Vert de rage ou rouge de honte

En fait la disparition d’Eva Joly du peloton des candidats à l’élection présidentielle pose un problème de fond : a-t-on besoin d’un parti spécifique à l’écologie dans le monde actuel ? Je sais, le sujet est tabou à Gauche car le risque est réel d’être exécuté en place publique au nom d’une position hérétique pouvant valoir une excommunication du monde politique. Et pourtant, il faut être sacrément trouillard ou lâche pour ne pas se poser la question. Pour défendre une politique de développement durable, pour s’interroger sur la modification des comportements sociaux néfastes à l’environnement, pour combattre les effets désastreux du monde du profit, pour promouvoir la solidarité, ne faut-il pas uniquement être de gauche ? Est-il indispensable de constituer un parti autonome pour défendre une position sur le nucléaire ? Doit-on obligatoirement se couvrir de vert pour agir concrètement en faveur de la préservation de la planète ? C’est souvent à cause de la facilité de ne pas avoir à se prononcer courageusement sur un sujet que les socialistes abandonnent le chantier environnemental. Eva Joly vient de constater que, pour exister, il est indispensable d’apparaître comme différent. Si, à droite, l’UMP se glisse dans les traces brunes du FN pour s’en rapprocher, à gauche, on ne peut véritablement exister que par opposition ou contraste avec le PS. C’est en appliquant à la lettre ces principes que l’on en est arrivé au résultat du 22 avril 2002.
En signant un accord strictement électoral avec le PS, EELV a, en fait, détruit une bonne part des différences qui pouvaient redonner un élan à leur candidate. Elle aura désormais bien du mal à exister puisque les partis ont fusionné leur programme. Aussitôt, Noël Mamère a perçu le danger : « C’est un accord qui concerne une majorité parlementaire. Pas une élection présidentielle. Ce sont deux logiques différentes. Eva Joly n’a pas participé aux négociations. Elle n’a pas souhaité que la logique présidentialiste qui semble être celle du PS, s’impose à EE-LV. Elle est étrangère aux discussions entre les partis. Elle n’est ni dans cette logique, ni dans ces contraintes » Un bel exercice de style ! En effet, comment peut-on affirmer que les accords pris devant les Françaises et les Français concerneront le gouvernement futur mais pas la… candidate à la Présidence de la République.
Tout socialiste, quel que soit son niveau de responsabilité, ne peut pas rester socialiste si l’humain n’est pas au cœur de ses préoccupations. Et être écologiste au sens premier, c’est replacer l’humain au cœur de la gouvernance du monde, et redonner du sens à la citoyenneté. Il y a longtemps que je ne fais aucun complexe à l’égard de celles et de ceux qui, sous prétexte qu’ils ont une autre carte politique que la mienne, s’affirment plus écolo que moi. Les comparaisons réelles et objectives mettent en lumière que seule la « politique » pratiquée compte, mais jamais l’appartenance « politique ». Les errances de l’accord entre le PS et EE-LV ont mis en évidence que l’essentiel pouvait être préservé, dès lors que l’on souhaite véritablement avancer sur une réforme globale des comportements actuels, marqués par des pseudos certitudes sur les critères de la qualité du vivre ensemble. Désormais, il ne subsiste que des « morceaux » de différences entre des candidat(e)s qui se retrouveront pourtant face à face, et se disputeront des suffrages destinés ensuite à fusionner.
Depuis quelques années, la Gauche a « saucissonné » la gestion de la vie sociale en confiant des responsabilités selon de véritables poncifs inspirés par le besoin de se rassurer. Dans toutes les collectivités importantes, chaque « fraction » revendique le secteur qui correspond à l’image que l’on doit avoir d’elle. Il n’y a pas souvent de transversalité, mais une verticalité des délégations. L’exemple du vélo est révélateur. Rarement on considère qu’il existe des pratiques du vélo couvrant les champs des déplacements, des loisirs, du sport, de l’économie, de la culture, de la sécurité, de la santé… tous ayant en commun de relever d’une vision environnementale du monde.
Il faut donc remplacer partout la notion dépassée de « programme de gouvernement » par celle de « pacte de gouvernance ». Par exemple sur le fameux point du nucléaire, il est vain de se battre sur un nombre d’arrêts de réacteurs si cette quantification ne s’accompagne pas d’un accord sur un engagement commun à assumer coûte que coûte le développement des énergies renouvelables. Il vaudrait mieux discuter sur les manières de favoriser l’acceptabilité des projets nouveaux sur les territoires, de réformer les méthodes de concertation, de réviser les enquêtes publiques, de construire des procédures adaptées, car c’est la seule manière, ensuite, de ne pas décevoir l’électorat. Bien évidemment, ces choix nécessitent une plus grande solidarité et une confiance accrue, mais sont beaucoup plus durables.
Eva Joly évoque en permanence des valeurs et des principes, c’est ce qui constitue sa faiblesse. Elle parlait beaucoup jusqu’à présent de sujets véritablement politiques, fondateurs d’une nouvelle gouvernance, quand autour d’elle on ne semble s’intéresser qu’à la tambouille post-présidentielle. Elle découvre ce que certains appellent la « politique », et qu’elle n’avait jamais pratiquée… Accords, désaccords, raccords : le quotidien à vous rendre vert de rage de temps à autres ou rouge de honte !

