Martine Aubry avait fait une escale girondine, dans le fameux et récent Rocher de Palmer, pour tenter de convaincre le maximum de Girondines et de Girondins de lui permettre d’aller battre la campagne présidentielle. Il est vrai que celle qui avait été choisie majoritairement pour conduire le Parti des socialistes pouvait légitimement réclamer d’être accueillie pour l’exercice des primaires…puisque c’est sous son autorité que ce processus a été mis en œuvre. Elle s’applique à elle-même ce qu’elle a décidé probablement pour…d’autres. Dans bien d’autres pays européens le fait d’avoir obtenu la confiance de son parti suffirait à en faire le leader naturel de ce dernier. Mais chez nous, les militants ont choisi de faire remettre en cause la légitimité qu’ils ont construite pour leur chef de file par des personnes extérieures susceptibles de contester cette élection… Un jeu complexe en découle pour la maire de Lille puisqu’il lui faut ne pas se démarquer du programme majoritaire élaboré sous son autorité et surtout ne pas mettre à mal l’unité qu’elle a réalisée quand ses adversaires ont souvent passé leur temps à la malmener. C’est un peu monter sur le ring avec les pieds et les poings liés, face à des adversaires ravis de l’aubaine. Martine Aubry doit être unitaire pour 6 et pourtant marquer sa différence, susceptible de lui rallier le maximum de suffrages. C’est en définitive l’effet pervers de ces primaires, qui démontrent que l’on peut être dans le même bateau sans souhaiter aller dans la même direction, et avec le même équipage. On verra à l’usage si ce qui est présenté comme un élixir de jouvence de la politique n’est pas un poison funeste, puisque pratiquer la « division unifiée » relève de la prouesse idéologique.
Martine Aubry tâtonne visiblement dans un tel contexte, car elle retient ses appréciations sur les attitudes de ses concurrents, et elle n’a que l’humour pour éviter paradoxalement une marginalisation par un discours trop consensuel. L’exercice lui convient mal. Elle se retient et ça se sent, car elle aurait probablement beaucoup à raconter sur les réalités des postures prises par les « camarades » qui battent aussi les estrades. Elle travaille dans les sous-entendus et l’humour… mais sans jamais personnaliser ses remarques sur les adaptations circonstancielles de celui qui a quitté le « navire PS » au moment où il allait le plus mal ! Elle égratigne, mais elle ne peut pas mordre. Elle esquisse mais ne tape pas. Elle touche mais ne plaque pas. On mesure parfaitement la dimension qu’elle souhaite donner à sa démarche lors de la conclusion de son propos : rassembler ! C’est le pari essentiel de cette femme droite dans les bottes qu’elle ne porte pas, car elle sait fort bien que pour obtenir la victoire, il faudra absolument rassembler au-delà du PS toutes celles et tous ceux qui ne veulent plus du Chef de l’État français actuel. Elle sait parfaitement que c’est son avantage essentiel, actuel et futur. Les partis de gauche, les syndicats, le monde associatif savent qu’elle peut tenir le cap dans les pires tempêtes. Quel candidat oserait affirmer, en évoquant les 30 ans de l’abolition de la peine de mort : « quand je considère qu’une mesure est juste je ne me soucie pas si elle me faire perdre des voix (…) ? » Sa référence à la décision de Mitterrand, certain d’être en décalage avec l’opinion dominante mais en conformité avec son intime conviction, fait écho aux revirements permanents à sensations qui semblent profiter à ses adversaires.
L’emploi? Elle avoue que ce sera son obsession, par la relance réelle. Le cumul des mandats ? Elle est contre et elle le met en pratique. Elle ne cèdera pas sur ce sujet et elle ne décalera pas par pure démagogie l’application de la loi qu’elle proposera après… 2014 ! La réforme territoriale ? Elle annulera la loi actuelle pour la remplacer par le troisième acte de la décentralisation ! La « démondialisation » ? Elle préfèrera des mesures concrètes vis à vis de la Chine afin de ne pas transformer ce principe en rupture totale d’un indispensable dialogue Nord-Sud. L’éducation ? Elle n’en fait pas une affaire de nombre de postes mais elle exigera une refonte de l’école à partir d’un Grenelle rassemblant les syndicats et les forces représentatives. La santé ? Priorité à l’hôpital public. Le système bancaire ? Séparation stricte des banques de placement dont une banque pour l’investissement public et des banques de dépôts. L’Afghanistan ? On en sera parti avant la fin 2012. Elle déroule bien d’autres propositions aussi concrètes que possible, sans emphase et sans sourciller. Elle sait ce qu’elle voudra et, par expérience, elle s’attend à des tempêtes, des réactions, des oppositions, des sabotages comme elle en a connu sur les mesures emblématiques du gouvernement Jospin, vous savez, celui qui avait pris de « mauvaises mesures » comme les 35 heures ou les emplois jeunes ! Cette femme là teindra la route et le consensus mou opportuniste où la virulence chronique de circonstance n’appartiennent pas au spectre de ses convictions. On peut se demander si c’est un atout ou un défaut, mais sa sincérité ne peut pas être mise en doute. Elle campe sur des valeurs. Elle affiche une force tranquille qui contraste singulièrement avec l’attrape tout gélatineux ou l’agitation compulsive.
