Je suis certain que beaucoup des lectrices et des lecteurs réguliers de ces chroniques, devenus souvent des « proches » virtuels ne croiront pas un mot de ce que je vais proposer ce soir à leur appréciation. Même s’ils s’en défendent, la très grande majorité d’entre eux a tiré un trait sur la sincérité des élus, quel que soit leur niveau de responsabilité. Peu importe, les plus beaux combats sont les combats perdus d’avance, car ils évitent de se bercer d’illusions. Souffrez donc un instant que je vous affirme que les fonctions électives deviennent tellement exigeantes que l’on a une seule envie : tout plaquer et se retirer sous sa tente, moins confortable et moins belle que celle de Kadhafi, mais pourtant susceptible de vous couper du monde. Une journée qui ne soit faîte que de mauvais moments, de pièges, de problèmes à résoudre, alors que l’on sait à l’avance que l’on n’a pas de solutions, était, il y a quelques temps, rare. Désormais, c’est quand on ne traverse pas de tels moments que l’on se pince pour savoir ce qu’il arrive. Pas un seul espace de respiration, et une pression constante, viennent à bout de toutes les motivations… et conduisent à ne plus croire en ce que l’on fait.
Ce matin déjà, il valait mieux ne pas mettre le pied par terre. Surtout si c’était le gauche, car il semble faible depuis quelque temps. Les informations distillées par le radio réveil ne laissent rien présager de bon. Les Verts et le PS se chamaillent sur le fond mais s’accordent sur la forme pour se répartir des circonscriptions électorales dans le dos de leurs militants respectifs. Il est vrai que maintenant, ils sont tous deux pour des… primaires à géométrie variable. Le nucléaire évite les effusions mais permet, en définitive, les fusions !
Deux rendez-vous avec, chaque fois, des profits en vue pour ceux que je reçois. Les habiller de bonnes intentions ne changent rien. Dès potron-minet, la loi du marché s’impose dans un parcours ordinaire. Rentabilité quand tu les tiens, ils deviennent tous diaboliques. Il faut s’en tirer en demandant un minimum de respect pour les valeurs auxquelles je crois, mais ce n’est que le plus d’un catalogue à jeter au tri sélectif. Les discours sont dépassés, puisqu’en période de crise il n’est pas question de tergiverser. On se sent vite dépassé ou ridicule.
Départ en hâte pour d’autres horizons, pour fuir les réalités. Comme le Chef de l’État va débarquer à Bordeaux, le périple vers les rives de la Garonne relève de la prouesse. Le parking de Galin déborde dans toutes les rues avoisinantes et il me faut occuper illicitement un trottoir pour mettre en accord mes principes (non utilisation de l’automobile) et mes actes (tram prioritaire). Même pour la bonne cause, je me sens coupable de me comporter comme un contrevenant ordinaire, mais c’est le décalage considérable qui existe, chaque jour, entre les effets d’annonce permanents et les ratés du terrain. Les transports collectifs sont vantés, mais il faut un bon quart d’heure pour traverser l’avenue Thiers, et encore plus de temps pour abandonner sa peau de conducteur isolé égoïste…Attendre le bon tram, et se laisser porter vers d’autres problèmes.
Une véritable souffrance que celle qui envahit quand on apprend que l’on doit assumer les erreurs des autres plein pot. La continuité républicaine suppose que l’on sache se détacher de la notion de temps. Quand arrive l’addition, et qu’il faut puiser dans ses ressources pour faire face au total à payer, un grand vide envahit celui qui croyait en sa bonne foi. La condamnation potentielle fait toujours peur, sauf à celui qui tente de se convaincre que tout le monde il est beau, que tout le monde il est gentil, et qu’il n’a rien fait de mal.
A l’arrivée, je prends donc un coup direct dans les gencives en écoutant un avocat me décrire ce qui m’attend dans les prochaines semaines : échec total ! Je n’ai pas réussi à convaincre ! Je n’ai pas réussi à faire avancer les gens qui ne le veulent pas ! Je n’ai pas pu éviter le piège de la sincérité exploitée par des egos surdimensionnés. Je me retrouve avec la gueule de bois quand j’entends que je n’ai pas été assez « tyrannique », qu’il me fallait un « tueur », que je ne me suis pas assez « protégé », que je dois être « offensif »… Difficile ! Horriblement difficile d’admettre que rien ne résiste aux égoïsmes destructeurs. Je pressens le pire pour celles et ceux qui se sont réfugiés dans l’indifférence, car ils seront laminés par le rouleau compresseur des comportements mortifères.
Là bas, à quelques centaines de mètres, sur les rives de la Garonne, le Chef de l’État français cause. Références sans vergogne au Conseil National de la Résistance, et annonces sans aucun impact réel mais qui flattent les esprits fragiles qui ne connaissent pas les réalités. Pour moi, c’est la rage, puisque quand j’arrive sur le lieu de l’autre réunion, j’appends en un instant que la détresse ne cesse de croître dans le pays ! Rares sont les tricheurs. Nombreux sont par contre les « profiteurs » au sens capitaliste du terme. En fait, le pire n’est que l’État qui masque, truque ou sermonne ! Il doit, par exemple, à ce jour, depuis trois ans, la bagatelle de 800 000 euros à la Maison Départementale des Personnes Handicapées, mais… le Président ressasse des fausses vérités que l’élu que je suis ne saurait contester. Les médias s’en contenteront. La souffrance franchit un cran : j’enrage quand j’entends une participante faire le compte-rendu de la visite présidentielle à la CAF !
