Quel pays pourrait continuer à accepter qu’un gouvernement propose des textes de lois à un rythme effréné, destinés, selon les déclarations de son chef, à réformer sans cesse la vie collective républicaine … entachés partiellement ou totalement d’illégitimité ? Seule la France, empreinte de frénésie réformatrice ressemblant à une apparente agitation, peut s’offrir le spectacle d’une majorité parlementaire multipliant les entorses à la Constitution. Il n’y a plus un seul texte qui ne soit pas retoqué, rectifié, renvoyé par un conseil constitutionnel, pourtant exclusivement composé de proches, « ralliés » ou « viscéraux », du Chef de l’Etat concepteur de ces lois indignes. La seule victoire possible c’est que seulement quelques articles soient rejetés, comme tellement insupportables qu’il est impossible, en conscience, de les accepter. En matière d’insécurité, les rodomontades présidentielles proférées à Grenoble, après les expressions volontairement lancées dans les cités, ne résistent pas à l’usure des faits.
Le Conseil constitutionnel a ainsi censuré treize articles de la fameuse loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (Loppsi 2), adoptée au Parlement le 8 février. Tout devait être réglé par cet amoncellement de textes hétéroclites, uniquement écrits pour conforter l’opinion dominante qui réclame des sanctions bêtement, sans comprendre que le mal social ne se soigne pas seulement avec la répression aveugle.
C’est ainsi la première fois dans l’histoire de la Ve République qu’autant d’articles d’une loi sont censurés… et encore, par des sages majoritairement issus du même parti que le Président en exercice. Que serait-il arrivé si cette instance était réellement indépendante ? toute la loi se serait effondrée !
C’est un nouvel échec cuisant pour le chantre de l’insécurité et pour sa majorité, tant cette loi d’orientation devait permettre de traduire les orientations sécuritaires annoncées par le président de la République dans son « discours de Grenoble », le 30 juillet 2010. C’est une conduite de Grenoble qu’a fait le Conseil constitutionnel à ceux qui font fi des quelques textes républicains encore en place !
Le texte initial déposé par le gouvernement en mai 2009, qui comptait quarante-six articles, n’a cessé d’enfler au fil des lectures, pour en comporter cent quarante-deux à l’arrivée. C’est sous l’impulsion du président de la République qu’un certain nombre de dispositions ont été intégrées, après le discours de Grenoble. Elles étaient uniquement proposées pour impressionner la galerie et faire entrer la France dans un régime sécuritaire outrancier. Nul ne savait véritablement si les textes seraient applicables et l’essentiel restait de montrer que l’on avait des solutions à un problème de fond, lié à des facteurs totalement étrangers au contenu du texte proposé.
Le Conseil constitutionnel a ainsi censuré l’article permettant au préfet de procéder à l’évacuation forcée de terrains occupés illégalement. Exit la disposition introduite, à la demande du chef de l’Etat, pour marquer sa volonté de procéder à des évacuations de campements de Roms, qui autorisait à procéder dans l’urgence, à toute époque de l’année, à l’évacuation de personnes défavorisées et ne disposant pas d’un logement décent. Tous les maires savent fort bien que jamais le problème de l’accueil des roms ne sera réglé rien qu’avec des mesures contraintes prises par l’Etat à l’encontre des collectivités, récalcitrantes pour mettre en place les conditions matérielles minimum pour leur accueil. L’épisode des Roms mis à l’index par un gouvernement utilisant la peur comme moyen de gérer le pays, finit en eau de boudin… et encore ce n’est qu’une petite sanction vis à vis d’une attitude condamnable à plus d’un titre.
