La suppression brutale, non maîtrisée, et découlant pour la énième fois d’une idéologie opportuniste et poujadiste,de la taxe professionnelle, a été une catastrophe économique. Elle a en effet privé les collectivités territoriales des moyens financiers qui leur permettaient d’investir et de « doper » une relance dont le pays a besoin. On ne mesurera qu’en 2013 les conséquences réelles de cette mesure qui n’a empêché aucune délocalisation et surtout a été remplacée par d’autres taxes ou impôts, inefficaces pour l’emploi !
La mission commune d’information sur les conséquences de la suppression de la taxe professionnelle et son remplacement par la contribution économique territoriale (CVAE) a publié une note d’étape, le 6 mars 2012. Elle rendra ses conclusions fin juin, mais déjà le bilan s’annonce catastrophique. Les seuls qui vantent cette décision du grand timonier UMP restent des élus totalement inféodés à des principes totalement obsolètes. Dans ce document, la mission présidée par Anne-Marie Escoffier (RDSE, Aveyron) montre le « relatif » bénéfice tiré par les entreprises de la réforme et analyse son coût pour l’État. Elle évoque aussi les difficultés des collectivités territoriales, avant de proposer ajustements et modifications.
Elle souligne qu’un climat de forte incertitude a perduré. Les conditions d’élaboration et de vote de la réforme (bouclée en un an, 2009-2010) ont créé de fortes incertitudes pour les collectivités territoriales. Des modifications, ultérieures au vote de la loi de finances pour 2010, par exemple la modification des critères de répartition de la CVAE, les y ont maintenues. Désormais, aucun élu lucide ne peut mettre en place une stratégie budgétaire !
Le rapport conforte une forte diminution de l’autonomie fiscale des départements et des régions. Selon le rapport «Carrez-Thénault», les départements ne peuvent plus moduler que 16% de leurs recettes (19 % pour la Gironde), contre 35% antérieurement à la réforme, ce qui prive les conseillers généraux de toute prise de position politique au sens noble. Les régions ne peuvent plus moduler qu’une part de TIPP et le tarif des cartes grises. » En revanche, l’autonomie fiscale des EPCI et les communes est davantage préservée, voire accentuée. Et c’est à souligner, car c’est le contraire de ce que veut la réforme mal calculée !
L’accroissement, en dynamique, des inégalités de richesse est devenu insoutenable. Il « résulte directement » de la territorialisation de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), retenue lors du vote de la réforme et qui creuse de manière criante les inégalités entre territoires. C’est la mort du monde rural.
Par ailleurs, la volatilité de la la CVAE rend toute prospective aléatoire et illusoire. La CVAE étant assise sur un flux, la valeur ajoutée, le produit de cet impôt risque d’être plus volatile que celui de la TP, rendant les ressources fiscales locales plus sensibles à la conjoncture. Ce à quoi les collectivités « ne sont pas habituées ». Résultat inévitable : l’augmentation de la part des impôts payés par les ménages dans les ressources fiscales des communes et intercommunalités. Les feuilles d’imposition 2012 confirmeront cette réalité que j’ai, comme les autres, maintes fois dénoncées dans ces chroniques et sur la place publique ! Selon la mission, cette part est passée de 58,5% à 74,5% en moyenne. « Cette évolution pourrait, à terme, conduire à une accentuation de la pression fiscale sur les ménages ainsi qu’à des arbitrages locaux moins favorables au développement industriel, écrit-elle, notamment des industries les plus risquées ou polluantes. »
Parmi les « ajustements complémentaires », figure en première place la « descente » au niveau communal du taux départemental de taxe d’habitation. Le transfert des taux départementaux de taxe d’habitation au niveau des blocs communaux, écrivent les sénateurs, « s’est traduit par des modifications de la pression fiscale, indépendantes des choix auxquels les intercommunalités et les communes ont procédé, notamment pour les intercommunalités situées sur plusieurs territoires départementaux ».
Des pistes de réforme ont également été évoquées par des interlocuteurs de la mission, qui, comme moi, soulignent que le retour à l’ancien régime n’a jamais été préconisé. Par exemple, il est urgent de réviser les valeurs locatives dans le sens d’une plus grande équité nationale, la taxe d’habitation constituant dorénavant la principale ressource fiscale du bloc communal, et les bases servant également à répartir la CVAE, à définir les potentiels fiscal et financier et à calculer la CFE.
Bien évidemment, Nicolas Sarkozy, François Fillon et leurs amis locaux ne se souviennent pas que cette réforme est la leur et qu’ils ont parfois « insulté » et au moins « dénigré » les élus qui dénonçaient une aberration économique et une erreur grave en période de crise. Le « bénéfice » éventuel de la disparition de la T.P. a été engrangé par les actionnaires, mais en aucune manière par les salariés ou les consommateurs. C’est la triste vérité… mais dans le fond, cette réforme, comme les autres, est noyée dans un bilan catastrophique que son initiateur réussit, au-delà de tout espoir, à faire oublier !
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