La dramatisation qui conduira à l'effort de guerre

Je commence à comprendre comment des peuples entiers ont pu basculer en quelques jours dans ce contexte angoissant des déclarations de guerre. En fait, comme tout repose dans ces moments là sur la dramatisation, on arrive facilement à dresser les gens les uns contre les autres. Toute personne qui ne partage pas l’élan de patriotisme pseudo-solidaire, demandé par des gens qui se connaissent mais qui ne se tuent jamais, en demandant à des gens qui ne se connaissent pas de s’entretuer, est vite considérée comme un traître et désignée à la vindicte publique. Il y a un relent de tragédie potentielle, et surtout un terrible mépris, pour ces femmes et ces hommes qui sont écrasés sous des milliards d’euros et des communiqués des agences de notation. A Verdun, ils mouraient sous les bombes ou dans les gaz. Dans des mois, ils seront ensevelis dans l’effondrement des systèmes qu’on leur a présentés comme efficaces. Ils ont obéi aveuglement à des ordres, annoncés comme indispensables à la situation présente et future.
Depuis quelque temps, il faut donc analyser les événements avec le sentiment que l’intox fonctionne à bloc ! Les communiqués de guerre ne peuvent jamais être acceptés comme sincères et véritables, car ils émanent du service de presse des armées, dont la spécialité reste la guerre psychologique.
Les médias qui comptent accentuent la dramatisation, exactement comme quand il fallait sonner la mobilisation générale, avec cette différence que la future chair à canon sera prestement enrôlée au Pôle emploi ou aux Restos du cœur. Elle sera placée, c’est maintenant une certitude, sous le drapeau tricolore, qui effectue un retour fracassant dans le paysage politique. Au Sénat, on se drape dans les plis du nationalisme, au moment où on va tendre la sébile aux pays émergents pour qu’ils comblent les trous abyssaux des finances des États. Jamais le racisme n’a été aussi omniprésent dans le quotidien des beaux villages paisibles de cette France qui a été saccagée par des réformes,idéologiques certes, mais absolument inutiles. L’échec est total; mais maintenant tout le monde va payer l’addition. Des erreurs empilées sur des erreurs ; des choix partisans ou politiciens ajoutés à des choix de classe ; des accumulations de décisions empiriques avec au bout des cadavres « sociaux » qui vont s’accumuler le long des chemins de 2012 ! surtout au second semestre.
Par pure démagogie et avec des thèses poujadistes, des lois ont tué la dynamique des collectivités territoriales. Bêtement étranglées financièrement, au moment même où il fallait les soutenir pour qu’elles libèrent des investissements en faveur de l’économie de proximité et de l’emploi, elles se recroquevillent, abandonnant le terrain du progrès. Lors des Commissions départementales de coopération intercommunale, dans tout le pays, les « montagnes » des schémas départementaux qui devaient réduire le faux « mille-feuilles » institutionnel accouchent de « souris ». Preuve, s’il en fallait une, de l’absurdité totale d’avoir déstructuré depuis plus de deux ans un système républicain qui avait largement fait ses preuves, mais qui n’avait qu’un défaut : être majoritairement géré par la gauche ! En fait, les Préfets baissent pavillon devant les réalités et des milliers d’heures ont été perdues pour tenter d’imposer une énième réforme dénuée de tout intérêt ! Plus de prêts bancaires, plus de recettes fiscales, plus de participation de l’État et à l’arrivée, partout, moins de travail pour des millions d’ouvriers ou de techniciens. Les dépenses de solidarité s’envolent et les investissements se tassent, mais ailleurs, les « grands se rencontrent pour jongler avec des milliards virtuels qui s’évaporent chaque jour un peu plus !
Un jour on renfloue les banques, en assurant que cette aide les mettra à l’abri de tous les effets de la crise. Le lendemain, elles affichent une santé aussi robuste que celle d’un malade qui bénéficie d’une journée de rémission. On attend un peu et on apprend qu’en fait la pincée de milliards donnés n’est que de la poudre de perlimpinpin. En chiffrant à 106 milliards d’euros les besoins de fonds propres des banques européennes, en octobre dernier, l’Autorité bancaire européenne avait ainsi promis d’affiner cette estimation provisoire. Le régulateur européen vient de revoir sa facture à la hausse, en utilisant des données à fin septembre et non plus à fin juin. Ce sont désormais… 114,7 milliards d’euros qui sont jugés nécessaires pour renforcer l’assise financière de 70 établissements grecs, espagnols ou encore… français. Objectif, les obliger à atteindre un ratio de fonds propres de 9% en juin 2012, afin de rassurer sur la solidité du système bancaire européen pris dans la tourmente de la crise de la dette souveraine en zone euro. Et ce n’est qu’un début, car quand la guerre va faire rage, il vaudra mieux de pas trop compter sur votre banquier. La Caisse des Dépôts et Consignations et Dexia viennent, par exemple, ce matin, d’aviser le Conseil général de la Gironde qu’elles retiraient 10 millions d’euros du panier des prêts sollicités… Ce n’est qu’un début, car les messages d’alerte des spécialistes fusent de toutes parts : « dépêchez-vous, prenez des fonds à n’importe quel taux car dans quelques mois il n’y aura plus de possibilités d’emprunter ! »
Demain, ce sera le rendez-vous de la « der des der » comme celui de Munich le 28 septembre 1938. Chacun des participants rentrera dans son pays, s’adressera à la nation angoissée et déclarera, comme ceux d’alors, que nous avons échappé au pire et que maintenant nous pouvons respirer. Jusqu’aux cours de la bourse de lundi ! En France, au lendemain des accords de Munich, tous les journaux titraient à la une : La Paix ! Daladier avait été accueilli à son retour au Bourget par une foule en délire. A notre époque, ce sont les sondages qui vanteront la réussite de notre Chef de guerre, notre Maréchal de la dette. On se rappellera peut-être ce que Churchill avait déclaré… le 5 octobre 1938 : «Nous avons subi une défaite totale et sans mélange (…). Notre peuple doit savoir que nous avons subi une défaite sans guerre, dont les conséquences nous accompagneront longtemps sur notre chemin». La postérité a retenu de lui cette formule, dans une lettre postérieure : « Ils ont accepté le déshonneur pour avoir la paix. Ils auront le déshonneur et la guerre ». En sommes nous très éloignés ?

