujets définis par les Nations Unies : la gouvernance qui manque d’autonomie et d’autorité, le projet d’économie verte, et la fixation d’objectifs du développement durable, le joyau de la couronne du document. Une cinquantaine de pages sont aussi consacrées à des pistes d’action sur des angles thématiques : éradication de la pauvreté, eau, énergie, réchauffement climatique, santé, océans, etc. Il reste pourtant l’essentiel à débattre.
Plusieurs sujets sont âprement discutés, perpétuant la traditionnelle opposition entre pays du nord et du sud. Ainsi, le groupe des pays en développement et de la Chine (77 + Chine) insiste sur l’idée d’une responsabilité collective et différenciée, et sur le transfert de technologies, que les Etats-Unis n’acceptent que volontaire, au nom des droits de propriété intellectuelle. La création d’un fonds du développement durable demandée par les pro-Chinois suscite aussi de profonds désaccords.
D’ores et déjà, nombre d’ONG s’attendaient à ce qu’on ne parvienne à Rio à aucun accord contraignant, mais seulement à des déclarations de principe. Comme à l’habitude… Ce n’est qu’un poker menteur !
A 40 kilomètres de là, la société civile mettait la touche finale à l’organisation du Sommet des peuples, qui ouvre ses portes aujourd’hui, et auquel participera le chef indien brésilien Raoni, qui combat la construction de l’énorme barrage de Belo Monte, en Amazonie. Cette réunion sera vite oubliée et médiatiquement enterrée, car l’époque est à la relance à tout prix, et un barrage vaut des vies humaines, des destructions majeures, car il… rapporte ! « Je vais demander qu’on nous respecte, nous les indigènes, qu’on respecte nos droits, a déclaré le chef Raoni, qui est âgé de 82 ans. Je vais demander qu’on ne fasse pas ce barrage pour que l’eau puisse continuer de couler normalement et que les poissons puissent vivre dans les rivières, pour que nous et nos enfants et petits-enfants puissions manger » a expliqué celui que l’on présente comme le symbole de la résistance au culte du progrès via des équipements pharaoniques. Il faut craindre que les palabres se poursuivent pour déboucher sur un texte sans aucune véritable portée… et pendant ce temps, la pollution s’aggrave.
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