Médecin psychiatre hospitalier, René Justamente a quitté à 63 ans la vie créonnaise après un rude corps à corps avec une…longue maladie ! Voici l’hommage amical que je lui ai rendu, au nom des Créonnaises et des Créonnais, qui l’aimaient pour la sincérité de ses engagements:
« René, s’il y avait un comportement humain qui te hérissait, c’était bien celui des mondanités propres au monde des apparences. Tu avais été élevé dans la réalité, dans la dure réalité, celle qui préfère le fond à la forme, les valeurs aux intentions, l’indignation à l’allégeance.
Pardonnes moi donc René, si aujourd’hui, exceptionnellement, je commets au nom de toutes tes amies et de tous tes amis créonnais une entorse à ce qui nous unissait : le silence de la raison. Car, paradoxalement, j’ai appris de toi, moi qui suis trop bavard, que c’est à la qualité de leur silence que l’on reconnaît la véritable nature des hommes. Tu m’avais expliqué cette sagesse qui consiste à laisser les autres parler pour ne rien dire, avant de s’exprimer sur ce qui pour toi était essentiel : les valeurs transgressant toutes les époques !
Elles se comptaient pour toi sur les doigts d’une seule main : la sincérité, la fidélité, l’amitié, l’opiniâtreté et la générosité.
En fait, tu constituais à chaque instant des potions, avec ces ingrédients dont tu ajustais les dosages. Sachant d’où tu venais et ce que t’avait apporté l’école de cette République, malmenée par des idéaux qui te révulsaient, tu étais animé à chaque instant d’une farouche volonté de redonner aux autres ce que les autres t’avaient apporté. Un altruisme mesuré qui te permettait de jouer un rôle essentiel, aux moments opportuns, dans la vie de la cité à laquelle tu ne voulais pas être étranger puisque tu savais que c’est là que se construisaient le malheur ou le bonheur des enfants ou des adolescents qui feraient le monde de demain.
Tu dissimulais, dans les volutes des cigarettes, un regard acéré sur les acteurs de la vie sociale, et un regard compatissant quand il se tournait vers les gens en souffrance que tu croisais.
Tu écoutais avec la même patience que les orpailleurs mettent à filtrer des tonnes de sédiments pour dénicher quelques pépites de vérité. Jamais une parole de trop. Jamais de gras dans tes propos, mais le mot juste, pouvant tomber comme un couperet moral sur des positions contraires à l’humanisme ou comme un soutien appuyé au courage d’un engagement.
Dans notre vie locale créonnaise tu ne t’es jamais attaché à avoir, mais à être.
Tu n’as jamais cherché à paraître mais à construire.
Tu n’as pas un seul instant espéré recevoir, mais tu as beaucoup donné.
Vous connaissez, toutes et tous, ici, aujourd’hui, ce que René avait en lui, dans la profondeur de son esprit : le sentiment qu’il devait être, avec une grande modestie, un militant utile mais discret de cette Gauche sincère, solide et cohérente, porteuse des valeurs essentielles. Il voulait ardemment éviter que le profit transforme les hommes en loups pour les autres hommes. Il aspirait à un monde meilleur, bâti sur le respect, la confiance et la conscience.
René, tu as été engagé au sein de la section du Parti socialiste créonnais. Tu le faisais avec fermeté et discrétion mais, en 1981, quand j’ai été conduit à renoncer à la fonction de secrétaire de section, tu avais accepté, par amitié, de me remplacer.
Tu savais que ce n’était pas le moment d’abandonner le navire et, comme chaque fois, tu étais venu maintenir ou relancer ce qui pouvait porter ton idéal. Pas question pour toi de n’être qu’un théoricien de la politique au sens noble, mais il te fallait aussi mettre les mains dans le cambouis de la vie collective du quotidien.
René, je n’ai donc jamais mené, comme beaucoup ici, un combat sans toi, sans ta force tranquille aussi robuste que le granit mais aussi compréhensive que la glaise, sans ton exigence morale et ta pugnacité. Tu avais acquis le respect de toutes et de tous, car ton désintéressement était absolu.
Tu as pourtant toujours été aux côtés de la sincérité dans l’engagement local, et tu n’as fui aucun combat, à partir du moment où tu l’estimais juste, et ou il portait les germes d’une reconnaissance authentique des notions de liberté, d’égalité et de fraternité.
Si l’intérêt général était en jeu, tu n’hésitais pas à entrer dans l’arène, le temps de rétablir ce que nous considérions comme étant conforme à la qualité du vivre ensemble.
Tu as gagné les cœurs et l’estime des Créonnaises et des Créonnais en allant, quelques mois après ton arrivée avec Régine sur Créon, vers l’Office Créonnais de la Culture et des Loisirs. Tout ce qui était culturel te passionnait : le cinéma, la musique, la littérature !
Tu as vite trouvé dans cette joyeuse équipe inventive du Cinéma Max Linder, des liens avec la commune où Régine avait grandi et dans laquelle elle s’était courageusement impliquée. Tu as apporté au cinéma ta solidité et ta sérénité.
Dès qu’il a fallu poursuivre l’ascension du club de hand-ball, tu as été là. Quand il a été nécessaire de redonner vie au club de football, on t’a trouvé. Chaque fois, rien n’était facile, rien n’était assuré, car il te fallait maintenir au redonner un souffle à des structures vacillantes. René, être de gauche, tu le savais, ce n’était pas vivre de ses idées mais c’était faire vivre ses idées.
Tu n’auras jamais supporté qu’il en soit autrement, et d’ailleurs, dès que ce fut autrement, tu le fis savoir avec franchise.
René, tu auras été pour nous un honnête homme au sens du XVIII° siècle, un médecin du peuple au sens noble, c’est à dire celui qui s’engage par amour des autres, par les autres et pour les autres.
Un honnête homme cultivé, recherchant inlassablement ce qu’il pouvait y avoir de meilleur dans celles et ceux qui ont croisé ta route.
Un honnête homme ouvert, refusant de subir le monde, mais désireux de participer à son amélioration.
Un honnête homme que l’on ne doit pas regretter, mais dont on doit se réjouir de l’avoir rencontré pour ce qu’il nous a apporté.
René, comme tu resteras dans de nombreux cœurs et dans de nombreux esprits, tu vivras encore longtemps sur Créon.
Un honnête homme, celui qui m’a ouvert les yeux et tendu la main quand je doutais, ou que ma vie personnelle chancelait.
René, mon frère des valeurs, mon ami solidaire, mon camarade intransigeant, je te dédie en guise d’adieu ces vers de Pablo Neruda qui te vont si bien.
Idéalisme et réalisme, je vous aime,
Comme l’eau et la pierre vous êtes
parties du monde,
lumière et racine de l’arbre de la vie.
Non, ne me fermez pas les yeux.
lorsque j’aurai cessé de vivre,
j’en aurai besoin pour apprendre
pour regarder et comprendre ma mort.
René, Créon aura été ton village, celui du bonheur familial et du bonheur de la vie collective. Créon ne perdra pas ta trace dans le temps.
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Un regret, celui de ne pas avoir connu René – RIP
A de multiples reprises, j’ai croisé René Justamente sans avoir jamais eu l’occasion de lui parler y compris les dimanches matins tôt à la maison de la presse…juste le salut de reconnaissance. Mais ce soir c’est à Régine que je pense très fort et très affectueusement
Veuillez accepter, Monsieur le Maire, mes condoléances.
Et me permettre de nous souhaiter à tous, de comprendre quel sens peut bien avoir une vie au service des autres, si ce n’est l’amour.