La mondialisation touche désormais le monde politique. Les allemands viennent d’en apporter la preuve, puisque la chancelière allemande, Angela Merkel, a mis sur le compte de l’accident nucléaire au… Japon la débâcle de sa coalition conservatrice-libérale aux élections régionales de la veille, marquées par un triomphe des Verts. « Le débat lié à la centrale nucléaire japonaise de Fukushima explique clairement cette défaite électorale », a expliqué la chancelière au cours d’une conférence de presse. Elle ne manque pas d’air, car bien évidemment elle applique la fameuse théorie qui fait fureur en France depuis des décennies : « c’est pas moi… c’est l’autre ! » Il est vrai que ce comportement n’est guère différent de celui de l’UMP après les cantonales.
Les Verts ont créé un véritable événement Outre Rhin en arrivant en tête dans ce Land du Bade Wurtemberg — l’une des régions les plus prospères de l’Union européenne — qui sera le premier à être dirigé par des écologistes. Bien évidemment, la politique économique, les décisions en matière d’emploi, les restrictions imposées à toutes les couches sociales, n’ont absolument pas joué dans ce Waterloo de la droite allemande.
Décidément, les pouvoirs locaux se rebellent dans tous les pays, et les gens qui gouvernent ne souffrent pas cette contestation venant du terrain. Certes, les Verts allemands s’appuient incontestablement sur une vague antinucléaire, après l’accident de la centrale japonaise de Fukushima, en recueillant 24,2% des voix, leur record toutes élections confondues, selon les résultats officiels provisoires. Ils ont eu simplement le mérite d’avoir de la suite dans les idées, ce qui n’est pas la posture commune dans le monde politique. En Allemagne, « l’égologie » n’a pas pignon sur rue, puisque c’est « l’écologie » favorisant l’intérêt général qui prend le pas sur les égoïsmes locaux ou partisans. Samedi, à la veille du scrutin, environ 250.000 manifestants s’étaient rassemblés dans quatre grandes villes du pays pour demander la fermeture définitive des 17 réacteurs allemands, dont quatre se situent dans le Bade-Wurtemberg.
Leur débat n’a rien de totalement déconnecté de la réalité, puisque les événements actuels le justifient pleinement. En France, au lieu de lancer une réflexion sur ce sujet tout de même capital pour l’avenir… on a inventé successivement les débats sur l’identité nationale, puis sur l’islam, camouflé derrière le rideau de fumée de cette fameuse « laïcité » que l’on met à toutes les sauces idéologiques, en en déformant les objectifs ! Quel est le sujet le plus important ? Quel est le besoin immédiat ? Quel sujet mérite le plus d’intérêt des citoyens ? Dans tous les partis, une évocation de l’après nucléaire devrait être à l’ordre du jour. Le réveil, malgré tous les somnifères, distillés par les médias dominants sur le nuage radioactif et les conséquences de Fukushima, sera douloureux si le seul programme du Chef de l’État Français se résume à courir après les éructations de Marine Le Pen !
Les Verts ont en effet aussi fait une entrée impressionnante au Parlement de Rhénanie-Palatinat (ouest), en recueillant 15,4% des suffrages, triplant leur score de 2006. Ils obligent le Parti Social-Démocrate (SPD) à nouer une alliance avec eux pour pouvoir continuer à gouverner.
Dans le Bade-Wurtemberg, ce sera le scénario inverse: le Vert Winfried Kretschmann à la barre, avec des sociaux-démocrates minoritaires, là où la CDU gouvernait avec le FPD. Partout, la carapace du silence éclate sous les effets de la réalité ! Car la différence entre ces élections allemandes et le piteux résultat français, c’est que ces scrutins sont caractérisés par une forte participation de l’électorat.
« La coalition Merkel reçoit la facture », estimait l’édition internet du magazine Der Spiegel, alors que trois scrutins régionaux sont encore programmés en 2011. Elle ne pourra ignorer le message de l’électorat sur le nucléaire, veut croire la presse de gauche. Comme ne l’a pas fait le Chef de l’État Français, la chancelière a elle-même écarté toute idée de remaniement du gouvernement. Il est vrai que le véritable séisme en France a été celui des cantonales, qui a fait s’effondrer le dogme voulant que l’UMP soit un parti nombreux, solidaire, efficace et joyeux ! Après la crise financière, la crise économique et la crise sociale, il va falloir que le gouvernement Fillon, vilipendé par les…responsables du parti devant le soutenir dans ses réformes, affronte une crise politique ! Comme le veut la tradition dans les défaites, chacun pense à sauver ses abattis et il y a quelques sénateurs UMP qui doivent se préparer à battre en…retraite. En Allemange, ça n’a pas traîné, puisque les libéraux se réunissent en congrès en mai, car la rébellion couve contre le chef Guido Westerwelle. Crédité de 14,6% aux législatives de 2009, il vient d’être balayé de deux Parlements régionaux en une semaine, dans le Saxe-Anhalt (ancienne Allemagne de l’Est) le 20 mars et dans la Rhénanie-Palatinat le 27, stagnant sous les 5% requis. Il se maintient de justesse dans le Bade-Wurtemberg avec 5,3%,, soit moitié moins qu’en 2006.
En France, personne ne va se poser de questions, puisque le Chef de l’État a vite mis en place un barrage contre toute contestation. Selon des participants à une réunion de responsables UMP à l’Élysée, cités par l’AFP, Nicolas Sarkozy a mis en garde les radicaux de Jean-Louis Borloo. « Ceux qui mettent en cause la famille politique sont ceux qui ne se battent pas pour elle, et ceux qui voudraient mettre en cause l’unité de notre famille ne le feront pas avec notre complicité », a lancé le Chef de l’État devant les membres de la direction du parti présidentiel. Et on peut lui faire confiance en matière de « complicité », il en connaît un rayon, lui qui n’a jamais comploté, qui n’a jamais divisé, qui n’a jamais trahi…
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