On ne peut pas parler du second tour de l’élection présidentielle en France sans se référer à l’histoire des hommes de Droite qui y participent. Les messieurs « je sais tout » estampillés télégéniques, ne font que commenter l’immédiat, sans jamais faire référence au parcours des gens qui y baignent. Une preuve supplémentaire de l’appauvrissement de l’Histoire dans un pays où elle a pourtant porté de nombreux faits créateurs de mouvements de pensée mondialisés. Oublier les rapports de la France profonde avec l’extrême droite constitue une faute d’analyse très forte. Elle n’a jamais disparu car elle a ses racines solidement ancrées dans la ruralité. Depuis près d’un siècle, le « racisme » n’a pas été gommé des propos quotidiens du monde agricole. Fils et petit-fils d’immigré je peux témoigner que les propos tenus à l’égard des arabes ne diffèrent guère de ceux que j’ai entendus concernant les italiens, puis les espagnols et ensuite les portugais. L’arrivée comme « domestiques agricoles » (pour moi il n’y a que 30 ans que l’on peut partiellement parler d’ouvriers agricoles) de ces familles immigrées, avec un baluchon, a suscité les mêmes accusations . Je les ai en mémoire. Les « Ritals mangeurs du pain des Français », les « Espingouins », les « Espadres » ou les « Portos » n’ont pas eu un meilleur accueil que les Marocains puis les Africains. Croire que la France a oublié son fond de guerre des religions, son sentiment de culpabilité de ne pas avoir su résister à l’invasion nazie, sa propension à considérer que tous les Sangs impurs doivent abreuver les sillons est une illusion.
Dans tous les conseils municipaux sous le vocable « apolitique », se cachent des silencieux toujours coupables, car faussement indifférents. Ils soutiennent en fait la tradition de ces villages se voulant gaulois, dans lesquels « l’étranger » a beaucoup de mal à trouver sa place. Eux représentent la France éternelle, celle qui gueule contre les impôts, qui soutient mordicus qu’elle est la seule à travailler, qui se plaint des contraintes réglementaires qui l’empêchent de faire n’importe quoi, et qui confond tradition et immobilisme. Cette France de la pauvreté culturelle a voté Tixier-Vignancourt avant que Le Pen sorte du néant. A Créon, elle faisait ses 6 à 8 % à chaque échéance avant 2002, avant d’agréger une mouvance « poujadiste » sans fondation idéologique. Cet avocat candidat face au général de Gaulle, avec comme directeur de campagne un certain Jean-Marie Le Pen, va arriver en 4ème position, avec un score proche de 6 %, soit un tiers environ de celui de Marine Le Pen, plus de 57 ans plus tard. Le contexte n’a pas changé et les prises de position sont les mêmes. Ces 5 % de nostalgiques de la Cagoule ou de mouvements identitaires sont beaucoup plus présents dans la ruralité que dans les banlieues.
La Droite traditionnelle n’a jamais pu les réduire ou les digérer, malgré les efforts de part et d’autre. Suite aux événements de mai 1968, il se rallie au général de Gaulle puis appelle à voter pour Georges Pompidou à l’élection présidentielle de 1969 et encourage ses partisans à adhérer à l’UDR pour « droitiser la droite ». Il veut être pendant quelques années le représentant de la partie la plus à droite de la majorité. Ses successeurs perdront des jeunes prometteurs, qui préféreront rester dans le giron des partis gaullistes pour obtenir les cocardes de Députés ou de Maires dans ces terroirs dont l’électorat était plus élargi que celui de Tixier-Vignancourt. C’est ainsi que naîtra une pépinière d’hommes politiques réputés prometteurs, au sein du mouvement Occident ! La droite dite républicaine ira y puiser des renforts permanents !
