Enfin un banquier qui parle vrai…

Jean-Pierre Mustier n’était pas réapparu en public depuis le procès de l’ex-trader Kerviel. Lors d’un colloque à l’Ecole des mines, ce haut dirigeant de la Société Générale, aujourd’hui chez Unicredit, a stupéfait son auditoire en s’abstenant de toute langue de bois sur la gravité de la crise financière. C’est un véritable réquisitoire sur la gouvernance actuelle de cette crise démente qui tue socialement des millions de personnes. Compte-tenu du fait que, ce soir, je ne suis véritablement pas en état d’écrire une chronique cohérente, je vous propose exceptionnellement un article concernant cet exposé publié dans Challenges (1)
« Il faudrait peut-être parler des vrais sujets » a brutalement annoncé celui qui semblait se désintéresser des débats antérieurs. « Les bonus, c’est bien gentil, mais je crois que vous ne vous rendez pas compte que d’ici deux jours, ou une semaine, notre monde pourrait disparaître. C’est Armageddon ». On est entré dans le vif du sujet avec une vision qui devrait être diffusée dans le journal de TF1 pour ramener les peuples aux réalités des dégâts considérables causés par le monde du profit outrancier.
Autrement dit, la bataille finale qu’il ne faut pas perdre, sous peine de perdre la guerre. Pas encore la fin du monde donc, mais plus très loin. « Nous sommes tout près d’une grande révolution sociale », lance encore celui qui est devenu en 2011 patron de l’activité de Banque de Financement et d’Investissement (BFI) d’Unicredit, banque italienne qui a annoncé 10 milliards d’euros de pertes pour le seul troisième trimestre.
Selon ce spécialiste, la responsabilité de la catastrophe incombe d’abord aux États, qui se sont surendettés et ont manqué totalement de discipline. Puis ensuite, aux régulateurs, qui prennent de mauvaises décisions et ne font qu’aggraver la situation. Et aussi, aux banques, reconnaît l’ex-dirigeant de la société générale: « J’ai discuté récemment avec Michael Milken qui est un très brillant esprit, même s’il n’a pas fait que des choses bien. » Milken est l’inventeur des Junk Bonds, qui fut condamné à dix ans de prison et en fit deux. « Il m’a rappelé que la formule la plus importante d’Albert Einstein n’était pas e=mc2 mais celle des intérêts composés ».
Vérification faite, il s’agit bien d’une règle, sinon établie, au moins popularisée par Einstein, dite « des 72 », soit le nombre qu’il faut diviser par le taux d’intérêt attendu pour obtenir le nombre d’années nécessaire au doublement du capital. Les financiers vivent décidément sur une drôle de planète, où l’on affirme sans rire que la théorie de la relativité n’est pas le plus important apport théorique du génie scientifique.
« Les banques ont dégagé des taux de rentabilité trop importants, a expliqué l’ex-patron du célèbre Jérôme Kerviel, sans sourciller.. C’était intenable, sinon il n’y aurait plus eu que des banquiers et des avocats, et les autres acteurs de l’économie seraient morts. » Une remarque qui ne manque pas de sel, venant de l’ancien patron de la banque de marché de la Société Générale, dont la BFI dégageait des taux de rentabilité de 30% avant la crise.
Cette description apocalyptique terminée, Jean-Pierre Mustier soumet à l’auditoire médusé le choix qu’il reste aux banquiers: « soit c’est 1789, soit c’est un changement majeur de notre industrie, comme ce qui s’est passé pour internet après 2000. » Les banquiers, selon cet oracle, vont donc devoir réviser sérieusement leurs modèles. « Se désendetter, retourner sur leurs marchés domestiques, et faire des produits de plus en plus simples. » Et elles auront de plus en plus de difficulté à octroyer des crédits à leurs clients, notamment aux PME. C’est la crainte absolue.
Quant aux États, les marchés ne leur laissent guère le temps de se réformer. Et Jean-Pierre Mustier de citer en exemple la Malaisie, qui avait décidé de se refermer sur elle-même en instaurant un très sévère contrôle des changes, ce qui lui a permis de s’isoler des marchés et de mener ses réformes à bien. Retour au protectionnisme financier?
« Evidemment pour l’Europe, cela sera plus compliqué, reconnaît le banquier. Il n’y a pas de solution facile. » L’ex-cadre de la Société Générale reste aussi persuadé qu’en temps de crise, personne ne joue collectif. Et c’est assez facile de le vérifier chaque jour. Les Anglais se sont d’ailleurs illustrés en se tirant les premiers ! « Dans ces cas- là, on n’est plus Européen, c’est plutôt du chacun pour soi », rappelle l’analyste apocalyptique. Pour les solutions, on reste un peu sur sa faim, mais comme personne n’en a véritablement, ça n’a rien d’exceptionnel.
Si cet éminent économiste dit vrai, les agitations bruxelloises n’ont aucune chance d’enrayer la descente aux enfers qui est engagée. Le système, qui ne vit que sur l’illusion des profits virtuels effectuées au détriment de l’économie réelle va donc s’effondrer à plus ou moins long terme. Tout le monde politique tente de masquer son impuissance par des accords différés dans le temps, afin de donner l’illusion de maîtriser une situation similaire à un chirurgien tentant de colmater une hémorragie avec une compresse !

