Dommage que les rapports publiés nationalement par la Cour des Comptes ne soient pas toujours compréhensibles par les citoyens de base. Ils pensent tous que ces documents n’ont aucun lien avec leur situation personnelle, car selon l’opinion dominante ce sont des visions technocratiques déconnectées du terrain. Pourtant, quand elle publie son « Rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques », elle offre une occasion objective de juger les réalités de la gestion effectuée par le gouvernement. Simplement un constat analysé, qui permet de vérifier que depuis maintenant dix ans, la France n’a cessé de dégringoler, en raison d’une politique absurde consistant, pour équilibrer les comptes, à… restreindre constamment les dépenses jusqu’à l’absurde quand, dans le même temps, on refuse de se pencher sur les recettes.
Ce document doit favoriser la clairvoyance de la majorité UMP qui dirige le pays depuis une décennie pour mieux préparer le budget de l’an prochain. Mais en ce 22 juin 2011, alors que le monde entier se prépare à l’effondrement de la Grèce, le premier président de la Cour des Comptes, Didier Migaud, n’a pas caché ses inquiétudes sur la situation financière des administrations publiques françaises. Le sujet est sans comparaison avec la fausse polémique débile sur les primaires socialistes, qui sert encore une fois de rideau de fumée, pour masquer le précipice qui s’ouvre devant la France.
La dette publique du pays atteint aujourd’hui près de 1.600 milliards d’euros, soit 62.000 euros… par personne ayant un emploi (ou 82,4% du produit intérieur brut). La Cour s’inquiète d’un possible « emballement de cette dette ». Elle appelle tout le secteur public à réduire ses dépenses, et conseille aux parlementaires de faire la chasse aux niches fiscales et sociales… c’est à dire à ne plus accorder d’exonérations multiples, à ne plus sacrifier la justice fiscale, à ne pas se comporter en généreux donateurs envers le monde du profit ! Quand la situation est aussi tendue, il faut avoir le courage de solliciter davantage celles et ceux qui peuvent accomplir un geste solidaire. Depuis des mois, on fait absolument le contraire, au nom d’une efficacité économique devant préserver de la misère les pauvres gens qui y sont déjà entrés !
Le déficit public (c’est-à-dire ce qu’il a manqué l’an dernier dans les caisses publiques pour payer les dépenses de l’année) n’est pas pire que celui de 2009, qui était exceptionnellement élevé, en raison de la crise. Il s’élève à 7,1% du PIB en 2010, les administrations publiques ont dû emprunter 136 milliards d’euros pour payer toutes leurs dépenses de l’année (on ne parle pas pour l’instant du stock des années précédentes). C’est à dire qu’arrivé vers le début octobre, il faut emprunter pour payer les dépenses courantes de fonctionnement de la nation (essence pour les véhicules ou les armées, salaires des fonctionnaires, fonctionnement, même de l’Elysée ou du gouvernement…).
Une grande part de ce déficit compensé est de « nature structurelle et résulte largement de mesures discrétionnaires » déclare la Cour des Comptes. Autrement dit, de choix politiques à l’échelle de l’État, de ses entreprises publiques, de la sécurité sociale et des collectivités. Rien à voir avec des nécessités venant de l’extérieur : ce sont des choix politiques qui maintiennent cette situation ! Le déficit s’explique par le niveau des dépenses publiques ordinaires, « qui sont restées quasiment au niveau de 2009, alors qu’elles ont diminué dans les autres pays européens ». Comment peut-on continuer sur les mêmes bases, quand on sait que tout est fait pour diminuer les…recettes potentielles pouvant permettre de restreindre ces trois mois de vie à crédit du pays du Président omniscient du G8 !
Face à ces dépenses stables, « les baisses d’impôt ont aggravé le déficit, notamment la suppression de la taxe professionnelle », explique la Cour des Comptes. Je n’ai cessé de l’écrire, de le clamer, de le prouver : par pur électoralisme, le Chef de l’État Français a fait un cadeau exceptionnel au monde du profit. La Cour juge même « coûteuse » cette dernière réforme. Pour la seule année 2010, elle aurait fait perdre 8 milliards d’euros à l’État, au profit des entreprises (rapport, p.25). Paradoxalement, « il est vraisemblable que la réforme a bénéficié aux collectivités en 2010 », elles auraient obtenu environ « 1,5 milliard d’euros supplémentaires ». Pour la suite, il est « trop tôt » pour se prononcer, estiment les magistrats financiers, mais le mal est fait !
Les collectivités sont par contre les bonnes élèves du rapport. En volume, les dépenses publiques locales ont diminué de 1,9% en 2010, alors qu’elles avaient augmenté de 3,6% par an depuis 10 ans (hors transferts de compétence). Les collectivités ont notamment réduit très fortement leurs dépenses d’investissement (-6,9% par rapport à 2009) ce qui n’est pas forcément un bienfait pour l’emploi !
Leurs comptes ont donc connu une « amélioration forte et imprévue », une évolution opposée à ceux de l’État qui connaissent une « situation très dégradée » (p.53). Si bien que les collectivités ont déjà atteint, dès 2010, leur objectif de 2014 du programme de stabilité soumis à l’Union européenne, qui prévoyait de limiter leur besoin de financement à 0.1% du PIB. Et ce sont elles que l’on réforme, alors que rien ne justifie (à part une idéologie libérale destructrice) qu’elles soient plongées dans le doute ! Là encore, en 2013, on mesurera l’ampleur des dégâts sarkozistes.
La Cour des Comptes met cependant en garde les acteurs locaux : si la capacité d’autofinancement des collectivités s’est améliorée et si leur endettement a peu augmenté, cela est en partie dû à des éléments conjoncturels. Tout d’abord, « il est peu vraisemblable qu’un tel rythme de hausse des prix et volumes de transactions immobilières perdure, (…) et la réversibilité du phénomène ne peut être exclue ». Ensuite, il y a évidemment l’augmentation des dépenses sociales : « Depuis 2008, les dépenses de dépendance (APA et PCH) et de solidarité (RSA et insertion) ont crû de 17 %, les compensations de l’État de 7%. »
Le fonds de soutien exceptionnel de 150 millions d’euros « n’est qu’un palliatif circonstanciel et très restreint. La reprise de la croissance des DMTO ne peut masquer l’inadéquation actuelle des modes de financement de la dépendance par les départements ». Et dire que le leader de Gironde Avenir va encore faire du cinéma au moment du vote du budget supplémentaire dans l’enceinte du Conseil général !
En fait, comme 2012 approche, on va multiplier le trompe l’œil, promettre tout ce qui va faire plaisir, taper sur les collectivités territoriales réputées mal gérées (surtout si elles sont socialistes), et on attendra les vacances 2012 pour prendre des mesures identiques à celles de la Grèce ou du Portugal. Mais chut, les candidats ne le savent pas encore !
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