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Cet article a 3 commentaires

  1. batistin

    Monsieur Darmian, la France est une entité géographique où ceux qui parlent le même langage arrivent à peu près encore à s’échanger quelques biens de consommation. Et encore.
    Une « chocolatine » à Bordeaux s’appelle un « pain au chocolat » à Marseille.
    Et un « pain dans ta gueule  » à Bordeaux,
    c’est une « bouffe dans ta bouche » à Marseille.
    Entre les deux, en longeant les Pyrénées, une vierge en plastique avec un bouchon vissé sur la tête sert à contenir les émois en eau bénite des pèlerins de Lourdes. Là on y parle toutes les langues, surtout celle du commerce.
    Comme quoi la foi s’accorde mieux aux croyances des hommes
    que les hommes à la foi.
    Et parlons encore du « mental » des quartiers nord qui est à ne pas confondre avec le bon moral des quartiers chics, mais à comparer plutôt à la bonne moralité, question de point de vue.
    Sans oublier les borborygmes présidentiels, bien en-dessous, si le discours n’est pas écrit, d’une prose chantée par le dernier né des slammeurs de rue !
    Et comment ne pas parler des comiques télévisés dont si peu sont utiles à autre chose qu’à leur propre promotion.
    Les vrais comiques et les faux, et ceux qui en parlent, en faisant même une occupation journalière et nationale.
    Machin n’a rien dit à machine, je vous le dis, si ce n’est que machine s’est vexée et n’as pas dit, bien qu’elle semble le penser, tout ce qu’elle aurait voulu lui dire dans le temps imparti .Temps vendu aux annonceurs qui n’en sont plus.

    Je n’irai pas plus loin, chacun y allant de son patois.
    Et pourtant, tous ces verbiages, tous ces mots font un ensemble linguistique .
    La France.
    Et ça s’arrête là quand au sentiments partagés et à la réalité des faits.
    Une forme de patrie des mots, soluble dans tous les discours, le premier venu parlant fort, puis le dernier ayant parlé emportant tous les suffrages.

    Mais qu’est-ce qui peut bien unir une famille de trois enfants écrivant au Père Noel, avec un employé des postes assis sur un tas de lettres.
    Tas augmentant proportionnellement, avec la saison des fêtes, au temps de tournée qui ne lui sera pas payé ?
    Mais qu’est-ce qui peut bien réunir un jeune diplômé de l’éducation nationale muté tous les trois jours dans une ville différente avec un pompiste dépité de son incapacité à quitter son poste pour venir le servir en essence fort chère ?

    Qui fera s’enflammer pour la même cause nationale toutes ces vies éparses, parlant la même langue, mais chacune dans une versification particulière.
    L’argent ! Et puis c’est tout.
    Celles et ceux qui se sont forgé une moralité et tenterons de la transmettre à leurs enfants, devront le faire en cachette, en sourdine, comme l’on apprend sa langue maternelle avec sa mère italienne au fin fond d’une petite cuisine.
    Dehors, on parle en portefeuille.

    Une fois que cela est posé, et qu’on finit, comme les grands financiers, à n’en avoir rien à foutre de la France, puisque ce n’est plus rien, tout redevient possible !

    Il existe sur cette terre deux sortes de femmes et d’hommes.
    Ceux qui ont de l’argent et ceux qui n’en ont pas ? Certes, mais non.

    Mais plutôt ceux qui ont intégré à la définition de l’intelligence
    l’expression « vivre en bonne intelligence ». Liberté Egalité Fraternité.
    Et ceux qui se contentent de leur intelligence.

    Il ne reste plus qu’à choisir son camp, et le monde est vaste.
    Charge à nous maintenant de perpétuer ce qui fut pour être représenté.

    Le meilleur moyen pour honorer le siècle des Lumières, cher à la France, c’est me semble-t-il aujourd’hui d’appliquer à la lettre la consigne de monsieur de Voltaire :
    « En un mot, toutes les nations policées ont admis des mots récompenseurs et punisseurs, et je suis citoyen du monde « 

  2. facon jean françois

    C’est arrivé près de chez vous…
    Solidarité avec les grévistes des aciéries grecques, qui résistent contre la réduction du temps de travail imposée : 5h par jour pour 500 euros par mois (prix dans les supermarchés plus cher que Carrefour en France) .
    C’est la « stratégie du choc*  » : toute l’activité s’effondre et la monnaie papier est en train de disparaître du porte monnaie des grecs :
    250 000 athéniens ont déjà fui la capitale depuis un an (on en est déjà au rythme de la grande vague d’émigration de la faim des années 1960 ). Et pendant ce temps là troïka ( FMI, BCE,UE) étrangle méthodiquement le peuple Grec, et après à qui le tour ?
    * La stratégie du choc : La montée d’un capitalisme du désastre par Naomi Klein

  3. J.J.

    «  » » »Daladier avait été accueilli à son retour au Bourget par une foule en délire. «  » »

    …Et il aurait paraît-il déclaré, entendu seulement par son entourage rapproché : « Ah ! Les cons ! Si ils savaient !… »

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