Je suis totalement impuissant face à ces machines à broyer les illusions. Il n’y a pas d’âge pour les perdre, mais c’est douloureux. La sincérité n’a plus aucun intérêt. Les apparences, la facilité, la duplicité, gagnent chaque jour du terrain. Epuisant, navrant et plus encore démoralisant !
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Les vieux marins,
ceux qui savent et voient venir le mauvais temps,
bien avant que la météo marine ne fasse la moindre annonce d’alerte informatisé,
ont pour habitude de faire une dépression pour alerter l’équipage.
Quand le vieux fait la gueule et vous regarde comme si c’était la fin du monde,
de l’air du mec qui te regarde pour la dernière fois avant de mourir,
c’est gros temps, c’est certain .
Quand le vieux rigole et entraine toute la bande
dans un mouvement rapide et une joie soudaine et incongrue
c’est la tempête !
J’ai fini par comprendre que ces réveils joyeux qui nous tiraient
de la somnolence, bercés par le filet qui vire ses kilomètres,
et le bruit lancinant du moteur diesel,
annonçaient toujours un coup de tabac.
Il faut dire qu’à la pêche en mer, si l’on rit de bon coeur quelque fois,
c’est toujours sous l’oeil averti et perçant de l’un de nous.
Jamais de répit, la moindre faute inattention,
la demi-seconde, et hop, c’est la catastrophe.
Alors quand le vieux fait des bons de singes sur le pont,
et nous entraine dans un charivari de branque,
avec l’air de ne plus surveiller quoi que ce soit,
un fou dansant, soixante cinq ou sept ans, cinquante années de mer,
d’abord on rit, puis on suit la danse, puis on s’en prend plein la gueule.
Quand la tempête arrive, réveillés, les muscles chauds,
il est possible de trouver assez de force pour mener le bateau,
ne rien perdre, surveiller du coin de l’oeil ses camarades,
rattraper au vol la radio de bord qui traverse la passerelle, décrochée des rivets,
lancer un bout au matelot qui part en glissade sur le pont,
tenir à trois la barre du gouvernail
pour remonter une vague haute comme six bateaux,
renoncer et virer de bord contre le vent pour se retrouver en surf,
vent arrière,
glissant plus vite que le rouleau d’écume qui nous poursuit,
arracher le bout de plat bord en bois qui menace de déchirer le filet,
et faire chauffer le café du vieux !
On fait route, vers le large, vers le large, vers le large, pour éviter les rouleaux meurtriers, une fois passée, ou sautée,
ou escaladée enfin la plus grosse vague de houle.
La tempête est derrière et va s’écraser à la côte.
Nous pensons à nos familles. Elles sont au chaud, à l’abri.
Plus que six heures de travail, quatre avant que le soleil se couche.
Nous étions sur le pont deux heures avant qu’il ne se lève.
La vie est belle !
…
Un jour, nous en parlons souvent dans le carré, aux repas partagés,
on videra le banquier qui nous suce le sang
et on jettera ses tripes aux fous.
De Bassan évidemment.
Tu es plus sincère et, en tous cas plus crédible, que les sbires umpistes qui ont pondu le petit trésor qui sera distribué prochainement à plusieurs millions d’exemplaires, consultable ici: http://desintox.blogs.liberation.fr/blog/2011/11/ump-un-tract-%C3%A0-.html
Si c’est sur papier glacé… On est eu ! Mais si c’est sur papier ordinaire on pourra toujours allumer le feu ou le poser en secours vers les gogues. Cependant beaucoup de panurgés friseront le « Nirvana » à cette lecture et cela risque de nous détourner de certains de leurs procédé beaucoup plus pernicieux… C’est le caillou pour distraire la sentinelle.
Continues et bon courage !
Chalut des Volcans.
Jean-Marie, je ne sais que te dire tellement je te comprends! Ce n’est pas facile dans ces cas-là de te remonter le moral…. Si ce n’est que: s’il n’y a pas des gens comme toi, que l’on rencontre parfois au détour de la vie, comment ferons-nous, nous, les petits, les « sans-grades », pour tenir ??? Il y a des personnes qui y croient encore tu sais, des gens qui se battent pour que tout cela change!!! Malheureusement je crois que, de plus en plus, cela se fait en-dehors des Partis, excepté le Front de Gauche, qui mobilise autour de lui une belle brochette « d’illuminés », comme dirait Sarko. Vient faire un tour sur nos sites, lis les commentaires surtout, ça te mettra un peu de baume au coeur….
Et puis quand c’est trop dur pense à nous, tes amis, et à tes électeurs, qui ne sont pas tous des « profiteurs déguisés », et qui t’aime beaucoup, tu le sais…
Allez, haut les coeurs, moussaillon!!! La gentillesse n’est pas un défaut, contrairement à ce qu’ils essayent de nous faire croire, l’humanisme non plus!!!
Michel, merci pour le lien! J’aurai pu éclater de rire si je n’avais pas eu autant envie de gerber…