De même, le Conseil s’est opposé aux articles étendant aux mineurs l’application de « peines plancher » et autorisant leur comparution immédiate à la demande du procureur de la République, sans saisir au préalable le juge des enfants. Il réaffirme ainsi la spécificité de la justice des mineurs, qui impose de prendre en considération leur personnalité et leur devenir. Toujours concernant les mineurs, le Conseil constitutionnel a validé la possibilité de prendre une décision de « couvre-feu », collective ou individuelle (pouvant être prise par un préfet ou un tribunal des enfants), mais a censuré la possibilité de punir pénalement un parent dont l’enfant n’aurait pas respecté la mesure. Sur le plan de la vidéosurveillance sur la voie publique, le Conseil constitutionnel a accepté l’extension des dispositifs prévus dans la loi. Il a en revanche censuré la possibilité de les laisser exploiter par des personnes de droit privé. Voici au moins une privatisation d’un pan de la tradition républicaine qui aura été épargné !
Censurées également, des dispositions accordant aux policiers municipaux des pouvoirs de police judiciaire, tels que la possibilité de procéder à des contrôles d’identité. Le Conseil a sérieusement encadré la possibilité de création de logiciels de « rapprochement judiciaire », permettant la mise en œuvre de traitements de données à caractère personnel, recueillies à l’occasion d’enquêtes judiciaires. Ceux-ci ne pourront être autorisés que sur décision de l’autorité judiciaire, et pour une durée de trois ans. Il est même scandaleux que l’on ait accepté cette disposition, quand on sait que l’effacement des données n’existe pas, et n’existera que s’il y a suffisamment de personnel pour se consacrer à ce travail de fourmi nettoyeuse.
Le Conseil a aussi refusé l’installation de salles d’audience au sein des centres de rétention administrative, rappelant la nécessité de « statuer publiquement , c’est-à-dire qu’on n’installe pas des palais de justice à l’intérieur des prisons. Le far-West et la justice d’exception avaient en effet inspiré quelques députés en service commandé.
Enfin, la disposition réintroduisant une forme de « double peine », de telle sorte que le président de la cour d’assises demande aux jurés de se prononcer sur l’interdiction du territoire d’un condamné d’origine étrangère, a été censurée. Il y a des mois que les socialistes s’élevaient contre cette disposition, mais il était inutile de les écouter. Le Conseil constitutionnel leur a donné partiellement raison et a mis un sérieux coup d’arrêt à un ensemble législatif qui tentait de contourner à la fois la jurisprudence et des principes constitutionnels. Deux secteurs qui ne préoccupent guère le pouvoir en place !
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« Qui préfère la sécurité à la liberté aura tôt fait de perdre les deux » ….. Benjamin FRANKLIN
Mais n’est-ce pas justement le but de l’opération ?
Bonjour,
A oui un état totalitaire et non une véritable démocratie ,REFORME en principe c’est pour amélioré faire mieux pour le peuple !
Aujourd’hui sous couvert de reforme autoritaire voir dictatoriale, tout recule la LIBERTE, l’EGALITE et il en découle LA FRATERNITE LES PILLIER HIER DE NOTRE DEMOCRATIE FRANCAISE UN MODELE HIER.
Exemple dans la CEE ou certains pays n’ont pas la monaie EURO et imposent leurs véto qu’est-ce cette europe qui ne fonctionne pas pour les peuples mais seulement pour l’argent et la libre circulation des marchandises?
ou est l’humain dans cette constitution non validé par le peuple français, mais encore de maniére détourné par un président?
L’EUROPE UNE VERITABLE BOITE A PANDOR ET DE REQUIN actuelement,ET? DE PLUS la sociale démocratie et le capitalisme ont atteind leurs limite!
Pourquoi ne pas réfléchir à une europe des états fédérés zone euro, et seulement ceux ayant adopté l’euro pour éviter les spéculations de la monaie en interne;
En interne réforme sociale, en effet les salaires et droits sociaux reculent partout et les bénéfices sont détournés par des primes et rémunérations sous forme de stok options et autre produits dérivés autres que salaires non taxé pour les caisses, retraite,
chomage,sécurité sociale…, donc réforme de ce qu’est un salaire ou un revenue provenant du travail de salariés
cela doit passé par la supression de toute formes de primes ou émolument versé à un salarié par un patron?
Bonne lecture et meilleurs salutations aux lectrices et lecteurs;