(1) http://www.challenges.fr/finance-et-marche/20111205.CHA7793/quand-l-ex-patron-de-jerome-kerviel-prevoit-l-apocalypse.html

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Cet article a 9 commentaires

  1. batistin

    Les banquiers, après nous l’avoir mis dans le derrière et par devant, ont maintenant en plus l’outrecuidance de lancer l’un des leurs pour nous expliquer que plus aucune relation n’est à espérer entre eux et les petites entreprises.
    Avec des airs de révélation !
    Sauf évidemment la gestion payante de nos comptes en banques et le remboursement des crédits contractés avant la crise.
    Mais ce qu’ils ne nous disent pas, c’est que le marché boursier de l’art à augmenté en valeur réelle de plus de 150% sur l’année 2010 !!!
    Pourquoi ?
    Pour deux raisons, la première, en France, l’achat d’oeuvres d’art donne droit à des déduction fiscales pour les entreprises, et n’est pas prix en compte pour le calcul des acquis soumis à l’impôt sur la fortune des particuliers;
    la deuxième c’est la montée en puissance du marché de l’art chinois avec des ventes dépassant en Chine celles réalisées par toutes les salles des ventes européennes et américaines réunies !
    Et je ne vous parle que de l’augmentation du volume de transactions du marché de l’art, et pas de celle d’autre activité pétrolifère dont je ne connais pas le fonctionnement.
    En clair, si besoin était, voici la traduction du discours du banquier:
    les banques pensent qu’il serait plus raisonnable, pour nous et uniquement pour nous, de revenir à une valeur de l’argent basée sur une véritable richesse de production, ce qui explique que nous n’aurons plus de crédit.
    Mais l’argent de nos comptes en banque continuera à servir pour les marchés à cotation .
    D’autant mieux, que tout notre argent étant bloqué en banque et indisponible au crédit, cela laissera plus d’actifs pour les placements véreux !
    Bande d’enculés !

