Voici que ma septième campagne électorale des présidentielles s’achève. Bien évidemment elle n’a ressemblé à aucune autre. Militant du PS depuis maintenant 37 ans je n’ai plus, il est vrai, la même foi et le même entrain, car il faut savoir désormais laisser aux autres le soin d’enfiler le costume des responsabilités. Il est vrai que les illusions se perdent en collant ou en distribuant, mais qu’elles se reconstituent au contact direct des habitants. Battre la campagne prend tout son sens dès que l’on place les relations humaines avant toute autre pratique militante. Le plaisir réside dans la rencontre, l’échange, le seul vrai travail qu’est celui consistant à chercher à convaincre ! J’avoue que c’est de plus en plus difficile car le combat est inégal. C’est, pour ma part, la première fois que je ressens la vanité de ces actions rituelles en milieu rural, face au poids médiatique. L’isolement moral et matériel favorise en effet fortement la pression télévisuelle, au détriment de tous les autres messages. Dans les villes, le dialogue reste encore possible alors qu’en zone périurbaine ou rurale il devient impossible : les murs dressé autour des pavillons standardisés n’ont plus d’oreilles ! Quand, en plus, il y a un chien de garde réputé vociférant au moindre effet papillon, l’approche des idées neuves devient impossible.
En 1974, le tract avait tout son poids, la lettre toute sa valeur et la parole pesait sur les consciences. Encore sympathisant du PSU, je conserve le souvenir de cette Gestetner qui crachait des textes enflammés, tapés à la machine à écrire sur un stencil prolifique. Nous mettions tous nos espoirs dans des bulletins artisanaux, dont je conserve des exemplaires comme les reliques d’un engagement « pédagogique » citoyen. En fait, chaque réunion donnait lieu à des empoignades farouches, car la « contradiction », comme l’on disait alors, se portait flamberge au vent dans les réunions adverses. Cette campagne fut celle de mes premiers contacts avec l’action politique, puisqu’antérieurement tout mon militantisme était uniquement syndical. Franchir le pas ne fut pas facile… mais la déception devant les 425 000 voix qui séparèrent Giscard de Mitterrand fut telle qu’il ne pouvait plus être question de rester à l’écart. Pour beaucoup des ardents combattants de mai 68, cette période fut celle de la mutation génétique du contestataire en militant, façonné par l’extraordinaire creuset qu’était le Syndicat National des Instituteurs. Les maires se planquaient puisque, par principe, ils se devaient d’être… apolitiques ! Les élus qui émergeaient préparaient d’autres échéances. Un meeting comme celui que Mitterrand tint dans le quartier bordelais de La Benauge chauffait à blanc un public, essentiellement masculin, issu du milieu enseignant, ouvrier et de la fonction publique. L’élection de 1974 servit d’apprentissage pour une génération, car elle nécessitait des actes beaucoup plus que des images.
En 1981 on entra dans les travaux pratiques. La télé entra dans le jeu et la campagne perdit en authenticité. Pas question de renoncer cependant aux tirages locaux artisanaux. Les élus locaux, entrés en masse dans les mairies en 1977, entrèrent dans le combat. Des comités de soutien se formèrent. La campagne fut féroce, dure, exigeante. L’affichage était massif. Le pays se trouva tapissé des tableaux bleu, rose et rouge de la force tranquille. Au-delà du PS, des citoyens s’engagèrent dans des comités de soutien pour grossir le nombre de celles (les femmes souvent venues du PSU) et ceux qui avaient rejoint le nouveau parti socialiste, pivot d’une union idyllique de la gauche. La campagne fut exaltante, passionnée et passionnante, âpre… car elle portait, pour la première fois depuis 1936 et depuis la Libération, des mesures sociales ou sociétales fortes ! Le bonheur d’avoir été un acteur inlassable d’une aventure politique historique, l’espoir d’être pardonné, comme Rocardien, de ne pas avoir cru, au départ, en Mitterrand, emplissaient les cœurs et les esprits. Aucune autre victoire par la suite (en 9 campagnes personnelles je n’en ai perdu qu’une comme suppléant en 1993) n’a eu cette importance. La mobilisation avait été au maximum. Personne ne peut oublier ces semaines intenses faites de nuits courtes, de collages intensifs, de distributions méthodiques… et de réunions dans des salles bondées ! Pas plus d’un mois de campagne avec un meeting à Bordeaux Lac, devant une foule énorme et un écran géant pour la première fois. Mitterrand, accoudé sur le pupitre, la voix rauque, le verbe méticuleux, calme, assassin, libéré… là-bas au fond d’une salle chaude, ruisselante d’espoir et de bonheur. La télé ne restituera jamais ces rencontres authentiques, fortes, entre une foule et un tribun. Même si depuis, d’autres s’en sont fortement inspiré !