Ce champ est nécessaire.

En savoir plus sur Roue Libre - Le blog de Jean-Marie Darmian

Subscribe to get the latest posts sent to your email.

Cet article a 6 commentaires

  1. J.J.

    Cette tambouille politique risque encore de faire les affaires de la bande brun-blond, qui n’attend que ça, et des bruns clair qui attisent le feu pour attirer l’attention sur des non évènements qui permettront de masquer leur impéritie.

    Et qui va payer les pots cassés, comme d’habitude ?

  2. Christian Merlette

    S’agissant d’Eva JOLY, Jean-Marie, je pense que tu as mal interprété ses propos. Elle a simplement dit qu’elle prenait un peu de champ avec europe écologie-les verts, le temps que le conseil fédéral prenne sa responsabilité sur la question des accords. En dissociant sa position de candidate de celle du parti ou mouvement écolo, elle est dans la ligne de François Hollande qui, je te le rappelle, est celui qui a dit son désaccord avec le texte signé entre le PS et EELV, en particulier sur la question du MOX. C’est à partir de là que les choses ont bougé. Il est utile de le rappeler. Par contre, quand tu laisses entendre qu’accord électoral et accord programmatique sont différents, je suis d’accord. En l’état, il semble intelligent de dissocier les deux… Pour le moment.

  3. Michel,

    La candidature Eva Joly ne sert à rien …..et François Hollande peut se passer au 2ème tour de ces quelques « voies vertes » égarées ,sachant que dès le 1er tour les gens de Gauche voudront voter utile pour chasser « Sarko » au 2ème tour ( au 1er on choisit …au second on élimine !!!!

    Maintenant pourquoi un accord  » au forceps selon les verts …l ils y avaient tout interêt …les autres verts les pros…… sauf Dame Eva qui n’a rien compris de la man oeuvre…..après avoir dit
     » Nous ne sommes pas prêts à brader nos idées pour quelques dizaines de circonscriptions … » »

    Bizarre !…vous avez dit bizarre ! comme c’est étrange !….
    pour l’explication je vous renvoie au billet publié dans Marianne .fr qui titre  »

     » Exclusif : La face cachée de l’accord Hollande – Duflot ; Des documents internes à Europe- Ecologie – Les Verts que Marianne s’est procurés , révèlent que le parti était au bord de la faillite au moment oû ses responsables négociaient avec François Hollande Explications …….(voir le texte ) »

    Quel dommage que Hollande ne l’ai pas su…..

    on comprend pourquoi dame EVA boude ….la bougresse …..

