Nous sommes entrés dans une nouvelle dépression politique après des années identiques. Le sursaut de vitalité très modéré du peuple, lors du second tour des élections présidentielles, est en train de retomber. Il n’y a que les naïfs, les optimistes viscéraux et les fans qui ne perçoivent pas cette situation déplorable de l’opinion dite publique. Sarkozy a été sorti : c’était un objectif commun ayant rassemblé des millions de personnes et l’on sait que quand on a atteint psychologiquement ce que l’on espère, il y a immédiatement après un relâchement. Cette vague d’indifférence se propage à une allure angoissante à une semaine du premier tour des législatives.
D’abord par pure ignorance du fonctionnement des institutions républicaines, qui conduit à ignorer le rôle clé de l’Assemblée nationale dans la vie politique. Pour beaucoup trop de gens, les Députés de Droite et celles et ceux qui prétendent le devenir, sont différents du Président sorti… Ils ne portent que peu de responsabilités dans la destruction méthodique des structures républicaines essentielles, et d’ailleurs, dans toutes leurs réunions, ils ne se risquent pas à présenter un bilan. Par ailleurs, l’anti-parlementarisme primaire a fait des ravages. Accusés d’absentéisme récurrent, matraqués pour être des trop payés inutiles, parés du qualificatif de cumulards… les députés n’ont plus, parmi les gens qui ne cherchent pas à aller plus loin que le bout de leur nez collé aux poncifs quotidiens, une cote suffisante pour mobiliser des troupes. Des candidatures « alimentaires », pour partis politiques fantômes, renforcent ce sentiment général qu’il n’est pas utile de se déplacer pour voter en faveur de gens réputés ne chercher que les honneurs et le fric.
Ensuite, un manque d’éducation civique génère une appréciation néfaste, née de l’omniprésence de Sarkozy, qui a conduit trop d’électrices et d’électeurs à penser que c’est à l’Élysée que se font les réformes, alors que seule une majorité de députés peut défaire ce qui a été… mal fait, et que seule une majorité de Députés peut mettre en œuvre les promesses de François Hollande. Voter pour un autre candidat que celles et ceux qui s’engagent à soutenir les initiatives présidentielles, participera à une mise en péril du fonctionnement de la Vème République car cela paralysera de fait la volonté de changement.
Enfin, il faut savoir que le découpage des circonscriptions par l’UMP oblige la Gauche à obtenir globalement 51 % des voix pour avoir la certitude d’être majoritaire. Cette vérité mathématique contraint à rassembler autant de voix qu’en a obtenu au second tour François Hollande, ce qui est loin d’être acquis car au second tour, il ne restera pas en lice seulement… deux candidats ! En fait, il faudra encore plus d’adhésion aux propositions du Président actuel pour les rendre possibles. Or, c’est l’indifférence qui prédomine depuis plusieurs jours. Peu de personnes parlent des législatives. Les médias, au nom de leur pseudo neutralité, n’entretiennent aucun débat de fond sur les institutions, mais se contentent de rapporter des conflits d’intérêts ou de personnes… Sauf réveil des consciences le 18 juin, le risque existe de revenir à un gouvernement sarkoziste ! Se le dissimuler relève de la non-assistance à majorité en danger ! Et la droite sait que la Gauche est dans la situation de Jospin au premier tour des présidentielles de 2002, avec une marge de manœuvre qui se réduit de jour en jour, grâce à des sondages démobilisateurs et une fois encore orientés. Et d’ailleurs, l’UMP-FN se refait la cerise en juin, car c’est de saison !
Jean-Pierre Raffarin a donc estimé « tout à fait possible » une victoire de la droite aux législatives, estimant « important » que la droite se dise « prête à assumer un face-à-face avec François Hollande ». Interrogé sur sa déclaration de la veille, selon laquelle il serait prêt à participer à un gouvernement de cohabitation, il a fait valoir qu’il y avait « un grand nombre d’électeurs de Nicolas Sarkozy qui veulent que l’opposition gagne ». L’ancien premier ministre a mis une nouvelle fois en garde contre « les blessures socialistes qui durent, qui durent », estimant qu’une « erreur socialiste » telle que les 35 heures « coûte cher durablement au pays ». Concernant la bataille qui s’annonce pour le leadership de l’UMP entre Jean-François Copé et François Fillon, et au-delà, pour la présidentielle de 2017, M. Raffarin a fait valoir que la droite ne devait « pas parler de 2017 avant 2015 », date des élections territoriales… ce qui suppose qu’elle ne désespère pas d’être aux affaires à ce moment là.
Bien entendu, ces propos de celui qui se verrait bien Premier Ministre de cohabitation, passeront inaperçus à Gauche, où on pratique encore la méthode Coué ou, pour certains, la politique du pire. Toute voix qui manquera au candidat de gauche le mieux placé au premier tour renforcera la puissance du sarkozysme et donnera des espoirs de retour au président sorti. Il est imprudent et dramatique de ne pas « dramatiser » la situation, car dans quelques semaines nous risquons collectivement de replonger dans un véritable cauchemar, mais comme au soir du 22 avril 2002, les regrets n’estomperont pas la réalité ! Au moins, pour ma part, j’aurai sonné le tocsin avec, je l’avoue, peu de chances d’être entendu et encore moins d’être écouté ! Il ne faut compter que sur nous mêmes pour convaincre, et les élus locaux doivent s’investir fortement dans leur discours et leurs actes en faveur du changement… dans la proximité, la sincérité et l’efficacité !
En savoir plus sur Roue Libre - Le blog de Jean-Marie Darmian
Subscribe to get the latest posts sent to your email.
Il faut dire qu’après 5 années de sarkozisme totalitaire (un euphémisme ?) ayant fait du Palais Bourbon une simple chambre d’enregistrement servile, tout étant régenté par l’Élysée, au mépris de la séparation des pouvoirs inscrite dans la Constitution, je me demande si les électeurs savent encore à quoi sert un député, un vrai, pas les marionnettes UMP-Centre-Droite extrême aux ordres qui ont fait honte à leur mandat ces 5 dernières années.
C’est vrai que de passer d’un pouvoir despotique à la démocratie, c’est difficile à intégrer, surtout quant on fait le maximum pour ne pas l’expliquer aux électeurs lambda !
Et malheureusement il y a toujours des prédateurs tout disposés à user et abuser d’une situation qu’ils cultivent avec raffarinement.
« Nous ne sommes pas sortis de l’auberge. »
On savait, avant le déboulonnage de Naboléon Sarkopathe, que le plus ardu serait de refabriquer des citoyens…
Cher M. Darmian,
Merci d’avoir sonné courageusement le tocsin. Je préfère mille fois une analyse lucide telle que la vôtre, avec l’espoir que vous vous trompiez bien sûr, à un silence assourdissant qui ne me dit rien qui vaille.
L’administration sarkozyste est malheureusement toujours en place….
Bien cordialement
Noëlle