Martine Aubry ne donne pas sa pleine mesure sur scène, car elle pratique la pédagogie politique quand la tendance actuelle est celle du raccourci mobilisateur. Elle assoit sa crédibilité sur les combats qu’elle a déjà menés en son nom et au nom de la gauche. Cette légitimité du « faire » plus que du « paraître » peut être considérée comme un handicap, puisque l’on sait que les bilans n’intéressent plus grand monde. D’ailleurs si ce n’était pas le cas, Nicolas Sarkozy n’aurait aucune chance. Il reste alors les promesses… et la seule que Martine Aubry a laissée derrière elle, en Gironde, c’est celle d’être fidèle à ce qu’elle a construit pour le P.S. Est-ce suffisant ?
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Réserver sa colère et et ses sentiments profonds pour donner un ton joyeux et bon enfant à une réunion de sales gosses, ne rêvant chacun que d’être chef de classe, est en effet un tache fort difficile.
Exercice auquel j’ai assisté à la télévision.
Cela aura-t-il servi l’avenir de la gauche ?
Sommes nous assez libres d’esprit, habitués aux vulgarités des joutes verbales, pour apprécier dans la retenue affichée, dans la dignité défendue, la grandeur d’âme.
Le piège auto-tendu de la censure obligée aura-t-il été jugé à sa juste valeur, la force de caractère, ou compris comme un manque d’assurance ?
L’aboiement et l’invective, dans les pièces théâtrales que sont les morceaux choisis des débats politiques font pourtant toujours recette le lendemain au café du commerce.
Madame Martine Aubry, que je ne juge ne la connaissant pas personnellement (!), qu’au travers de ses discours relayés par la presse aura eu au moins une attitude qui me suffirait personnellement à voter pour elle:
lors des affres de l’affaire DSK, c’est la seule, ou absolument la seule qui n’ait rien dit ! On pourrai y voir un geste d’amitié, mais la suite et le retour de DSK nous on prouvé le contraire, il ne s’agissait pas d’amitié.
Il s’agissait de défendre un droit républicain, un devoir, celui de la réserve obligatoire lorsqu’une affaire est en cours.
Oui, madame Aubry, souvenez-vous en est la seule à n’avoir RIEN dit !
Ce qui est rare.
Si aujourd’hui elle risque d’avoir perdu quelques points en n’alimentant pas les bonnes blagues et les gros rires aux guignols et au café du commerce, cela est bien la preuve que c’est peut-être bien la seule personne dont la dignité et la force d’esprit sont suffisantes pour redonner du sens.
Du sens au lieu de la gloriole, des actes au lieu d’une course aux médailles et un esprit d’équipe suffisant pour savoir parfois paraitre terne au profit du groupe.
Qu’espérer de mieux comme capitaine ?
Encore une fois, je le répète, me sentant bien incapable de comprendre vraiment qu’est-ce que le travail d’un président d’une république, je suis certain par contre que la dignité est bien ce qui manque le plus aujourd’hui dans les actions menées.
Et madame Aubry, à chacune de ses apparitions en est l’incarnation.
Achetez le programme ! par batistin artiste
Au théâtre des ambitions
les marionnettes habitées
brandissent leurs verges.
Elles bastonnent celui qui
toujours en quette
d’une aventure discrète
s’est retrouvé fort marri
dans la lumière crue.
L’esprit revanchard
des pantins creux
s’acharne jusqu’aux os
espérant y trouver
la substantifique moelle.
Et combler ainsi le vide
qu’il n’ont qu’à offrir
à leurs colonnes
de soldats militants.
La curée en guise de pensée
nourrir la haine
et la focaliser
tenir les troupes en haleine.
Autant de gagné sur le temps
ou il faudra expliquer
aux guerriers partisans
le sens de l’action
et sa finalité.
Nos chefs sont des faiseurs
et ne savent que jouer
une pièce mal écrite
et redonnée sans cesse.
Des acteurs redoutables
Du sang
Aucun sens mais de l’action
Achetez le programme !
Alors moi je hurle
un grand cri au balcon
espérant toucher l’esprit
de quelque résistant encore.