Le trio le plus célèbre qui anima cette émanation du Front des étudiants nationalistes (FEN) « Longuet-Madelin-Devedjian » finira dans des Ministères. Le seul qui gravite encore dans le monde sarkozyste (Gérard Longuet) vient de retrouver ses origines politiques. Il est vrai qu’après les envolées frontistes du candidat-président, il a cru qu’Occident pouvait reprendre du service et qu’il pouvait dire tout haut ce qu’ une large majorité des membres de l’UMP pensait tout bas. Il avait déclaré : « Pour des raisons personnelles, j’étais Algérie française et anticommuniste. J’ai fait un bout de chemin avec la FEN, avant de basculer vers Occident. Nous étions une bande de copains. Je n’ai jamais supporté que l’on m’interdise de m’exprimer. J’ai fait la campagne de Tixier-Vignancourt en 1965. On se spécialisait dans la relation conflictuelle et musclée avec l’extrême gauche. On s’est pris des raclées, j’ai eu le cuir chevelu entamé. Après l’incident de Rouen (1), où je n’étais pas impliqué, j’ai rejoint les… Républicains indépendants ». Il ne pouvait donc que tenter, avec probablement l’accord du maître à penser élyséen Patrick Buisson, de récupérer ces 5 à 6 % d’enkystés idéologiques d’une autre époque ! On lui a donc demandé de monter au créneau avec l’ouverture des portes de Minute ! Il a rajeuni de 50 ans d’un coup ! Il est possible de « parler » avec Marine Le Pen, dont l’électorat « patriote » doit voter pour Nicolas Sarkozy au second tour de l’élection présidentielle pour faire obstacle au « socialo-communisme », a estimé celui qui comme ministre de la Défense a un rôle clé dans la démocratie française.
C’est avec un plaisir incontestable qu’il a répété ces propos, car il sait qu’il a la légitimité historique pour un jour faire le lien avec le F.N. où il a de multiples connivences et connaissances. C’est fait! le pont est installé à quelques heures du deuxième tour. C’est un signal fort à cette extrême-droite brune, terrée dans l’ombre des campagnes, qui espère sans le dire un accord électoral pour les législatives sur ses terres. Il n’y a plus de retenue et avec le renfort idéologique des penseurs du Club de l’Horloge, on va passer, quel que soit le résultat du 6 mai, aux travaux pratiques. Le mois de mai risque d’être très longuet !
(1) En 1967, soupçonné en sa qualité de dirigeant du mouvement d’avoir été un des instigateurs d’une expédition violente menée par Occident contre des étudiants d’extrême gauche à l’université de Rouen (l’un de ces derniers étant laissé dans le coma après l’attaque), il est inculpé et incarcéré. Gérard Longuet est condamné l 12 juillet 1967 à 1 000 francs d’amende pour complicité de « violence et voies de fait avec armes et préméditation », en même temps que douze autres militants d’extrême droite, dont Alain Madelin, Alain Robert et Patrick Devedjian.. Il est amnistié en juin 1968.
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L’UMP est aujourd’hui un parti d’extrême droite. Après le 6 mai, ça va commencer à faire la grimace. Mais c’est après les législatives où, selon la logique de la dynamique présidentielle, ils devraient prendre une pâtée mémorable que tout va se décanter. En effet, les caciques ne sont pas tous d’accord sur l’orientation prise par leur parti depuis 5 ans, loin de là, et il y a toujours, même étant de droite, des démocrates et des républicains dans leurs rangs. Déjà de nombreux « centristes » et radicaux prennent leurs distances, des discordances se font entendre. Et on ne peut mettre sur le même plan un Guéant, un Copé, un Buisson ou un Longuet et quelqu’un se réclamant de feu Séguin ou du gaullisme historique. Après les législatives viendra l’heure des règlements de comptes internes et l’UMP n’y survivra pas. Ce ne sera pas l’implosion mais réellement l’explosion, la désintégration. C’est pourquoi Le Pen a le sourire parce qu’elle sait bien qu’une UMP anéantie ne pourra que profiter à son klan (faute d’orthographe volontaire). En tout état de cause, l’UMP l’aura bien cherché car tout ceux en son sein qui n’étaient pas d’accord avec cette dérive extrêmiste du parti, et il y en a une bonne part, se sont tus pendant 5 ans au nom de la solidarité majoritaire et surtout parce qu’ils ne voulaient pas perdre leur place, qu’ils voulaient aussi avoir leur part du gâteau.
Aussi, il ne faudra surtout pas baisser la garde après les législatives car une partie non négligeable des débris de la future défunte UMP iront grossir, avec un certain nombre de leurs électeurs, les effectifs du Front National. Marine se frotte les mains, elle sait bien pourquoi.
La République et la démocratie vont être bien plus en danger, selon moi, qu’au second tour de l’élection présidentielle de 2002. Parce qu’à l’UMP, la couleur est annoncée : en cas de duel PS/FN, pas de vote républicain comme cela fut pratiqué avec panache et honneur par la Gauche au 2è tour de la présidentielle de 2002.