Jour de rentrée dans la revue des 3 mondes

Les grandes messes dans les ministères restent impressionnantes pour celui qui n’a pas l’habitude de ces pseudos séances de concertation au cours desquelles tout relève de la liturgie politique entre initiés. Entrant pour la première fois de ma vie publique dans une cathédrale des temps modernes, située à quelques pas de la grande bibliothèque François Mitterrand, j’ai vite perçu qu’il me serait impossible de parler d’autre chose que de généralités bien pensantes. David Douillet, sorte de Bouddha sportif, à la brosse impeccable, a presque une demi-heure de retard pour présider ce qui se veut la conférence nationale permanente du sport. Dès qu’il arrive, les jeux sont faits : le nouvel arrivant aura du mal à exister. Le face à face oppose un ministre, encadré par un aréopage de fonctionnaires, fait face à ses anciens « patrons » et ses « amis » installés comme experts. Les premières apostrophes ne laissent plus planer le doute : il sera difficile, très difficile, d’exister quand on s’envoie du prénom et que l’on se tutoie avec une évidente jubilation.
Tributaire durant toute sa carrière du mouvement olympique, le médaillé d’or rend ce que le CNOSF lui a donné. Flanqué du MEDEF, dont on se demande bien ce qu’il vient faire dans cette assemblée restreinte, quand aucune fédération affinitaire n’est représentée et qu’aucun sportif n’aura la parole, les « institutionnels » des pratiques codifiées sont chez eux. Douillet ne leur causera jamais de soucis, tant la complicité doucereuse est flagrante. Je me sens totalement marginalisé dans cet office où tout le monde connaît tout le monde et parle un langage codé. Très vite, je comprends que les réunions vont succéder aux réunions, car comme l’avoue le Ministre sous surveillance, au détour d’un échange entre amis, il faut avoir tout bouclé « quoi qu’il se passe ! ». La petite demi-douzaine d’élus pèse peu face à une armada du sport spectacle, du sport commercial, du sport de compétition, du sport rentable. D’ailleurs, dès que le représentant de l’Association des régions de France évoque le « sport libre », il se fait tancer par Jean-François Lamour…représentant de l’assemblée nationale et lui-aussi ardent défenseur du sport corseté qui « normalise » ! L’ancien Ministre veille au grain afin que le groupuscule de gauche émanant des collectivités territoriales ne vienne pas faire dévier de l’objectif sous-jacent : faire des annonces avant les présidentielles, avec la bénédiction des gens qui comptent.
Le Ministre sait bien que personne ne le mettra en porte à faux, et que donc le CNOSF a le pouvoir, que le Medef dont le représentant est à tu et à toi avec « David » ne le gêneront pas, et que les associations d’élus, très minoritaires, ne peuvent rien. C’est la défense et l’illustration du mandat présidentiel qui s’achève avec la revue des trois mondes : celui des copains, celui du profit et celui du parti ! Les trois s’entremêlent et se croisent et j’ai la terrible sensation que je ne serai pas à la hauteur. D’autant que je suis seul comme représentant des Maires. J’ose une remarque sur l’absence de subvention pour les petites communes dans l’opération de la semaine de septembre autour du sport. Un bide total et une réponse du genre : « Circulez y’a rien à espérer ! » Ma rentrée a manqué de classe. Il va me falloir faire les miennes. J’ai une seule satisfaction de taille : tout ce qui est présenté comme d’une extraordinaire nouveauté est mis en œuvre depuis pas mal de temps à Créon en matière de sport pour tous ! Mais je me garderai bien de le dire, car j’ai peur qu’ils pensent que je me suis dopé au socialisme concret. Il vaut mieux attendre encore quelques semaines.
Monsieur le Ministre termine ses devoirs du soir, encadré par ses « gardes à penser » avant de s’éclipser vers d’autres horizons. On se reverra d’abord pour un énième commission dont je connais l’issue. Rien ne se fera sans les collectivités locales, car d’État, il n’y a plus ! L’école sera responsable de tous les manques, et on éditera un nouveau catalogue de bonnes intentions qui paveront les Sentiers des gloires olympiques. Pour le reste, « il peut se passer quelque chose » comme une victoire de Hollande par ippon… et tout le monde saura louer le camp du vainqueur.

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Cet article a 2 commentaires

  1. batistin

    Rien de bien grave à ne pas pouvoir placer un mot au beau milieu d’un spectacle écrit d’avance. Juste une forme de bienséance, celle que l’on demande aux figurants.
    En souhaitant au moins que les frais de déplacements vous aurons été remboursés.
    Pour ma part je vous remercie, ce qui ne vous fera pas un dédommagement, mais enfin, de nous tenir au courant d’une telle mascarade.

  2. Christian Coulais

    « Flanqué du MEDEF, dont on se demande bien ce qu’il vient faire dans cette assemblée restreinte, quand aucune fédération affinitaire n’est représentée et qu’aucun sportif n’aura la parole »
    Ah, petite rectification, dans mon oreillette, le Chef de l’État Français m’informe que ce n’est pas le Medef qui est présent, mais bien les représentants du B.T.P., sponsors officiels de ce beau ministère !
    à rajouter dans les tags d’ailleurs, BTP.

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