En fait, la force tranquille coula surtout en 1988 où tout fut plus paisible, car au plan local il n’y avait pas d’enjeu réel. L’élection se régla nationalement via la télévision. Elle ne nécessita point d’investissement massif de la part des militants et de sympathisants d’ailleurs fidèles, mais discrets. L’affichage se réduit, les distributions aussi, les réunions sonnent creux. En 1995, on sent le parfum de la défaite, car les sondages prennent le pas sur l’engagement. Le principal acte du supporteur consistait à en examiner les courbes. Les médias prennent lentement le pas sur le militantisme prosélyte et finissent par donner le sentiment que le sort de l’élection dépend uniquement des images de campagne… Lentement, l’élection présidentielle s’enlise dans une dispersion mortifère pour la Gauche, passée de l’Union en 81 à l’éparpillement quatorze ans plus tard ! Et ce sera pire en 2002 avec, en plus, le fait que personne n’ose défendre vraiment Lionel Jospin… puisque le socialisme serait synonyme de faiblesse, de compromission, de trahison. La soirée ne surprendra que celles et ceux qui n’ont pas été sur le terrain. Et avant le 22 avril, ils sont nombreux. Après, ce sera la fameux « plus jamais ça ! » qui va guider toutes les actions !
Le Désir d’avenir de 2007 redonne un air nouveau aux présidentielles. Les débats citoyens rassemblent des supporteurs inédits mais marginalisent d’un cran supplémentaire les militants. La campagne devient spontanée, multiformes, changeante, personnelle et surtout essentiellement médiatique car malgré des milliers de réunions Tupperware, elle manque de liant, de cohérence et de profondeur, même si elles dégoulinent d’enthousiasme. D’ailleurs, dès le résultat défavorable proclamé, la motivation disparaît, et les rangs s’éclaircissent : la greffe n’a pas pris ! La campagne est réputée avoir été trop courte… et surtout trop naïve par rapport au déluge de l’arriviste bateleur. Le modernisme n’exclut pas la mise en œuvre des fondamentaux et la méthode. La télé prend le pouvoir et ne le lâchera plus.
Il reste à savoir ce que celle de 2012 produira… Mais là c’est vous qui construirait l’Histoire car je n’ai plus le droit de vous en parler !
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Cette campagne avait justement un point commun, un lien très étroit avec Mai 68 : la fameuse « Grande Peur ».
En 1968, on nous menaçait de l’anarchie, de la chienlit, de l’invasion des chars soviétiques.
La même recette est reprise près d’un demi siècle après. Seuls les ingrédients ont changé : ils s’appellent aujourd’hui la crise, la catastrophe, l’invasion des immigrés (sous entendu musulmans, bien sûr).
Sur ce dernier point, la similitude est frappante : en 1968, notre société démocratique était menacée, nous disait-on, par une tyrannie totalitaire, le bolchevisme ; aujourd’hui, c’est notre civilisation dite « chrétienne » (même si les églises sont vides) qui serait menacée par une autre tyrannie totalitaire, l’islamisme. Rien n’a changé sous le soleil. Les barbus ont juste remplacé les rouges dans le discours démago de la droite.
La droite, devenue extrême droite, s’est tirée une balle dans le pied en laissant carte blanche à son apprenti dictateur qui a violé à tours de bras la séparation des pouvoirs et les principes fondamentaux et sacrés de liberté, d’égalité et de fraternité de notre République.
Les jeux sont faits, le cauchemar sarkozien se termine dans la confusion la plus totale : dimanche, pour la première fois depuis bien longtemps, j’irai voter le coeur léger. Pas d’abstention ni de vote blanc pour moi et, je l’espère, du plus grand nombre.
Aux urnes Citoyens !
J – 1
La campagne étant terminée, je reviens pour un petit hors sujet qui ne l’est quand même pas tout à fait, disons un parallèle que vous voudrez bien me pardonner. Pas de politique mais de la musique.
Tout un chacun a entendu parler des Beatles a défaut de les avoir entendu ce qui me semble difficile.
Ce célèbre quatuor avait la particularité d’avoir 2 leaders qui sur la fin se sont âprement disputé pour la place du chef, n’hésitant pas parfois à pratiquer le dénigrement de mauvaise foi (ce qui a conduit à la fin du groupe).
Il s’agit de John Lennon et de Paul McCartney.
(je précise que toutes mes affirmations sont exactes et sont facilement vérifiables).
L’un des deux portait des lunettes, l’autre non.
Celui qui avait des lunettes a eu 2 femmes.
Il a rencontré sa 1ère femme durant ses études.
Il s’affirmait ouvertement de gauche et en a d’ailleurs fait une chanson : Working Class Hero (le héros de la classe ouvrière).
Il s’est engagé dans toutes sortes de lutte contre les injustices et contre la guerre (il était même fiché au FBI).
Il a suivi un temps une cure d’amaigrissement car il se trouvait trop gros.
Sa seconde femme, une japonaise, portait le prénom de Yoko (Yoco et Flanby sont tous deux des desserts Nestlé).
Celui qui n’avait pas de lunettes s’est marié 3 fois.
L’une de ses femmes était un ex mannequin qui lui a donné son dernier enfant.
Il a affirmé à une époque son admiration pour Poutine et il appréciait beaucoup GW Bush.
Il aime côtoyer les grands du monde, il affiche des idées de droite n’hésitant pas à faire de la spéculation financière et il est allé jusqu’à dire à Bush que Dieu était de son côté.
L’un de ses fils (d’ailleurs assez nul) tente de se faire un nom dans la musique grâce à l’appui de papa.
Pour ma part, depuis les débuts des Beatles en 1962, j’ai toujours eu une nette préférence pour John Lennon.
C’est celui qui portait des lunettes.
(Voilà, j’espère vous avoir un peu diverti après deux semaines sous haute pression)