  4. facon jean françois

    Les EGOlogistes sont partagés en deux camps, les talibans verts ( rien à négocier) et les doux rêveurs ( souvent des bobos aveuglés par leurs convictions). Ce mouvement ignore les réalités techniques et financières de ce monde à la dérive. Fermer x centrales nucléaires est leur leitmotiv, pour obtenir in fine l’abandon de cette industrie. Le coût à payer, social et économique, est simplement nié aux motifs que seul les énergies vertes sont la solution. Savent-ils que les terres rares, indispensables à la fabrication des panneaux solaires, sont détenues par la Chine ( 95% de la production mondiale)? Pékin instaure des quotas sévères depuis 2005, et réduit ses exportations de 5 à 10% par an. En quelques décennies seulement, la Chine a pris le contrôle de l’industrie des terres rares ( source Wikipédia).
    L’éolien me direz-vous ? Pour un mat d’éolienne de 80 mètres, 800 tonnes d’acier et de béton sont injectées à sa base pour les fondations. Cela est très supérieur (par MWh/an) aux quantités nécessaires à la construction d’une centrale de tout autre type (qui ont par ailleurs leurs inconvénients respectifs). L’intermittence du vent ne trouve que peu de réponses pour stocker l’énergie, la seule prometteuse c’est l’hydrogène avec tous les problèmes associés…
    Savent-ils que le chauffage au bois est responsable de la récente pollution Lyonnaise aux particules fines. Croire que le bois est LA solution est une erreur. Le bois ne supprime pas le CO² il ne fait que le séquestrer et le libère de toute manière soit rapidement en brûlant soit lentement en pourrissant dans la forêt.
    La seule vraie solution c’est d’économiser l’énergie qui va bientôt nous faire défaut.L’enjeu majeur se situe dans les bâtiments existants et que le secteur du bâtiment est le plus consommateur d’énergie – avec la moitié de l’énergie finale – et représente la deuxième source pour les émissions de CO2, juste après le transport, avec près du quart des émissions. Il en va de même pour les transports ou la révolution des mentalités va intervenir de gré ou de force. Par ce moyen, la consommation intérieure d’énergie baissant, le nombre de réacteurs nécessaires à notre usage ne peut que décroître.
    Une nouvelle société sobre et efficace au plan énergétique est à concevoir, sans à priori EGOlogiste.

  5. J.J.

    «  »La seule vraie solution c’est d’économiser l’énergie qui va bientôt nous faire défaut…. » » VRAI

    ….Et utiliser tous le moyens à notre disposition : le solaire, ce n’est pas seulement le photovoltaïque, les chauffe- eau solaires n’ont pas besoin de terres rares. Et c’est une industrie qui peut de développer en France.
    Et il y a toutes sortes de procédés, comme les puits canadiens (un exemple parmi d’autres) , qui sans véritablement produire de l’énergie, permettent d’en économiser.
    La solution est dans la multiplication des petites installations : les petits ruisseaux faisant les grandes rivières, et non dans des »machins » gigantesques, style centrale.

    Pourquoi ne fait-on pas un effort national pour la recherche et le développement de ces énergies « économiques » ?

    Il faut réduire le nucléaire, c’est évident, mais il faut commencer tout de suite.

    La solution n’est certainement pas dans les éoliennes, mais au moins, c’est un début. Il ne faudrait pas qu’elles servent de prétexte à l’arrêt de recherche et de mise au point de systèmes vraiment performants.

  6. facon jean françois

    @J.J.
    Parlons donc du chauffe eau solaire installé par un professionnel le coût pour une famille de 4 personnes déduction faite de l’avoir fiscal donne aux alentours de 6000€ hypothèse basse.
    Les calculs économiques (par la méthode TEC de B.Chabot/ADEME) donnent un temps d’amortissement de 19.9 années. Autant dire que si tout va bien l’installation est morte lorsqu’elle est amortie. Sauf erreur de ma part les aides fiscales sont financées par les contribuables, vous et moi et vont directement dans les poches des fournisseurs.
    Le CO² économisé comparé au chauffe eau électrique c’est 207 Kg/an. Ce qui représente une très lourde dépense pour un couple de modestes propriétaires, un gros bénéfice pour le fournisseur et bien évidemment un crédit rémunérateur pour le banquier. Les mêmes 6000 € investit en isolation et une gestion au plus près de la consommation de chauffage permettent une réduction de la facture de 30 à 40% retour sur investissement entre 4 et 5 ans et 30 à 40 % de CO² en moins…
    Donc pour moi le chauffe eau solaire c’est un PàC ( Piège à C.. et pas une Pompe à Chaleur). Comme système performant, ça se limite à: regardez mon toit vous verrez comme je suis écolo ! La seule vraie économie d’énergie c’est l’énergie non dépensée et pas le leurre de l’énergie prétendue gratuite. Le puits canadien ou provençal sont des dispositifs qui font des économies d’énergie en évitant la consommation, de plus ce sont des systèmes qui ont fait leurs preuves depuis de nombreuses décennies. Avec les éoliennes, il faudra beaucoup de centrales thermiques conventionnelles à combustible fossile ( donc beaucoup de CO² produit ) pour boucler l’équilibre permanent production/consommation. Sans cet équilibre le système électrique interconnecté s’effondre et la région ou le pays sont « dans le noir ». En matière d’énergie électrique méfiez vous des solutions  » Y A KA ! », la réalité est beaucoup plus complexe .

Laisser un commentaire