Les artistes qui peinent à créer des événements nouveaux aiment bien reprendre les « standards », ces œuvres qui leur valent chaque fois un succès assuré sans grand effort. Insultés, bafoués, humiliés même parfois, par les deux candidats de l’extrême droite, Marine Le Pen et Nicolas Sarkozy, les journalistes adorent voir leur travail favorisé par la récurrence de ce que l’on appelle « les marronniers ». Il s’agit, dans le jargon journalistique, d’un sujet qui chaque fois revient, sempiternellement, dans l’actualité, mais que l’on est obligé de traiter sous un angle différent. Le problème, c’est qu’en définitive le résultat reste le même.
Le F.N. le sait bien et joue avec une étonnante facilité sur cette propension qu’ont les médias actuels à se contenter des apparences. Rares sont en effet ceux qui prennent le risque de négliger le « prêt à porter » des idées, en refusant la facilité de reprendre les affirmations, qu’ils savent pourtant erronées, des politiques qui comptent. On est en arrivé à un tel niveau de suivisme qu’il est devenu scandaleux de devenir authentique… et aucune véritable information vérifiable et vérifiée ne parvient à franchir les limites des « chasses gardées » institutionnelles. Papa et fifille Le Pen ont donc vendu durant des semaines le feuilleton totalement inventé des signatures, puisque personne ne s’intéresse véritablement à la sociologie des élus locaux français, ainsi qu’au processus qui les conduit à soutenir un candidat.
Lors de cette élection présidentielle, on se trouve à 24 mois de la fin d’un mandat municipal que la grande majorité des Maires trouve « pénible », « incertain » et « compliqué ». Il ne s’agit pas des « grands » dont l’attrait pour une carrière durable interdit toute prise de position hasardeuse, mais de ces milliers d’entre eux, noyés dans des réformes destructrices, qui se déclarent « sans étiquette ». En fait, ils dissimulent sous cette absence de prise de position une ignorance totale de ce que doit être un mandat électif, car souvent ils se retrouvent ceints d’une écharpe tricolore à pompons dorés sans réellement savoir que de toutes les manières, chaque acte de leur vie publique sera marqué par la nécessité d’effectuer des choix. Il n’existe pas une seule délibération du plus petit conseil municipal qui ne soit pas…politique (je n’ai pas dit politicienne). Les Le Pen vont y chercher facilement, contrairement à leurs affirmations, les signatures dont ils ont besoin. Surtout que c’est dans cette catégorie que le nombre de celles et ceux qui ne repartiront pas en 2014 reste le plus important. Ils savent qu’ils ne risquent pas grand chose en dévoilant au grand jour leur véritable « étiquette », en se parant dans les inénarrables commentaires sur leur contribution à « l’expression démocratique ».
Dans ce vivier des Maires réputés « apolitiques »…de droite, le F.N. a des centaines de fans, partageant avec délectation les éructations frontistes. Ils sont souvent de la fameuse et inépuisable « majorité silencieuse » qui, ne disant mot, consent en fait à toutes les compromissions. Ces élus là appartiennent à cette France réelle qui se classe depuis des siècles dans le camp de la « réaction » comme l’explique depuis toujours Henri Emmanuelli. Beaucoup sont strictement « poujadistes » en accompagnant l’opinion dominante sur ses thèmes favoris : les impôts et le social, considérés comme les fléaux de la gestion républicaine. Ils attendent patiemment la dernière semaine pour afficher leur option, afin de ne pas subir de pressions prématurées, et le clan Le Pen joue avec délectation sur cette pseudo incertitude afin de meubler la première partie de cette campagne présidentielle, marquée par la nécessité de faire l’événement pour piquer le temps de parole aux autres !
Cette année, compte tenu des remous créés par les reformes des collectivités territoriales, qui ont causé bien des soucis à celles et ceux qui ont cru perdre leur écharpe à cause de Sarkozy (ou qui ont perdu un fauteuil rémunéré) le recrutement a été facilité ! Il sera facile de vérifier la véracité de ce constat en recensant, dans la liste publiée par le Conseil constitutionnel, les maires des communes de moins de 500 habitants et leur âge ! Ce sera pour eux un moyen de marquer leur insatisfaction vis à vis de l’autre leader de l’extrême droite qui les a méprisés depuis des mois. Le clan Le Pen le sait… et il n’a jamais eu la moindre crainte, si ce n’est celle de se voir piquer par plus malin qu’eux (Cheminade ou de Villepin) des signatures volontairement tardives. En fait, en offrant leur soutien, les Maires permettent aux partis politiques marginaux, que soit disant ils exècrent, une aubaine financière dont personne ne parle. Certains « admis » à concourir, avec une campagne à minima (se contenter du temps de télé, des affiches officielles, des professions de foi et des bulletins de vote) peuvent espérer dégager des bénéfices liés aux frais octroyés forfaitairement. Un remboursement de campagne est en effet prévu. Pour les candidats présents au premier tour, il s’élève au vingtième du plafond des dépenses du premier tour pour ceux ayant obtenu… moins de 5 % des suffrages exprimés (808 000 euros en 2007) et, depuis 2001, à la moitié de ce plafond pour ceux ayant recueilli plus de 5 % des voix (8,08 millions d’euros en 2007). En fait la validation d’une candidature prend alors toute sa valeur puisque, pour Le F.N., une signature pèse 16 000 euros ! Ça vaut bien un petit geste…
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On a maintenant l’habitude d’entendre Martin ( ou plutôt Mar(t)ine) crier « au loup »et l’on espère même qu’un jour ça arrivera.
Mais Madame Le Pen joue cependant un jeu dangereux quand elle s’insurge contre « ces maires qui ne veulent pas lui donner leur confiance » et reconnaît publiquement que l’on refuserait de cautionner sa candidature (lesquelles idées, n’oublions pas, ont permis à un certain Adolphe de se faire élire en 1933).
Cela insinue simplement que l’on ne veut pas d’elle, ni des idéaux qu’elle défend, si tant est que l’on puisse parler d’idéal à propos de ses propositions toutes plus moisies les unes que les autres.
Nous faire croire qu’il n’y a pas 500 personnes sur les 40 000 environ qui forment le panel susceptible de lui accorder ses faveurs, c’est vraiment nous prendre pour des nigauds, ce qu’elle ne se prive pas de faire.
Il est vrai qu’en ce domaine il y a de la concurrence pour nous faire ingurgiter une vile pinte de cet amer breuvage.
Je pensais découvrir une vraie analyse mais je tombe sur une théorie qui peut être déboutèe en s’adressant simplement au conseil constitutionnel, afin de vérifier ce que vous avancez. C’est dommage. Petite forme ?