Emparez vous du débat sur l'avenir des territoires !

Dans une société hermétique à la raison, il est extrêmement difficile de convaincre à partir d’arguments organisés et cohérents. L’affectif, l’émotionnel, l’approximation servent de tuteurs à toutes les croissances de l’opinion dominante. Dans tous les secteurs de la vie sociale, les porteurs de mauvaises nouvelles sont considérés comme des gens peu fiables, ayant un intérêt à pourrir les situations réelles. On en arrive à avoir davantage confiance dans un horoscope, même chinois, que dans une démonstration implacable. Mieux, la suspicion s’abat très vite sur les porteurs de nouvelles beaucoup plus crédibles que celle qu ‘annonça l’ange Gabriel ! Il existe un hermétisme particulier aux informations qui dérangent les certitudes ou les habitudes. Personne ne souhaite entendre ce qui le dérange, et fait semblant de s’étonner de ce qui est une évidence.
Il en va ainsi dans tous les milieux concernant la réforme territoriale. Il a été inutile depuis maintenant près de deux ans d’avoir prévenu que ce serait la destruction pure et simple du pouvoir local, puisque maintenant que les mesures préfectorales tombent sur la tête des communes, des syndicats et des intercommunalités, on assiste au plus formidable bal des faux-culs des fêtes locales.
Des fusions absorptions à la hussarde et sans absolument aucune justification liée au mieux être des habitants, des absurdités territoriales faites par des techniciens n’ayant absolument aucun sens de la gestion locale, des amalgames, confortent les arrangements de circonstance, les trahisons complètent le tout… et les arrangements de couloirs transgressent les choix politiques. À la hâte, sans aucun repère objectif, sans aucune connaissance réelle des conséquences financières ou simplement fonctionnelles, les élus locaux doivent hypothéquer l’avenir de populations qui ne leur ont jamais donné mandat pour cette pseudo rationalisation des structures gérant leur quotidien. Peu importe, il faut absolument boucler la réforme avant l’élection présidentielle…pour éviter que la colère monte dans les campagnes. Alors, même quand les aménagements sont souhaitables, on va renoncer pour ne pas contrarier les élus, et éviter de faire monter la contestation. Et ce d’autant que les parlementaires UMP ayant… voté à l’insu de leur plein gré (c’est ce qu’ils clament maintenant) ces textes assassins pour la démocratie, se débinent les uns après les autres pour expliquer qu’ils n’y sont pour rien ! Il arrive que face aux maires réputés « apolitiques », ils aient l’indignation facile. Combien de sénateurs UMP, de députés sarkozistes, oublient-ils aisément à quel point ils ont critiqué leurs collègues qui s’opposaient, arguments tangibles en mains, à cette loi aussi inutile qu’orientée politiquement. C’est l’art et la manière de s’adapter… aux circonstances. Sur le terrain, c’est la panique.
La suppression de syndicats à vocation technique comme ceux des regroupements pédagogiques intercommunaux ayant permis à de multiples écoles de village de survivre va générer des effets collatéraux imprévus. Elle va tout simplement permettre, en renvoyant la gestion de chaque école à une commune, de supprimer plus aisément les postes d’enseignants, puisque les ratios ne seront plus les mêmes. La confection de vastes entités pour la distribution de l’eau potable va faciliter leur prise de contrôle par les entreprises, avides d’un nombre suffisants d’abonnés pour rentabiliser l’exploitation et améliorer les profits. La réunion des personnels va entraîner une RGPP territoriale dont rêve depuis des mois le gouvernement, obsédé par la suppression d’emplois de fonctionnaires. L’étranglement financier (que personne ne veut admettre) des conseils généraux aura des conséquences terribles sur les investissements, et donc sur l’emploi, mais tout le monde fait semblant de ne pas le croire. Dans ce contexte, on en arrive au chacun pour soi… sauver sa peau. C’est purement le reflet de la société actuelle, avec ses arrangements, ses négociations secrètes, ses déclarations rassurantes, mais jamais une analyse objective de la situation. Du moment que l’on n’est pas « touché », la réforme ne soulève pas de tempête particulière.
En fait, le plus grave c’est qu’elle sera dans les faits, décalée après l’échéance présidentielle. Mais personne n’a véritablement lu la loi qui fait que tous les « arrangements » antérieurs à mai 2012 n’auront aucune valeur, puisque le texte donne aux préfets le pouvoir de décider de ce que bon leur semble avant juin…2013. D’ici là, les maires s’apercevront que les finances du conseil général, vampirisées par les transferts sociaux, ne peuvent plus effacer les inégalités territoriales.
Les « usagers » des services publics paieront leur indifférence face aux mythes portés par les privatisations réputées plus efficaces. Les « consommateurs » d’eau verront s’envoler les coûts liés aux investissements indispensables pour les mises en conformité européennes. Les « contribuables » constateront que, si la suppression de la taxe professionnelle a favorisé les grands groupes industriels, elle a fait grimper leurs impositions liées aux taxes locales. Les « électrices et les électeurs », restés à la maison, regretteront d’avoir oublié de se déplacer pour les cantonales. Mais dans le fond, peu importe, ce « merdier » incroyable n’a pour vocation que de reprendre, par une réforme hâtive et non maîtrisée, le contrôle des collectivités territoriales détenues par la gauche, en 2014, si les présidentielles se passent comme prévu. En attendant, tout se déroule à vive allure, dans l’indifférence générale, puisque chaque jour un fait divers éclipse le débat… indispensable, que devraient apporter ces tripatouillages législatifs à géométrie variable.

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Cet article a 2 commentaires

  1. Christian BAQUE

    Bonsoir
    Il y a une solution pour sortir de ce « merdier »: que les élus refusent en bloc le plan préfectoral, dans tout le département, comme ont commencé à le faire les élus de Haute Gironde, sans distinction d’étiquettes.
    Que les représentants des élus à la CDCI votent contre ce schéma préfectoral, empêchant le Préfet de mettre en oeuvre son plan destructeur. Et non qu’ils cherchent à « l’amender » considérant qu’il y a quand même là-dedans « de bonnes choses » comme le pensent certains « grands élus », de droite ET de gauche.
    Que « la gauche », (mais là encore ses grands dirigeants sont-ils de cet avis?) ABROGE cette réforme.
    Quant aux usagers, consommateurs, contribuables, ils peuvent comprendre… si on leur explique, et que l’on cesse de les prendre pour des c…
    Car c’est l’une des raisons pour lesquelles ils s’abstiennent massivement: ils ne parviennent plus à différencier droite et gauche (Cf Espagne, Portugal, Grèce…)
    Cordialement

  2. Claude MEFIANT

    Une loi si elle n’est pas inscrite dans la constitution peut facilement être abrogée.
    J’aimerais entendre davantage la gauche sur ce point.
    En ce qui concerne la communauté de communes du canton de Fronsac, tous les Conseils (18 pour 16 000 habitants) vont prendre la même délibération refusant la réforme et demandant le maintien de la collectivité au lieu de la dilution dans une communauté d’agglomération ingérable.

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