  2. batistin

    et avec mes excuses pour mon franc parler

  3. Nadine Bompart

    Il n’y a pas de solution ? Allons Mr Mustier, encore un petit effort…. Il suffit de faire comme en Islande, ou le peuple souverain a décidé de ne pas rembourser des dettes qu’il n’avait pas lui-même contracté, et de laisser crever la gu.. ouverte les banquiers et leurs chers rentiers et autres spéculateurs! Recapitaliser notre propre dette après un audit sévère, faire marcher la planche à billets sans pour autant tomber dans l’hyper-inflation, s’auto-financer en tant qu’État grâce à l’épargne des Français, investir massivement dans la relance, restaurer les services publics et le micro-financement des PME et créations d’entreprises en créant un pôle bancaire d’Etat, refonder la fiscalité autant du privé que des entreprises, rapatrier les avoirs planqué dans les paradis fiscaux, rétablir la parité dans l’import – export, ré-industrialiser le pays à marche forcée, quitte à en passer par des nationalisations sans contrepartie, bloquer les prix des matières premières, augmenter le pouvoir d’achat, et surtout interdire toute spéculation, aussi bien sur l’Etat en tant que tel que sur les grandes sociétés devenues publiques!!!!!!
    Voyez, Mr Mustier, c’est pas compliqué….
    Encore faut-il que le Politique reprenne la main sur le financier…
    Et là, autant chez le PS qu’à l’UMP, je ne vois rien venir…!

  4. J.J.

    «  »Le peuple souverain a décidé de ne pas rembourser des dettes qu’il n’avait pas lui-même contracté, et de laisser crever la gu.. ouverte les banquiers et leurs chers rentiers et autres spéculateurs! «  »

    – C’est une émeute !
    – Non sire, c’est la Révolution !
    – Alors, ça ira…

  5. François

    Bonjour !
    Dommage, Nadine Bompart, que vous ayez placé, comme les médecins actuels de la Finance,  » l’interdiction de spéculer » en dernière position: Si on veut soigner DURABLEMENT une plaie infectée causée par une épine, il convient de retirer la dite épine avant d’appliquer les remèdes désinfectants !
    Ici, l’épine s’appelle traders ou autres banquiers-spéculateurs virtuels qui oublient, en fin de partie, de ranger leur jeu de Monopoly ou de poker … sans réaliser leurs bonus, stock-options ou autres appellations de monnaie virtuelle sur le dos des vrais producteurs de valeurs.
    Dommage aussi que, depuis très longtemps, l’on ait oublié que le papier monnaie n’est que LE moyen d’échange pratique de denrées, services et autres matières premières ou industrielles … réelles donc encombrantes lors d’un marché.
    Souvent, Jean-Marie, je pense à mon Instituteur qui, solennellement, nous expliquait la disparition des usuriers ! ! ! ! Pauvre homme !
    Cordialement.

  6. Michel d'Auvergne

    Je disais, il n’y a pas longtemps, qu’après le numéro des clowns qui finissent le tarin dans le sable de la piste, venait immédiatement le numéro des éléphants, les clowns risquent l’aplatissement… Une méchanceté gratuite: pour l’un d’entre eux ça sera légèrement plus vite fait !
    Mêmes les teutons remerciements n’y peuvent rien !

  7. Michel d'Auvergne

    François a raison quand il dit que le papier monnaie n’est qu’un moyen d’échange, surtout pas la récompense d’un travail comme je l’ai lu dans un commentaire de ce blog, la monnaie n’est qu’une contre-valeur (maintenant fort complexifiée et quelquefois tellement virtuelle qu’elle en devient réellement impalpable…) l’actionnariat une prise de risque partagée, et le trading actuel une sorte de pari sur les incompétences et/ou les incuries des dirigeants qu’ils soient industriels ou politiques.

  8. François

    Merci, Michel d’Auvergne ! Quel excellent complément que j’approuve en totalité !

    Le réveil du Peuple approche .

  9. Nadine Bompart

    François: en dernière position, mais précédé d’un « et surtout »!!!
    Bien sûr que reprendre le contrôle de la finance est la première chose à faire, et la plus facile: en 24h c’est fait!
    Il faut que l’argent redevienne ce qu’il est: une monnaie d’échange dans le sens strict du terme! Plus de 70% des échanges boursiers sont purement spéculatifs et ne profitent en rien à l’économie « réelle », celle dont les entreprises et les particuliers ont besoin!!!
    La bulle financière va exploser, forcément, comme les autres bulles spéculatives (immobilier, internet…). C’est dommage d’attendre, les bras croisés, qu’elle nous pète à la figure en nous entrainant dans sa chute.

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